Article de presse: Sidney Bechet

1949 - Sidney Bechet s'établit définitivement en France au début des années 50, après avoir été l'incontestable triomphateur du Festival de Pleyel du mois de mai 1949. Il y fêtera, le 14, son anniversaire. Il avait, à l'en croire, ce jour là cinquante-deux ans. La revue Down Beat et Pops Foster lui en prêtaient soixante-deux, certains historiens cinquante-six, et Claude Luter cinquante-huit. Personne, sauf Bechet lui-même, ne sut jamais vraiment son âge. Quel que fût celui-ci, et en prenant éventuellement pour hypothèse que Bechet ait dit vrai, le musicien apparaissait, après un demi-siècle de vie-ajoutons : exténuante-d'une puissance physique hors du commun. Cette force impérieuse dans le jeu, comme la manière expressionniste appuyée de son lyrisme, ont fait la gloire de Bechet qui apportait la joie au public le plus large comme il gagnait l'estime des musiciens par une justesse impeccable sur le soprano, une souplesse parfaite d'exécution et une générosité mélodique débordante. Bechet, le plus grand représentant du style Nouvelle-Orléans avec Armstrong, fit les belles nuits du jazz dans l'Hexagone, l'hiver, à Paris, au Vieux Colombier, et, l'été, dans les clubs d'Antibes. Entre Bechet et Paris, les liens étaient anciens. Il vint dans la capitale en 1920, puis en 1925-pour la Revue Nègre, avec Joséphine Baker-et il y séjourna de 1928 à 1930. Il tenait son nom d'un planteur " français " de la Louisiane, qui aima sa mère Marie, et chacun sait que Bechet est, dans notre langue, le diminutif de " bec ", sobriquet de celui qui a la parole facile. Cela lui convenait très bien, et, pour une fois, personne n'osera invoquer, en la circonstance, quelque atavisme charentais ou vendéen. Charles Delaunay, qui l'a fréquenté longtemps, a écrit que Sidney se vantait de ses origines culturelles et tenait absolument à ce que l'on prononçât (et, donc, orthographiât) son nom à la française. Ce que nous avons souvent fait, selon son désir. LUCIEN MALSON Avril 1985