Article de presse: Romano Prodi, réconciliateur de l'Italie
Publié le 22/02/2012
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" Il professore " ne commence véritablement à se frotter à la politique que lorsqu'il est, pendant cinq mois, en 1978-1979,ministre de l'industrie dans le cabinet de Giulio Andreotti.
Appelé à présider l'IRI (Institut pour la reconstruction industrielle) en1982, c'est à ce poste de gérant du plus important conglomérat industriel italien qu'il se fera la main aux affaires publiques et feravaloir ses qualités de redresseur.
En sept ans, le monstre étatique qui ne cessait de perdre de l'argent finit par en gagner, passantde plus de 3 000 milliards de lires de pertes à 1 260 milliards de bénéfices.
Romano Prodi a si bien réussi qu'on le rappelle en1993.
Cette fois, il sera contraint de dégraisser la trop lourde machine en privatisant.
Ces années passées au contact d'une réalité difficile lui donnent des idées sur la manière dont il faut réformer le pays.
Il lespublie dans la revue Micromega , en août 1994.
Ce sera le déclic.
" Je n'ai pas levé le petit doigt.
Lorsque j'ai vu que, de toutes parts, j'entends de la gauche et surtout du centre " non berlusconien " , arrivaient les sollicitations pour me pousser en politique,alors je me suis décidé.
Non par calcul tactique, mais parce que j'ai pensé que l'alternance était enfin possible en Italie.
Berlusconia eu le mérite de " décongeler " la droite ; moi, je voulais " décongeler " la gauche.
"
Comment procéder ? Il était évident que le PDS (Parti de la gauche démocratique), dont le symbole est pourtant le chêne,n'était pas assez fort pour résister à la droite.
Il fallait y ajouter tous " les buissons alentour " parce que " les arbres, comme leshommes, peuvent vivre ensemble s'ils trouvent un terrain commun " .
C'est ainsi qu'est née la coalition de l'Olivier, afin d'opposerun pôle d'une force égale à celui de la droite, le Pôle des libertés.
Le fameux bipolarisme cher à Romano Prodi a donc été lancé.Parce qu'il est, selon lui, l'unique remède à la fragmentation des partis qui, au temps de la démocratie chrétienne, ont fait valser lesgouvernements en fonction des retournements d'alliances.
" Ce professeur paisible, civil, sympathique et compétent " , selon la définition de Massimo D'Alema, secrétaire du PDS, feradonc parfaitement l'affaire en tant que fédérateur des forces de gauche et du centre-gauche.
" Imbécile utile " , " cheval de Troiedu grand capitalisme " , ont lancé ses détracteurs contre cette " force tranquille " qui dit que le vélo est " le seul sport qui permetted'aller à son propre rythme " .
Son moteur, c'est un choix qui répond à deux ingrédients essentiels : " Le cerveau et la solidarité.Le cerveau parce que le développement est lié à l'homme, et la solidarité parce que seuls vont de l'avant les pays qui saventmettre ensemble leurs forces pour un but commun.
" Dans ces conditions, il n'est pas besoin de formules racoleuses pour attirerl'électeur.
" La politique, c'est plus un problème de contenu que de slogans.
" Pour lui, Silvio Berlusconi est un marchand dutemple, un camelot " qui a semé beaucoup de rêves sans peut-être connaître la tristesse des gens " .
Romano Prodi sait quelquefois avoir la dent dure et le sens de l'humour.
Il a vite appris l'art du sarcasme et de la rhétorique.Mélange rassurant de modération, de fermeté et de convictions, on a dit qu'il était un homme du passé, un démocrate-chrétienattardé, pétri de catholicisme social dont le modèle était Giuseppe Dossetti, le fondateur du courant de gauche au sein de ladémocratie chrétienne, lequel a fini par rentrer dans les ordres.
" Chrétien, je le suis profondément, reconnaît-il, mais cesdernières années, il était difficile de trouver quelqu'un qui vous inspire vraiment.
" Excepté Jacques Delors, qui " peut être unesource d'inspiration en raison de sa culture chrétienne et par la force et l'équilibre de son parcours " .
Le " Delors italien " , comme il a été surnommé, a, lui, relevé le défi et s'est engagé jusqu'au bout.
Sans renier sa filiation dedémocrate-chrétien, sans renoncer jamais aux valeurs qui sous-tendent son action, ce " recyclé " de la première République,comme l'ont épinglé ses opposants, parvient à devenir le point de ralliement de l'Olivier et à insuffler ses élans et sa rigueur.Lorsqu'en décembre 1995 il présente, à Rome, ses 88 thèses, Romano Prodi ne cache à personne que des sacrifices serontnécessaires.
Que, pendant dix-huit mois, les Italiens devront se serrer la ceinture.
" Nous ne vendons pas des illusions ou desrêves, mais nous proposons des actions possibles, compatibles entre elles, (...) parce que la société italienne n'est plus disposée àcroire à la démagogie incohérente de la droite, aux vendeurs ambulants de prospérité.
"
Sans cesse, il enfonce le clou de la rigueur, du redressement indispensable, des efforts à faire.
" Il n'est pas possible d'avoir letonneau plein et la femme ivre, de pouvoir aller à la messe et de rester chez soi " , rabâche-t-il en usant de proverbes locaux.
" LeTemps des choix " , titre de l'un de ses livres, est venu.
Le premier de ces choix, c'est l'Europe.
Tout pour la monnaie unique,mais pas seulement elle puisque, qu'on le veuille ou non, il faut assainir les finances publiques.
C'est une obligation.
Comme unartisan consciencieux, méthodiquement, patiemment, il s'attelle à son ouvrage, ne masquant rien, expliquant tout.
Et ça passe !Les Italiens le suivent sans grogner.
Parce qu'il a convaincu, parce qu'il sait convaincre par sa spontanéité, sa simplicité, enutilisant le langage de tous les jours.
La grande force de cet Italien moyen devenu pourfendeur des belles phrases et des romances politiques est, en effet, cetteétonnante simplicité.
Le dimanche, il redevient comme tout le monde, un citoyen qui va à la messe, fait du jogging, du vélo etreçoit ses amis autour d'une bonne table, dans cette Emilie-Romagne accueillante et souriante.
A Bologne " la rouge " , lefondateur du centre d'études Nomisma, cet homme sans prétentions, fait figure de symbole de la réconciliation dans un pays figépar cinquante ans de démocratie chrétienne et arc-bouté par autant d'années de lutte contre l'épouvantail communiste.
Visage.
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