Article de presse: L'implacable démonstration de Raul Hilberg
Publié le 22/02/2012
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surprise de 1933 avait libéré en elle une sorte d' " ubris " (1), une ardeur perverse, un goût prononcé pour l'auto-intoxication, qui la poussèrent à oser sans attendre les initiatives d'en haut, ou plutôt en intériorisant l'attente comme un quitus pour toute initiative.Dans la fusion de ces quatre redoutables hiérarchies s'installa partout la machine à isoler et à tuer, précise, efficiente, peupléed'êtres souvent anodins et toujours fiers de leur minutie, qui ne furent jamais de simples exécutants.
Terrible constat, au coeur du totalitarisme, dont on voit bien que, de proche en proche, il accable une très large part du peupleallemand et des sociétés européennes où l'entreprise nazie eut des complices.
Dans les clivages actuels qui séparent les historiens du nazisme, on rangerait donc Hilberg (qui n'a cure de ces classements) ducôté des " fonctionnalistes ".
Comme eux, il place en notes de bas de page les références aux ordres de Hitler ou des grands dunazisme et il soutient que la décision fut pour le moins diffuse, que la bureaucratie eut son autonomie et donc toute laresponsabilité de son perfectionnisme criminel.
Mais il se sépare d'eux en soutenant que la machinerie fut de bout en boutentretenue avec soin en bon état de marche, capable de se contrôler pour mieux rationaliser l'hécatombe de ses victimes, et nonpas livrée à des rivalités fatales ou aux incohérences de la dispersion des " efforts " : tout ce qu'il rapporte, en particulier surl'obstination des maîtres des convois ferrés lancés par Eichmann aux quatre coins de l'Europe, est accablant.
Toutefois, comme tous les grands livres, celui-ci fut et demeure critiquable sur bien des points.
A dire que tout est scellé dès1933, Hilberg introduit un fatalisme historique et se prive des secours d'une chronologie fine à travers laquelle d'autres historiensont découvert des hiatus ou des sauts qualitatifs dans le processus de destruction.
Sa description foisonnante de la densité sociale du crime désidéologise un peu vite l'ambition nazie et son racisme constitutif.
Cequ'il dit au chapitre consacré à la France, étayé sur les seules archives allemandes, ne tient pas compte des travaux de Marrus etPaxton (2) et néglige un volontarisme d'Etat dont l'antisémitisme, après tout, anticipa sur les exigences allemandes avec le " statut des juifs " d'octobre 1940.
Enfin, son livre fut et demeure très discuté par les communautés juives depuis 1961, tant il accable ces notables des " conseilsjuifs " qui, un peu partout, crurent pouvoir faire la part du feu avec les nazis sans comprendre à temps que l'objectif desbourreaux dépassait le pogrom " ordinaire " à vaste échelle.
Sur l'exil historique des juifs, et jusqu'en Israël aujourd'hui, sur lesattendus d'une résistance juive qui ne sut pas se lever, Hilberg a atténué quelques formulations de 1965 sur les " collaborateurs "ou la " machinerie juive d'autodestruction ", mais il prête toujours le flanc à la critique acerbe.
Il reste que nul ne pourra plus réfléchir à l'inconcevable, qu'on le nomme extermination, holocauste, solution finale ou Shoah, nulne s'interrogera sur le pourquoi sans avoir au préalable observé, grâce à Hilberg, le comment : cet implacable cheminement de ladestruction.
JEAN-PIERRE RIOUX Le Monde du 10 juin 1988.
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