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Article de presse: Paul VI entre réforme et transition

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

6 août 1978 - La fin du règne de Paul VI a été particulièrement morose. Pour une double raison. Le pape disparaît à l'heure où la crise de l'Eglise et de la société bat son plein sans qu'il soit possible de distinguer clairement les signes de décadence des germes d'avenir. Paul VI s'est usé à la tâche et semble n'avoir guère réussi à faire front. De son prédécesseur, Jean XXIII, il a été dit à tort qu'il était un " pape de transition ". Beaucoup auraient certes voulu qu'il le fût. Mais le pape Jean fut un prophète par excellence. En un pontificat-éclair, il mena l'Eglise à un train de chasseur. La révolution de Jean XXIII a sidéré les uns, enthousiasmé les autres, mais ouvrit devant elle un avenir vertigineux qu'il fallait assumer. Mort au zénith de sa gloire, le successeur imprévu de Pie XII laissait un héritage redoutable. Ce fut la tâche de Paul VI de le monnayer jour après jour et de traduire progressivement dans les faits ce qui fut l'objet d'une intuition initiale. A peine élu, l'ex-cardinal Montini définit immédiatement le but de son pontificat : conduire le concile jusqu'à son terme, puis faire en sorte que ses décrets passent dans la vie de l'Eglise quels que fussent les obstacles rencontrés. Autrement dit, le nouveau pape se faisait l'exécuteur testamentaire de Jean XXIII. Entre l'Eglise d'hier et celle de demain, et sans renier ni l'une ni l'autre, il s'agissait de construire une Eglise de transition, avec sa physionomie propre, nouveau maillon d'une chaîne ininterrompue devant épouser son siècle faute de manquer à sa mission évangélisatrice. Le premier geste du pape fut pour prendre un nom qui était à lui seul tout un programme. Depuis le XVIIe siècle, aucun successeur de Pierre ne s'était appelé comme l'apôtre des Gentils, dont la tâche principale fut d'étendre les frontières de l'Eglise sans exclusive tout en respectant les particularités locales. Pape missionnaire, Paul VI le fut en effet pleinement, jusqu'à parcourir le vaste monde. Il le fut aussi en agrandissant à l'extrême le cercle de l'oecuménisme. Prolongeant l'oeuvre de Jean XXIII, il adjoignit successivement au secrétariat pour l'unité des chrétiens un secrétariat pour les religions non chrétiennes et un troisième pour les non-croyants. Cette volonté d'universalité, Paul VI la manifesta également dans les domaines diplomatique et politique. Son troisième voyage, en effet, dès 1965, aura été New-York, où il s'est posé devant l'ONU comme un " expert en humanité " et un héraut de la paix. Parfaitement conscient que l'unité du monde moderne ne se fera pas autour des dogmes catholiques, le pape a tenu en quelque sorte à porter sur les fonts baptismaux le premier balbutiement de l'organisation mondiale des nations. Une Eglise ouverte sur l'avenir A l'heure où la religion est contestée de toute part, Paul VI a fait éclater d'une manière perceptible à tous le ghetto catholique et s'est rendu présent dans les divers secteurs intéressant l'humanité, quel que soit son credo ou son agnosticisme. D'où, au risque de lasser l'attention, son insistance lancinante à réclamer le développement des peuples, le désarmement progressif et multilatéral, l'aide du tiers-monde, la cessation des conflits. Objet de multiples décisions, messages et encycliques, ces objectifs extraconfessionnels ne doivent pas faire oublier les efforts entrepris dans le domaine oecuménique à proprement parler. Sept mois après son élection, Paul VI va en Terre sainte, berceau de trois grandes religions monothéistes, prier à Bethléem et au Golgotha et rencontrer sur le mont des Oliviers le patriarche de Constantinople. La levée d'excommunication de l'Eglise orthodoxe devait suivre logiquement cette réconciliation solennelle. Parallèlement à ce rapprochement avec l'Orient, Paul VI a poursuivi les pourparlers avec les anglicans. L'archevêque de Canterbury, imitant le geste de son prédécesseur, est venu au Vatican en 1966. Sur le plan confessionnel, qui est plus directement le sien, Paul VI a veillé de sa façon discrète au déroulement harmonieux des deuxième, troisième et quatrième sessions de Vatican II. Intervenant rarement pour limiter la liberté d'action des Pères, il a fait en sorte que la minorité n'entrave pas la marche conciliaire, et notamment que le fameux schéma XIII sur " l'Eglise dans le monde de ce temps " -auquel tenait par-dessus tout Jean XXIII-arrive à son achèvement. Comme son prédécesseur, Paul VI, tout en demeurant au-dessus des querelles, a permis à Vatican II d'affermir sa personnalité et de prendre une série de mesures ouvertes sur l'avenir. Une fois le concile terminé, le pape a scrupuleusement mis en route les grandes réformes décidées. Dans le domaine liturgique, les changements ont été particulièrement notables et remarqués. Le rituel de la messe, dont l'essentiel était resté inchangé depuis le XVIe siècle, a été supprimé, laissant la place à celui qui porte le nom de Paul VI. Les intégristes ont vainement réagi, et cette nouvelle liturgie devait devenir le cheval de bataille de ceux qui se réclament peu ou prou de Mgr Marcel Lefebvre, dont la rébellion a assombri la fin du pontificat. A l'égard du fondateur d'Ecône, Paul VI a fait preuve d'une grande mansuétude, allant jusqu'à le recevoir à Castelgandolfo malgré les réticences de son entourage. Un des grands combats du pontificat écoulé aura été la refonte et l'internationalisation de la Curie romaine, dont Paul VI connaissait bien les rouages puisqu'il en avait fait partie sous les deux papes précédents. Il a mené cette réforme à bien en quelques années, supprimant les cumuls, rendant les charges amovibles et fixant à soixante-quinze ans la limite d'âge pour les fonctions des évêques et des curés du monde entier. Cette révolution silencieuse a été faite en souplesse, dans le respect des personnes. La rénovation du Saint-Office, la suppression de l'Index, la nomination d'un non-Italien au poste (renforcé) de secrétaire d'Etat, se sont succédé sans heurts apparents. Conformément aux voeux du concile, les pouvoirs des évêques résidentiels ont été peu à peu accrus, la création des conférences épiscopales nationales encouragée, le synode, enfin, instauré. Cette décentralisation a inévitablement créé des tensions. Des cardinaux, comme le primat de Belgique et celui de Hollande, ont donné du fil à retordre au pontife suprême, le premier estimant trop timides les réformes entreprises, le second devant concilier les exigences de sa province ecclésiastique avec les points d'arrêt posés par Rome concernant le célibat. Au-delà de ces réformes institutionnelles, le pape a dû supporter les pressions de la contestation généralisée qui s'est introduite au sein de l'Eglise depuis quelques années. Il s'est essayé à freiner la poussée progressiste, non en prenant des sanctions exemplaires, comme le lui conseillaient les conservateurs, mais par la parole et la persuasion. Tempérament non autoritaire, le pape était convaincu que la manière douce était plus efficace que la manière forte. On l'a vu notamment à propos de l'affaire du célibat ecclésiastique. Malgré une encyclique (1967) bloquant apparemment toute issue, malgré de nombreux messages affirmant que la loi du célibat était intouchable, le pape n'a pu éviter que cette question qui lui tenait tant à coeur figure à l'ordre du jour du synode 1971. On l'a vu également et d'une manière aussi pénible à propos de la contraception. Jamais encyclique n'aura été plus discutée, plus combattue, plus contredite qu'Humanae Vitae (1968). Venue tardivement après une période d'hésitation et de fausses manoeuvres, ce document a peu convaincu, au moins en Occident. Le pontificat de Paul VI aura cependant marqué un changement décisif dans le style de la papauté. Le pape a parcouru le monde. Il est descendu de son piédestal, se livrant parfois, comme à Jérusalem, aux remous de la foule. Pas plus que son prédécesseur, Paul VI n'a pontifié. HENRI FESQUET Le Monde du 8 août 1978

« de Mgr Marcel Lefebvre, dont la rébellion a assombri la fin du pontificat.

A l'égard du fondateur d'Ecône, Paul VI a fait preuved'une grande mansuétude, allant jusqu'à le recevoir à Castelgandolfo malgré les réticences de son entourage. Un des grands combats du pontificat écoulé aura été la refonte et l'internationalisation de la Curie romaine, dont Paul VIconnaissait bien les rouages puisqu'il en avait fait partie sous les deux papes précédents.

Il a mené cette réforme à bien enquelques années, supprimant les cumuls, rendant les charges amovibles et fixant à soixante-quinze ans la limite d'âge pour lesfonctions des évêques et des curés du monde entier.

Cette révolution silencieuse a été faite en souplesse, dans le respect despersonnes.

La rénovation du Saint-Office, la suppression de l'Index, la nomination d'un non-Italien au poste (renforcé) desecrétaire d'Etat, se sont succédé sans heurts apparents. Conformément aux voeux du concile, les pouvoirs des évêques résidentiels ont été peu à peu accrus, la création desconférences épiscopales nationales encouragée, le synode, enfin, instauré. Cette décentralisation a inévitablement créé des tensions.

Des cardinaux, comme le primat de Belgique et celui de Hollande, ontdonné du fil à retordre au pontife suprême, le premier estimant trop timides les réformes entreprises, le second devant concilierles exigences de sa province ecclésiastique avec les points d'arrêt posés par Rome concernant le célibat. Au-delà de ces réformes institutionnelles, le pape a dû supporter les pressions de la contestation généralisée qui s'est introduiteau sein de l'Eglise depuis quelques années.

Il s'est essayé à freiner la poussée progressiste, non en prenant des sanctionsexemplaires, comme le lui conseillaient les conservateurs, mais par la parole et la persuasion.

Tempérament non autoritaire, lepape était convaincu que la manière douce était plus efficace que la manière forte.

On l'a vu notamment à propos de l'affaire ducélibat ecclésiastique.

Malgré une encyclique (1967) bloquant apparemment toute issue, malgré de nombreux messages affirmantque la loi du célibat était intouchable, le pape n'a pu éviter que cette question qui lui tenait tant à coeur figure à l'ordre du jour dusynode 1971. On l'a vu également et d'une manière aussi pénible à propos de la contraception.

Jamais encyclique n'aura été plus discutée,plus combattue, plus contredite qu'Humanae Vitae (1968).

Venue tardivement après une période d'hésitation et de faussesmanoeuvres, ce document a peu convaincu, au moins en Occident. Le pontificat de Paul VI aura cependant marqué un changement décisif dans le style de la papauté.

Le pape a parcouru lemonde.

Il est descendu de son piédestal, se livrant parfois, comme à Jérusalem, aux remous de la foule.

Pas plus que sonprédécesseur, Paul VI n'a pontifié. HENRI FESQUET Le Monde du 8 août 1978. »

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