Article de presse: Liban, IV.- 1983-1985 : la désintégration
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
«
On en est là, en ce dixième anniversaire.
Retour à la case départ, puisque tous les protagonistes de 1975 se retrouvent enscène surtout depuis la réapparition des Palestiniens à Saïda? Même pas : tout est pire qu'il y a dix ans.
Ne serait-ce que parceque tout a été essayé, que tout est survenu, y compris l'incroyable-les Israéliens chassant les fedayins de Beyrouth et lesOccidentaux y débarquant,-et que tout a échoué.
Après avoir passionné le monde, le Liban l'ennuie, les " forces de paix " -la FAD (Force arabe de dissuasion) des débuts, lamultinationale occidentale, la FINUL-y ont fait long feu.
Si la force de l'ONU subsiste, quasi inutile et remise en question àchaque renouvellement de son mandat par le Conseil de sécurité, la FAD n'est plus que syrienne, et la multinationale s'estévaporée.
Les forces de guerre, elles, n'ont fait que croître et embellir.
L'armée libanaise, reconstituée à grands frais et dotée detrente-six mille hommes, a éclaté bien plus dangereusement qu'en 1976, donnant de facto naissance à quatre armées quasiennemies : la chrétienne de Beyrouth-Est et Souk-el-Gharb, la plus efficace et la mieux équipée la musulmane, dominée par leschiites, à Beyrouth-Ouest avec, en appendice, l'armée de Saïda, islamo-chiite également, mais avec une dose de sunnites et unzeste de chrétiens un autre corps à forte coloration musulmane à Tripoli, toléré par le MUI (Mouvement d'unification islamique)et à sa merci enfin l'armée de la Bekaa, relativement mélangée communautairement bien qu'également dominée par les effectifsmusulmans, inféodés à la Syrie.
Sans compter l'armée du sud du Liban, création d'Israël, issue déjà d'une scission de l'arméelibanaise en 1976.
Une vue générale du petit rectangle longiforme, de 250 kilomètres sur 40, qu'est le Liban montre du Nord au Sud un lacisd'armées, de milices, de communautés, d'intérêts, de tutelles, d'aberrations même, résultant de dix années de guerre, et enparticulier des toutes dernières manoeuvres israéliennes et syriennes.
Les Israéliens ont-ils joué aux apprentis sorciers ? Pour désarçonner les Américains et leur faire toucher du doigt le coûtexorbitant de leur engagement direct au Liban et au Moyen-Orient, ils devaient déstabiliser l'Etat libanais et sacrifier leurs alliéschrétiens.
Ils l'ont fait.
Du coup, ils ont renforcé les druzes, amplifié un réveil chiite que nul ne peut contrôler.
Dix ans de guerre ont ainsi donné naissance à dix Liban.
Et encore ne s'agit-il que des territoires délimités à gros traits.
Si l'onentrait dans le détail, chacun se subdiviserait en une multitude d'autres, avec une myriade de petits chefs et de sous-chefs, dans unimbroglio insensé.
Le bilan ? Des pertes humaines atteignant aujourd'hui les cent mille morts prématurément annoncés il y a plusieurs années, soitle taux effrayant d'un tué pour trente habitants des destructions dépassant 20 milliards de dollars.
Enfin, une crise économiquebrutalement apparue depuis la mi-1984 et, surtout, depuis le début de 1985, avec une paupérisation rapide et une dévalorisationde la monnaie aussi éclatante qu'avait été jusque-là sa solidité.
Le dollar à 18 livres, alors qu'il en valait moins de 4 en 1983 aprèshuit ans de guerre, symbolise ce " désastre dans le désastre " aux yeux des Libanais, toutes communautés pour une foisconfondues.
Sinon, des abîmes les séparent, surtout au niveau des générations nouvelles qui ont grandi durant la guerre et ne se connaissentpratiquement pas de territoire à territoire.
Le Liban n'est plus qu'un corps désarticulé dont les morceaux ne se sont pas encoretous désemboîtés.
Le processus continue.
LUCIEN GEORGE Le Monde du 19 avril 1985.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Article de presse: Liban, III.- 1982-1983: l'intervention israélienne
- Article de presse: Liban, II. -1977-1981: le jeu syrien
- Article de presse: Liban, I. -1975-1976: chrétiens et palestiniens s'affrontent
- Comment rédiger un article de presse
- Article de presse en Anglais Film Pokemon 1