Article de presse: Nouvelles tendances littéraires
Publié le 22/02/2012
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15 octobre 1945 - Foisonnement, innovation, éclatement... les années d'après guerre sont marquées, dans la littérature et le théâtre, par le surgissement de nouvelles tendances qui expriment à la fois le désarroi de l'époque et la force créatrice de personnalités éclatantes. Un débat domine cette période : celui sur l'engagement politique en littérature, mené par Jean-Paul Sartre et Albert Camus. Le premier poursuit le cycle (demeuré inachevé) des Chemins de la liberté, et occupe la scène avec Morts sans sépulture, la Putain respectueuse (1946), les Mains sales (1948), le Diable et le Bon Dieu (1951). Le second publie la Peste (1947) et donne au théâtre Caligula (1945), l'Etat de siège (1948) et les Justes (1949). Tandis qu'Aragon tente, avec sa série des Communistes (1949 à 1951), de créer un art romanesque prolétarien, Simone de Beauvoir aborde, dans le Deuxième Sexe (1949) une réflexion sur l'identité féminine.
Si ces oeuvres s'efforcent de traduire des problèmes actuels, elles demeurent relativement traditionnelles sur le plan esthétique. La philosophie de l'absurde qui hante ces années meurtries par le souvenir des drames récents est exprimée de façon beaucoup plus neuve par Samuel Beckett, dont les premiers romans-Murphy (1947), Molloy (1951), Malone meurt (1952), l'Innommable-passent pratiquement inaperçus, mais dont En attendant Godot (1953) constitue un événement théâtral. Autres nouveaux venus qui bouleverseront durablement l'art théâtral, en cassant les représentations traditionnelles du personnage et du dialogue : Ionesco, avec la Cantatrice chauve (1950), la Leçon (1951), les Chaises (1952), Amédée ou comment s'en débarrasser (1954); Adamov, la Grande et la Petite Manoeuvre (1950), le Professeur Taranne (1953); Jean Genet, les Bonnes (1947), Haute Surveillance (1949), qui se voit sacré par Jean-Paul Sartre, dans Saint Genet comédien et martyr (1952), comme un héros de la conscience malheureuse des temps modernes.
Autour du courant dit du " nouveau roman " se regroupent des écrivains qui entendent rompre avec les techniques traditionnelles du récit et inventer une nouvelle écriture romanesque : Nathalie Sarraute publie Mortereau (1953), Robbe-Grillet les Gommes (1952), Michel Butor Passage de Milan (1954). Plus solitaires, plus originaux aussi dans leurs démarches, d'autres auteurs poursuivent, dans l'esprit du surréalisme, des recherches plus radicales encore sur le travail de l'écriture, comme Georges Bataille (l'Abbé C, 1950), Michel Leiris (la Règle du jeu, 1948), Maurice Blanchot (la Part du feu, 1949), Julien Gracq (qui refuse le prix Goncourt pour le Rivage des Syrtes, en 1951), Klossowski (Sade mon prochain, 1949, Roberte ce soir, 1954).
D'une inspiration moins sévère, mais tout aussi irrespectueux des conventions littéraires, certains mêlent l'humour à une vision très subversive de l'ordre social et culturel, comme Jacques Prévert (Paroles, 1946), Boris Vian (l'Automne à Pékin, l'Ecume des jours, 1947), Raymond Queneau (Exercices de style, 1947), Jean Tardieu (Un mot pour un autre, 1950, Monsieur, Monsieur, 1951).
Parallèlement à ces recherches d'avant-garde, une littérature plus classique se développe avec brio. Tandis que Gide (en 1947) et Mauriac (en 1952) reçoivent la consécration du prix Nobel, Montherlant (le Maître de Santiago, 1948, Malatesta, 1950, Port-Royal, 1954), Giraudoux (la Folle de Chaillot, 1945), Claudel (l'Annonce faite à Marie, le Partage de midi, 1948), Marcel Aymé (la Tête des autres, 1952), Anouilh (la Valse des toréadors, 1952, l'Alouette, 1953) triomphent à la scène. Des romanciers d'inspiration réaliste entreprennent des oeuvres riches de promesses comme Henri Bosco (le Mas Théotime, 1945), Hervé Bazin (Vipère au poing, 1948), Roger Nimier (le Hussard bleu, 1950), Jean Giono (le Hussard sur le toit, 1951), Françoise Mallet-Joris (le Rempart des béguines, 1951), Marguerite Yourcenar (les Mémoires d'Hadrien, 1951). Et l'année 1954 sera marquée par deux événements où se mêlent la littérature et la révolution des moeurs : l'apparition scandaleuse de deux jeunes inconnues. L'une deviendra célèbre, Françoise Sagan (Bonjour tristesse), l'autre demeurera entourée de mystère, Pauline Réage (Histoire d'O).
FREDERIC GAUSSEN
Février 1985
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