Article de presse: Renouer le dialogue entre Israéliens et Palestiniens
Publié le 22/02/2012
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25-27 septembre 1996 - Au terme d'une réunion convoquée d'urgence par le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, jeudi soir 26 septembre à Jérusalem, le cabinet dit " de sécurité " a rejeté sur l'Autorité palestinienne la responsabilité des violences dont les territoires palestiniens ont été le théâtre au cours des dernières quarante-huit heures. Les affrontements, qui s'étaient étendus, jeudi, à Gaza, ont fait, selon les derniers bilans, cinquante-cinq morts, quarante-quatre Palestiniens et onze Israéliens. Les Etats-Unis s'emploient à organiser une rencontre entre M. Nétanyahou et le chef de l'Autorité palestinienne, M. Arafat. Avec les quatre autres membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, ils ont, en outre, indirectement invité l'Etat juif à fermer l'accès au tunnel qui longe l'esplanade des Mosquées, et dont l'ouverture a mis le feu aux poudres.
Et maintenant que fait-on ? Comment recoller les morceaux du processus de paix ? Est-ce même possible ? Comment va-t-on s'y prendre pour remettre le mauvais génie dans sa bouteille ? Sur le ton entendu de ceux qui savent la réponse si on la leur demande, ou sur celui de l'angoisse la plus sincère, telles sont bien les questions dont la classe politique israélienne tout entière débat avec passion depuis quarante-huit heures.
Retourné, jeudi 26 septembre, dans la soirée, à Tel Aviv, après n'avoir écourté sa première tournée européenne que de quelques heures, puisqu'il devait rentrer dans la nuit, Benyamin Nétanyahou a réuni son cabinet restreint, dit " de sécurité ". A 3 heures, vendredi, " après avoir entendu [pendant quatre heures], les évaluations des chefs de l'armée, de la police et du Shin Beth [service de sécurité intérieure] ", les ministres les plus importants et leur chef ont publié un communiqué " concernant la situation dans les régions de Judée-Samarie [Cisjordanie], de Gaza et de Jérusalem. " " Le gouvernement d'Israël exige que l'Autorité palestinienne restreigne et stoppe les activités violentes et la création de l'agitation de l'intérieur de son territoire contre les citoyens et les soldats d'Israël. (...) Les tirs de la police palestinienne et les incitations à la violence constituent une sévère violation des accords intérimaires [d'Oslo] qui, si elle continue, mettra le processus de paix en péril. " Après avoir rappelé l'article 15 des accords, selon lequel " chaque partie prendra toutes les mesures nécessaires pour prévenir les actes de terrorisme et d'hostilités contre l'une d'elle ", le gouvernement " appelle à la reprise des négociations politiques de paix (...) sans condition préalable ".
Trois demandes
Cette dernière précision vise à rejeter par avance les trois demandes posées, jeudi, au nom de l'Autorité palestinienne, par Fayçal Husseini, chef de l'OLP à Jérusalem-Est blessé au cours des affrontements et soutenues aussi bien par l'Egypte que par la Ligue arabe et par plusieurs pays européens : " Fermeture du tunnel " de la Vieille Ville, - c'est son ouverture qui a mis le feu aux poudres -, " application immédiate des accords déjà conclus et signés par le précédent gouvernement, ouverture réelle des négociations concernant le statut définitif des territoires occupés, y compris Jérusalem-Est ". Ces discussions, formellement ouvertes, le 5 mai, entre l'OLP et le gouvernement travailliste, ont été depuis l'élection de M. Nétanyahou renvoyées aux calendes grecques.
Invité, jeudi, à deux reprises par téléphone, à rencontrer le premier ministre " aussi tôt que possible ", c'est-à-dire dans la nuit de jeudi à vendredi, Yasser Arafat s'est semble-t-il montré évasif. Fort de sa relative victoire politico-diplomatique - après quarante-huit heures d'affrontements il a montré qu'il avait le pouvoir de créer beaucoup de problèmes à Israël si celui-ci se contentait de promesses médiatiques à son égard sans respecter ce qui a été conclu et il a reçu le soutien de la quasi-totalité des puissances du monde -, le chef de l'OLP n'a apparemment pas voulu prendre le risque de se montrer avec " Bibi " à la veille de la grande prière musulmane du vendredi. D'autant que cette journée, à très hauts risques, devait être aussi consacrée aux funérailles des trente-sept victimes palestiniennes.
Les colons comme supplétifs
En l'absence de son chef, qui a pris tout son temps pour revenir au pays, le gouvernement avait paré au plus pressé. Depuis jeudi après-midi, l'état d'urgence a été décrété dans les territoires palestiniens occupés et autonomes. Outre que Tsahal a ouvert ses stocks d'armes aux colons juifs adultes pour servir éventuellement de supplétifs, la mesure signifie essentiellement deux choses. D'abord, l'armée est en état d' " alerte rouge " et des renforts, ainsi que du matériel lourd (chars d'assaut), ont été acheminés dans tous les territoires occupés, y compris à Jérusalem-Est, où le nombre de policiers a été multiplié par trois en prévision de la journée de prières à la mosquée El Aqsa.
Deuxièmement, le bouclage des territoires, imposé depuis six mois, ne s'arrête plus à la " ligne verte " qui séparait jadis Israël proprement dit des régions palestiniennes. On ne passe plus entre les zones A, B et C délimitées par les accords d'Oslo. La mesure, qui avait été appliquée après les attentats-suicides de février-mars, signifie que, sauf exception pour les personnalités importantes, plus personne n'entre ou ne sort des sept enclaves autonomes contrôlées par l'OLP (6 % des territoires), même pour se rendre dans le reste de la Cisjordanie occupée.
Ces mesures ont-elles une chance de ramener le calme alors que, comme dit Ouri Savir, l'ancien directeur du ministère des affaires étrangères, architecte israélien des accords d'Oslo, " il y a grave danger si l'on n'applique pas immédiatement les accords signés ? " Mais à supposer qu'il en ait le projet, comment M. Nétanyahou " le dur " pourrait-il maintenant annoncer qu'il va, par exemple, redéployer son armée hors d'Hébron sans paraître céder à la pression de M. Arafat ?
" Ce qui s'est passé ces dernières quarante-huit heures, disait, jeudi, Tsahi Hanegbi, ministre de la santé, très proche de " Bibi " , est conforme à ce que nous prédisions lorsque nous étions dans l'opposition : il ne fallait surtout pas laisser les Palestiniens autonomes s'armer, car au premier différend avec nous, ils utiliseraient leurs armes contre nos soldats. C'est fait. "
Ce qui est sûr, selon Ephraïm Sneh, ancien ministre d'Itzhak Rabin, " c'est que grâce à votre politique, il n'y a plus de processus de paix. Nous avons à la place un conflit militaire israélo-palestinien comme nous n'en avions plus connu depuis 1967 ". Alors, un gouvernement d'union nationale peut-il sauver ce qui peut encore l'être ? " Avant d'évoquer ce genre de sujet, a rétorqué Shimon Pérès, encore faudrait-il, si l'on veut que le Parti travailliste s'identifie à ce gouvernement, que nous soyons associés à la prise de décision. " Quand on pense, regrettait encore Ouri Savir que " nous étions au seuil de la paix et [que] nous voici à l'orée d'une nouvelle Intifada. Et tout cela en quatre mois... "
PATRICE CLAUDE
Le Monde du 28 septembre 1996
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