Article de presse: Matyas Rakosi, le meilleur disciple de Staline
Publié le 22/02/2012
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18 juillet 1956 - Né en 1892, Matyas Rakosi avait un physique ingrat. Mais son intelligence faisait oublier cette disgrâce. En 1912, il obtient une bourse et part à Hambourg, puis à Londres. Cependant, avec le déclenchement de la première guerre mondiale, le jeune Rakosi dut rentrer en Hongrie.
Mobilisé et envoyé sur le front russe, il est fait prisonnier en 1915 : c'est le début de sa vie de militant. Organisateur du mouvement révolutionnaire parmi les prisonniers de guerre, Matyas Rakosi sera, trois ans plus tard, membre fondateur du Parti communiste hongrois.
En 1919, pendant les cent trente-trois jours de la République des conseils de Hongrie, il occupe des postes de responsabilité : vice-commissaire du peuple au commerce, puis commissaire à la production. Après la chute de la Commune hongroise commence sa carrière internationaliste : c'est lui qui, en juillet 1920, présente à Moscou devant le IIe congrès de l'Internationale communiste le rapport sur l'activité de son parti. En tant que fonctionnaire de la IIIe Internationale, il milite sous de multiples identités dans divers pays occidentaux, où sa connaissance des langues, son intelligence, sont appréciées. En 1924, il rentre clandestinement en Hongrie : arrêté par la police, Rakosi est traduit devant une cour martiale.
Sa vie est menacée, mais grâce à une campagne organisée en sa faveur, avec la participation de divers milieux progressistes du monde entier, grâce aussi à son attitude courageuse face au tribunal, son affaire est renvoyée devant un tribunal " ordinaire ", qui le condamne à huit ans et demi de travaux forcés. Ayant purgé sa peine, il est arrêté de nouveau en 1935. Malgré de nouvelles protestations, Rakosi se retrouve en prison.
Il devra sa liberté au pacte germano-soviétique. Grâce à un accord signé entre les gouvernements de Moscou et de Budapest, Rakosi et plusieurs dirigeants communistes emprisonnés sont échangés en 1940 contre les drapeaux pris aux Hongrois par les armées du tsar pendant la révolution de 1848-1849...
C'est ainsi que Matyas Rakosi, naturalisé soviétique, s'installe à Moscou. Il organise, conformément aux instructions reçues de Staline, la section hongroise du parti. En même temps, en Hongrie, les communistes de l'intérieur se regroupent. Plus tard, la plupart d'entre eux seront arrêtés sur l'ordre de Rakosi. Certains, comme Laszlo Rajk, sont liquidés à la suite de procès préfabriqués.
D'autres, dont Janos Kadar, sont torturés et passent de nombreuses années en prison.
1945 : Matyas Rakosi et les " moscovites " rentrent en Hongrie avec l'armée soviétique. Ils appliquent ce qu'en janvier 1952, dans une conférence prononcée devant l'Académie politique du parti, le " meilleur disciple hongrois du grand Staline " appela la " tactique du salami ". Cette " tactique " consistait à découper l'ennemi, c'est-à-dire les formations politiques non communistes largement majoritaires dans le pays, en " tranches ", à diviser " chaque morceau " et à avaler le tout, avec l'aide de la police politique. Après avoir éliminé ses adversaires politiques, neutralisé l'Eglise catholique, il s'attaque aux communistes qui n'ont pas " combattu " à ses côtés en Union soviétique.
La répression atteignit toutes les couches de la société hongroise : en 1951, plusieurs dizaines de milliers de personnes " suspectes " sont éloignées de Budapest et internées dans des camps de travail.
La nomination de Rakosi-déjà secrétaire général du parti-au poste de président du conseil, en août 1952, marque l'apogée de sa puissance : quelques mois plus tard, Staline disparaît.
Rakosi se maintient encore pendant quatre ans. Certes, en juillet 1953, Imre Nagy devient, avec l'appui, notamment, de Nikita Khrouchtchev, président du conseil. Partisan d'un communisme " à visage humain ", il annonce de profondes réformes économiques, ainsi qu'un projet d'amnistie. Mais le secrétaire général du parti résiste et réussit même, en avril 1955, à rétablir la situation en sa faveur.
Imre Nagy est éliminé.
Rakosi se trouve en face d'une situation politique complexe : Moscou ne veut pas d'un retour pur et simple en arrière. Il faut continuer à réhabiliter les victimes de la période stalinienne et modifier la planification économique, tout en contrôlant de près l'évolution.
Cependant, à partir de 1955, une tendance de plus en plus puissante se manifeste-surtout à l'intérieur du parti-en faveur d'une " libéralisation " politique et économique, dans le respect de la résolution de juillet 1953. A la personne d'Imre Nagy, symbole du " bien ", chassé de la vie publique par les staliniens, on oppose le " mal " : Matyas Rakosi.
Les jours du dictateur sont comptés. Le 18 juillet 1956, le comité central du parti se réunit en présence de Mikoyan, arrivé de Moscou.
Après un débat dramatique, Rakosi présente sa démission.
THOMAS SCHREIBER
Le Monde du 7-8 février 1971
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