Article de presse: Nguyen Van Thieu : le refus du compromis
Publié le 22/02/2012
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12-19 juin 1965 - Le président Thieu est le produit d'un système qui s'est mis peu à peu en place après la chute de Ngo Dinh Diem, en 1963, dans une atmosphère confuse de coups et contrecoups d'Etat et sous la protection d'un corps expéditionnaire américain de plus en plus envahissant. Le général Thieu ne connaîtra que rarement la quiétude, sauf peut-être en 1970 lorsque, au lendemain de l'incursion sud-vietnamienne et américaine au Cambodge, la guerre est passée pour un temps de l'autre côté de la frontière.
Elu chef de l'Etat par une junte militaire en juillet 1965, il ne devient président de la République qu'en octobre 1967. Il lui faut encore une année pour pouvoir choisir son premier ministre. En fait, ce n'est qu'en 1969 qu'il parvient à mettre en place son propre appareil. On ne lui connaît pas d'amis et peu de fidèles.
Pour l'ancien fantassin, qui approche alors de la cinquantaine et dont les cheveux ont rapidement blanchi, 1971 annonce le retour des difficultés. Au début de l'année, l'incursion dans le Bas-Laos, sur la piste Ho-Chi-Minh, risque de tourner à la catastrophe et révèle les faiblesses de la vietnamisation. A l'automne, à l'issue d'une tragi-comédie qui semble l'opposer un moment au général Ky et au " grand Minh ", il se retrouve candidat unique pour un second mandat présidentiel et se fait réélire avec 94,3 % des suffrages exprimés.
Le public ne semble guère s'être intéressé à ce qui est demeuré une querelle entre généraux, tandis que les Vietcongs et les Nord-Vietnamiens préparent déjà l'offensive qu'ils lanceront au printemps 1972.
Thieu sait que l'épreuve de force arrive. Il ne cesse même de le répéter. Il n'envisage aucun compromis avec l'adversaire et entre lui et les communistes, il exclut toute autre solution. Des arrangements ne peuvent être que provisoires, et il s'agit d'en tirer le meilleur profit.
Et quand l'offensive communiste débouche sur une reprise du dialogue entre MM. Kissinger et Le Duc Tho et, plus tard, sur l'accord du mois d'octobre, il donne l'impression d'être dépassé par les événements.
L'accord que lui trace Henry Kissinger, le 18 octobre, lors de son passage à Saigon, il le considère comme un arrêt de mort, comme " un suicide ", dira-t-il. Tout dépend désormais du président Nixon. Il réclame un peu de temps pour préparer le cessez-le-feu, pour renforcer son armée, pour faire place nette, pour pouvoir continuer la lutte par d'autres moyens. Il dit : " Oui, mais ! " Il ne fait pas front. Mais, avec son talent habituel, il donne dans la résistance passive et la discrétion.
Les raids américains sur Hanoï et Haïphong, le 18 décembre, lui donnent raison. Richard Nixon s'est prononcé en sa faveur. La couleur réelle du drapeau qui flotte sur Saigon l'intéresse encore.
" Prétexte américain "
Est-il l'homme-clé de la situation ? Les communistes vietnamiens disent qu'il n'est qu'un " prétexte américain ", et certains de ses adversaires locaux, qu'il a réduits pour l'instant à l'oisiveté, le considèrent comme un obstacle à la paix.
Le général Thieu s'en défend. Pour lui, le Vietnam dont on rêve à Hanoï n'a pas de sens c'est un monde qui lui échappe totalement. Si on lui en donne les moyens, il est prêt à se battre pendant dix ou vingt ans encore pour empêcher les communistes vietnamiens et leurs compagnons de route de réaliser leur rêve. Pour réussir, il lui faut avant tout encore du temps. Si le traité qu'on lui impose aujourd'hui est loin de le satisfaire entièrement, il lui donne cependant une chance de continuer son combat.
Il pense pouvoir encore jouer sur les hésitations américaines pour imposer sa loi sur le terrain. Nixon lui a renouvelé son " appui total " et a réaffirmé que le régime de Saigon reste, aux yeux des Etats-Unis, " le seul gouvernement légitime " du Vietnam du Sud.
JEAN-CLAUDE POMONTI
Le Monde du 25 janvier 1973
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