Article de presse: Rongée par la violence, l'Algérie a perdu ses illusions
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
28 novembre 1996 - Déception, c'est sans doute le mot qui caractérise le mieux le sentiment des Algériens au sortir d'une année 1996 qu'ils pensaient porteuse d'espoir. N'avaient-ils pas élu fin 1995 à la tête de l'Etat un homme qui, tout au long de sa campagne électorale, s'était engagé à ramener sans tarder la paix civile dans leur pays ?
Vaine promesse. Le président Liamine Zeroual n'a pas rempli son contrat. Le régime peut bien parler de " terrorisme résiduel ", la violence continue à dominer l'actualité, même s'il est impossible de dresser un bilan exact des victimes dans un pays où la censure n'est pas un vain mot. Dans un rapport publié à l'automne, Amnesty International a avancé le chiffre de 50 000 victimes au cours des cinq dernières années. D'autres sources parlent de 100 000 morts. Des victimes anonymes, vu de France, sauf exception comme l'enlèvement, puis l'assassinat à la fin mai de sept moines français du monastère de Tibéhirine ou celui, le 1er août, de Mgr Claverie, l'évêque d'Oran.
Faux semblants
Mais les " terroristes islamistes " n'ont pas le monopole de la violence. Même si elles s'en défendent, les forces de sécurité savent employer à l'occasion des méthodes aussi expéditives que celles de leur adversaire. Prise en tenaille entre deux barbaries, la population n'a guère les moyens de se faire entendre.
Non pas que les attributs d'une démocratie fassent défaut. Alors qu'elle a déjà un président de la République, qu'elle s'est dotée le 28 novembre d'une nouvelle Constitution la quatrième depuis l'indépendance , l'Algérie se prépare à élire au printemps 1997 des députés. Mais, derrière les apparences, c'est une dictature militaire qui s'installe progressivement en cultivant des valeurs arabo-islamistes. La presse est sous haute surveillance. Une loi a muselé les partis politiques. La Constitution approuvée à une unanimité plus que douteuse enlève par avance tout pouvoir à la future Chambre des députés.
Il faut une bonne dose d'optimisme pour croire que Liamine Zeroual va créer la surprise en 1997 et ouvrir la voie d'une indispensable réconciliation nationale. Hypothèse d'autant plus fragile qu'en Algérie le chef de l'Etat, même s'il concentre les apparences du pouvoir, doit rendre des comptes à ses pairs militaires. Son prédécesseur, le général Chadli, en sait quelque chose pour avoir été remercié le 11 janvier 1992 par les militaires qui le soupçonnaient de vouloir pactiser avec le FIS.
JEAN-PIERRE TUQUOI
Le Monde du 11 janvier 1997
Liens utiles
- Article de presse: David Lange, apôtre perdu en politique
- Article de presse: La France a-t-elle perdu l'Afrique ?
- Article de presse: Le président Zeroual détient tout le pouvoir en Algérie
- Article de presse: Un accord exemplaire entre la France et l'Algérie
- Article de presse: Violence au Québec