Article de presse: L'Irlande du Nord en faveur du processus de paix
Publié le 17/01/2022
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22 mai 1998 - L'ampleur de la victoire du " oui " , vendredi 22 mai, au référendum sur l'accord de paix de Stormont - conclu le 10 avril à Belfast entre catholiques et protestants d'Ulster, Dublin et Londres - a donné au processus de paix une légitimité indispensable. Le texte a été approuvé par 71,2 % des votants (28,8 % pour le " non " ) en Irlande du Nord, où les électeurs se sont déplacés massivement. Le taux de participation (81,1 %) est le plus fort dans cette province britannique depuis 1921. Au sud de l'île, en République d'Irlande, ils ont été 94 % à approuver l'amendement constitutionnel qui complète cet accord.
Les résultats ont été accueillis par des cris d'enthousiasme au Kings Hall de Belfast où étaient comptés les bulletins de vote. Le révérend Ian Paisley, porte-drapeau de la coalition des " non " et qui s'est opposé à toutes les réformes depuis trois décennies, a été hué et traité de " dinosaure " .
Ce succès est d'autant plus impressionnant que, selon une estimation du Sunday Times, environ 55 % des électeurs protestants ont voté en faveur d'un changement auquel ils avaient jusqu'alors été hostiles. L'affirmation du docteur Paisley selon lequel le scrutin, truqué, a donné une majorité de 55 % au " non " parmi les unionistes, ne résiste pas à l'examen. Seule une circonscription sur dix-huit, la sienne, aurait refusé l'accord à plus de 50 %. Les unionistes ont donné un mandat incontestable à David Trimble, le chef du parti unioniste UUP (protestant), qui, de concert avec John Hume, à la tête de la principale formation nationaliste (catholique), le SDLP, devraient administrer la province après les élections prévues le 25 juin. Un échec aurait signifié le torpillage du plan de paix, comme ce fut déjà le cas il y a un quart de siècle.
Rendez-vous le 25 juin
Après avoir mené une campagne sans lustre, alors que ses opposants multipliaient les arguments démagogiques, M. Trimble a finalement su convaincre les hésitants de son camp. Il apparaît comme le grand vainqueur. Il avait tout à perdre en cas d'échec. Plus de la moitié des députés de son parti, ainsi que l'Ordre d'Orange - dont il est membre - avaient mené ouvertement le combat contre un accord qualifié de trahison. Il a reçu samedi soir l'hommage de David Ervine, le chef du petit parti loyaliste PUP - lié aux paramilitaires protestants - rival politique certes, mais qui s'est donné à fond pour faire triompher le " oui " . L'ampleur de leur victoire ne saurait dissimuler les hésitations, les craintes, les interrogations de nombre d'électeurs protestants. " Ma tête vote ``non``, car je suis opposée à la libération des prisonniers politiques, mais mon coeur vote ``oui``, car je pense à l'avenir des enfants " , expliquait une électrice protestante. Aux " oui " hésitants se sont ajoutés les " non " incertains. La communauté protestante sort traumatisée de cet affrontement interne alors que les catholiques ont avalisé l'accord avec une quasi-unanimité.
Il faudra attendre l'élection à la proportionnelle, le 25 juin, des 108 membres de l'Assemblée autonome d'Irlande du Nord - dotée de pouvoirs législatifs et qui désignera un premier ministre et les ministres en fonction du poids de chaque parti - pour voir si l'essai du 22 mai sera transformé. M. Paisley et ses amis n'ont pas désarmé dans ce qu'ils considèrent comme une guerre de religion. Ils veulent avoir assez d'élus pour bloquer le processus de paix au nom de la " défense de l'Union " . Ils comptent sur les dissidents de l'UUP pour y parvenir. L'accord exige, pour les décisions importantes, une majorité au sein des deux communautés. Fort de son triomphe et d'un soutien international, mais aussi de son partenariat avec John Hume, David Trimble va désormais se battre pour dégager une majorité effective.
Les problèmes ne manquent pas : la réforme d'une police dominée par les protestants, la libération des prisonniers et le désarmement des paramilitaires des deux bords. Tant que ce dernier n'aura pas été engagé, M. Trimble se refuse à tout contact avec le Sinn Fein de Gerry Adams, même si celui-ci obtient assez de voix pour obtenir un siège dans le futur exécutif. M. Adams réclame, en revanche, la considération due à l'un des principaux artisans du processus de paix, qui, de surcroît, détient un mandat populaire.
Comme l'a répété M. Ahern, les derniers terroristes n'ont plus aucune justification pour poursuivre leurs attentats et ils seront réprimés avec la plus grande sévérité. Que ce soit les nationalistes de l'IRA - dont deux membres d'une branche dissidente ont été arrêtés, samedi, à la frontière irlandaise avec des explosifs - ou les tueurs du LVF protestant, qui ont assassiné plusieurs catholiques depuis le début de l'année. Si les combattants d'hier ont entreposé leurs armes les forces de l'ordre restent toutefois en état d'alerte.
PATRICE DE BEER
Le Monde du 26 mai 1998
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