Article de presse: Morale et politique au théâtre
Publié le 17/01/2022
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1960 - La naissance d'une vraie dramaturgie de contestation et de provocation : c'est là ce qui caractérise d'abord, dans le domaine du théâtre, les années 1955-1962. Se développe alors un théâtre de la morale et de la politique en comparaison duquel les oeuvres de Sartre ou de Camus de la période précédente font figure de discours philosophiques, formels, de débats d'idées de cours du soir.
Désormais, c'est la conscience qui directement se fait théâtre, avec notamment la présence du " tiers-monde " : Les Nègres de Jean Genet, monté par Roger Blin en 1959 au Théâtre de Lutèce, constitue à cet égard une date essentielle. Le Cadavre encerclé de Khateb Yacine, mis en scène en 1958 par Jean-Marie Serreau, s'inscrit sur la même trajectoire. Le tandem Blin-Serreau avait été à l'origine en 1953 de l'événement majeur du théâtre français d'après la guerre, avec la création de En attendant Godot de Samuel Beckett, et continue ainsi à marquer son empreinte.
Roger Blin ne s'en tient pas là, qui monte en 1957 la seconde grande pièce de Beckett, Fin de partie, tandis que se fait toujours sentir l'ascendant de Bertolt Brecht : Serreau joue Homme pour homme, Planchon présente à Lyon la Bonne Ame de Se-Tchouan (1958), et Vilar monte à Chaillot Arturo Ui (1960).
Plus importante est pour Planchon la mise en scène, en 1959, de la Seconde Surprise de l'amour de Marivaux. Frédéric Deloffre, spécialiste de cet auteur, note à ce propos que Planchon " fait disparaître définitivement l'image d'un Marivaux poudré, affadi ".
Au-delà, cette nouvelle mise en scène va libérer l'esprit de nombre de jeunes animateurs de théâtre.
Côté grand théâtre éternel de poésie et de texte, Jean-Louis Barrault conçoit une magnifique mise en scène du chef-d'oeuvre de Paul Claudel, jamais joué intégralement jusque-là, Tête d'Or, avec Alain Cuny (1959). Puis Madeleine Renaud interprète la Cerisaie, et va ainsi relancer l'audience de Tchekhov.
Quant à Jean Vilar, il poursuit au TNP sa mission de service public en présentant des spectacles beaux et dignes devant un large public populaire-grâce au relais des comités d'entreprise-aussi bien que bourgeois : il monte Macbeth, le Prince de Hombourg, Richard II, le Triomphe de l'amour, Ce fou de Platonov, Le Mariage de Figaro, Ubu (1958), Mère Courage, le Songe d'une nuit d'été, Antigone avec chaque fois autant de succès.
En marge de ces grandes entreprises, des troupes plus modestes jouent des rôles également décisifs. C'est Jacques Mauclair, par exemple, qui reste fidèle à Ionesco (Le roi se meurt en 1963), ou encore Tania Balachova, qui, dans son école d'acteurs, forme les créateurs de demain, parmi lesquels un certain Antoine Vitez.
MICHEL COURNOT
Septembre 1985
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