Article de presse: Les Soviétiques quittent l'Iran
Publié le 17/01/2022
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25 mars 1946 - Le 1er juin 1945, soit près de trois semaines après la capitulation du Reich, le gouvernement de Téhéran réclamait le retrait des troupes britanniques et soviétiques qui, en août 1941, étaient entrées en Iran afin d'assurer la protection de la route stratégique Bagdad-Khanaquin-Kermanchah-Hamadan-Téhéran, par où transitait une grande partie de l'aide militaire fournie à l'URSS par ses alliés occidentaux. En principe, cette évacuation ne posait pas de problèmes particuliers, car, conformément à l'article 5 du pacte tripartite anglo-soviéto-iranien de janvier 1942, les troupes alliées devaient quitter l'Iran " dans les six mois qui suivraient la fin de la guerre ".
Cette disposition fut cependant interprétée comme autorisant le maintien des troupes étrangères en Iran jusqu'à la victoire sur le Japon. Mais, même après la reddition japonaise, le 15 août 1945, Britanniques et Soviétiques, préoccupés par la défense de leurs intérêts dans la région, montraient peu d'empressement à vider les lieux. Le Kremlin, en particulier, inquiet de l'accord conclu en septembre 1944 entre l'Anglo-Iranian et la Standard Oil pour la prospection en commun de nouvelles zones pétrolières, exigeait la création d'une société pétrolière mixte soviéto-persane dans le nord du pays. Les Soviétiques craignaient en outre que leur départ ne sonne le glas de la République autonome d'Azerbaïdjan proclamée en décembre 1945 dans leur zone d'influence par Jafar Pichevari avec le concours des responsables régionaux du parti communiste Toudeh.
Le maintien de cette République était d'autant plus inadmissible pour le gouvernement central de Téhéran qu'elle avait conclu un pacte d'alliance avec les autonomistes du Kurdistan iranien, qui, de leur côté, avaient fondé la République populaire de Mahabad, considérée, malgré son caractère nationaliste et féodal, comme étant amicale à l'égard de l'URSS.
En janvier 1946, le chah confiait à Ghavam Sultaneh, un politicien chevronné doublé d'un habile négociateur, la présidence du gouvernement avec pour mission prioritaire d'obtenir rapidement le départ des troupes étrangères. Le nouveau chef du gouvernement, qui passait pour être bien disposé à l'égard de Moscou, était partisan d'une stricte neutralité entre l'URSS et la Grande-Bretagne. Le jour même de sa désignation, il entamait des pourparlers avec les insurgés de Tabriz, qu'il essaya de rassurer en épurant l'armée et la police de leurs éléments les plus droitiers. Puis il s'envolait pour Moscou pour y négocier directement avec Staline le rétablissement de l'autorité iranienne sur l'Azerbaïdjan, tout en renouvelant la plainte déposée au Conseil de sécurité par son prédécesseur contre l'Union soviétique, accusée de vouloir s'éterniser dans le nord de l'Iran. Cela ne l'empêche pas de donner des gages aux Soviétiques en leur promettant une concession pétrolière sous réserve de la soumettre à la ratification du Parlement qui sera élu dans les sept mois qui suivront le départ des troupes étrangères. En même temps, il fait valoir que l'élection d'un nouveau Parlement est impossible tant que les autonomistes de Tabriz continueront à entraver l'activité des partis politiques favorables au gouvernement central.
Les arguments de Ghavam Sultaneh s'avèrent d'autant plus convaincants qu'ils sont renforcés par les menaces réitérées des Anglo-Américains d'intervenir en Iran par la force des armes. Le résultat ne se fait pas attendre. En mars 1946, quelques jours après le retrait des troupes britanniques, l'URSS annonce que l'évacuation de ses forces armées sera terminée dans " cinq ou six semaines ". Le 9 mai 1946, Téhéran et Moscou confirment l'évacuation de l'Iran par l'armée soviétique. En décembre, Ghavam Sultaneh envoie ses troupes à la reconquête de l'Azerbaïdjan et du Kurdistan sans que les Russes réagissent. La République autonome de Tabriz s'effondre le 14 décembre et celle de Mahabad le 15 du même mois.
Ainsi, pour éviter une grave crise internationale, l'URSS a sacrifié ses alliés azerbaïdjanais et kurdes, sans même obtenir en échange la concession pétrolière qu'elle souhaitait dans le nord de l'Iran. En effet, le nouveau Majlis, élu vers la fin de 1947, refuse d'entériner les accords pétroliers irano-soviétiques conclus sous l'égide de Gahavam Sultaneh. Ce dernier interprète le vote du Parlement comme un désaveu personnel et présente sa démission.
Les Russes ont-ils été joués par plus asiatiques qu'eux, comme l'ont affirmé à l'époque certains commentateurs ? Le leader kurde Barzani était plus près de la vérité lorsqu'il affirmait après l'effondrement de la République kurde de Mahabad: " Nous n'avons pas été battus par l'armée iranienne. C'est plutôt l'URSS qui a été battue par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ".
JEAN GUEYRAS
Mars 1985
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