Article de presse: Milovan Djilas, l'enfant terrible du communisme
Publié le 22/02/2012
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20 janvier 1961 - Milovan Djilas, qui vient de quitter le pénitencier de Sremska-Mitrovica avant d'avoir purgé sa peine de neuf ans de prison, est l'une des figures les plus romantiques et les plus fortes en couleur du communisme yougoslave, dont il a été dénommé l' " enfant terrible " Dès l'âge de dix-huit ans, Milovan Djilas adhérait, à l'université de Belgrade, au mouvement communiste illégal il témoignait dès cette époque de ses dons d'orateur et d'entraîneur d'hommes. C'est cette dernière qualité d'ailleurs qui le fit particulièrement apprécier pendant la guerre de partisans par le maréchal Tito, dont il devint l'un des compagnons les plus proches.
Nommé général de l'armée populaire yougoslave, il conduisit à Moscou la première mission militaire de son pays. Alors stalinien convaincu, il ne jurait que par le " génial petit père des peuples ", auquel il vouait un véritable culte.
Milovan Djilas ne mettra pas longtemps cependant à déceler l'autoritarisme de Staline et la menace que celui-ci comporte pour l'indépendance de la Yougoslavie.
Il va d'ailleurs apparaître désormais que Milovan Djilas est avant tout dominé par son amour pour son pays et le peuple yougoslave le jour où les intérêts de l'un et de l'autre lui paraîtront menacés d'abord par Staline, puis par les conceptions communistes des dirigeants yougoslaves, pourtant ses compagnons et ses amis, il les abandonnera ou les critiquera sans la moindre hésitation ni la moindre crainte devant les risques qu'il encourt.
Dans le conflit entre Staline et Tito, il donne ainsi tout son appui à ce dernier avec Pijade et Kardelj, il sera l'un des trois cerveaux qui parviendront à élaborer la doctrine d'un communisme national et à dégager le " parti " de l'emprise de Moscou. Nous sommes alors en 1949.
Trois ans plus tard, Djilas est de nouveau rebelle : ce n'est plus le stalinisme qu'il rejette alors, mais la conception du communisme qui règne parmi ses compagnons de Belgrade.
Dans des articles publiés par Borba, à partir du 11 octobre 1953, il affirme d'abord que le Parti communiste a joué son rôle historique, et qu'il faut rendre la parole au prolétariat. Il dénonce d'autre part les habitudes de luxe qu'ont prises plusieurs de ses camarades " dirigeants " et qui les séparent du peuple yougoslave, ce qui est d'autant plus odieux, dit-il, que ce peuple vit très pauvrement.
Ses pairs ne pardonneront jamais à Djilas cette attitude, et comme il persiste dans ses critiques et ses accusations en dépit des efforts de conciliation qui sont déployés pendant plusieurs mois par le pouvoir pour faire taire cette voix fort gênante, il sera finalement jugé et condamné à neuf ans de prison. Milovan Djilas sort aujourd'hui d'un pénitencier où, il y a déjà presque trente ans, il a purgé une peine de trois ans d'emprisonnement à laquelle il avait été condamné, du temps de la monarchie, pour ses activités de meneur communiste à l'université de Belgrade.
JEAN SCHWOEBEL
Le Monde du 22-23 janvier 1961
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