Article de presse: Les réformes économiques commencent à porter leurs fruits en Russie
Publié le 22/02/2012
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août 1997 - Rompant avec les débats moroses sur l'avènement, toujours démenti, d'un début de croissance, comme avec les scandales liés aux privatisations, deux nouvelles ont embelli le paysage économique russe cet été. La première a été l'annonce, cette semaine, du lancement d'un "nouveau rouble" lourd, le 1er janvier 1998, signe de la confiance en une victoire sur l'inflation. La Banque centrale, affirme son vice-président, Sergueï Aleksachenko, préparait cette mesure depuis plus d'un an, "avant même la réélection de Boris Eltsine, dont nous ne doutions pas".
Elle ne l'a pourtant rendue publique qu'après s'être convaincue que la stabilisation politique était crédible -le président, malgré des indiscrétions sur une reprise de son penchant pour la vodka, affiche toujours une bonne forme-, et que la baisse de l'inflation, qui serait de 11 % sur l'année, s'appuie sur celle des intérêts de la dette intérieure, sur une bonne tenue de la monnaie et sur une reconstitution des réserves en or et devises, passées de 15 à 24 milliards de dollars en six mois. Ces assurances sont censées mettre le pays à l'abri d'une nouvelle crise du rouble, alors même qu'il reste fortement "dollarisé" : l'importation de billets verts, loin de diminuer, a encore augmenté cette année : 2,5 à 3 milliards de dollars sont achetés chaque mois par les banques autorisées.
L'autre "bonne nouvelle" a été apportée par le financier George Soros, le 29 juillet, au Financial Times : il a annoncé avoir changé d'avis sur la Russie depuis l'entrée au gouvernement du jeune Boris Nemtsov, l'ex-gouverneur de Nijni-Novgorod, qui promet de mettre fin au règne du "capitalisme de voleurs" dans son pays. M. Soros a révélé que ses fonds ont lourdement investi en Russie ces derniers mois, à son insu, a-t-il assuré. Mais il ne s'en plaint pas : "La Russie est devenue le marché émergent le plus intéressant du monde", et il s'est laissé convaincre d'injecter 980 millions de dollars, soit le plus gros placement unique de "portefeuille" à ce jour en Russie, dans la privatisation de Sviazinvest, le géant des télécommunications. Ce qui porte son engagement dans ce pays à 2,5 milliards de dollars, pour un total d'investissements étrangers ne dépassant pas les 6 à 8 milliards de dollars (comme dans la petite Hongrie). L'envers de la médaille est qu'il s'agit de placements "à risques", laissant par exemple Sviazinvest dépourvu d'un opérateur stratégique. George Soros pourrait être l'hirondelle qui ne fait pas le printemps : le "boom" des investissements dans le secteur réel de l'économie risque de se faire attendre encore quelques années, selon le ministère russe de l'économie.
Les conditions ne sont pas remplies, estime-t-il, malgré la chute de l'inflation, la stabilisation des changes et la baisse des taux sur les bons du Trésor. Les banques russes ont fait fortune, depuis 1991, sur ces diverses distorsions de l'économie, sans sombrer dans la crise annoncée depuis leur privatisation. C'est que de nouveaux instruments "spéculatifs" apparaissent toujours. "Ceux qui ont de l'argent connaissent au moins dix façons de le placer avec profit sans investir dans la production", a déclaré, fin juin, le conseiller de la présidence Alexandre Livchits.
Un de ces instruments est la gestion de fonds budgétaires, dans un pays encore dépourvu d'agences du Trésor. Réservé aux grandes banques "amies du pouvoir", il fait aujourd'hui scandale. Après la levée de boucliers contre le favoritisme dont jouit la première banque commerciale russe, Onexim, qui a su attirer M. Soros à ses côtés pour investir dans Sviazinvest, le gouvernement a laissé entendre qu'il allait lui retirer la gestion de la trésorerie des douanes, grande source de ses profits. Mais beaucoup doutent d'un passage à l'acte.
Timide retour des capitaux
Un autre instrument est le nouveau marché des titres. Mais il est encore trop étroit, spéculatif et peu liquide. Il ne peut attirer les capitaux nécessaires pour assainir, restructurer et moderniser les vieilles entreprises endettées du pays. Les actifs du système bancaire russe actuel sont estimés à quelque 60 milliards de dollars, soit la moitié des besoins du seul secteur pétrolier pour maintenir son niveau actuel de production, selon la Banque mondiale.
La plupart des banques russes sont loin encore d'une gestion saine, mélangent clients et actionnaires, activités de crédit et d'investissement. Mais, par rapport aux années 1992-1994, celles des "pyramides" crapuleuses, les progrès sont indéniables. Ils devraient s'accentuer en automne, avec une meilleure réglementation des marchés financiers. Cela pourrait amener, espère-t-on à Moscou, jusqu'à 7 milliards de dollars d'investissements étrangers en 1997. C'est encore loin des 50 à 200 milliards de dollars qui ont fui illégalement depuis 1991. Mais une partie de cet argent russe reviendrait timidement, aujourd'hui, au pays, même si c'est par paradis fiscaux interposés.
Pour autant, la croissance ne serait pas au rendez-vous en 1997. Le ministère de l'économie a estimé, en juin, que le PIB pour 1997 s'établira à 98-100 % de celui de 1996. Ce qui est un progrès après la chute de 6 % en 1996 par rapport à 1995 et celles, plus fortes, des années précédentes. Mais le report, désormais, à 1998 des prévisions de reprise est le prix payé par la Russie pour ses cahots politiques, qui ont pratiquement bloqué toutes les "réformes de structure" de 1992 au printemps dernier. Il s'agit pour elle de remonter la pente d'une généralisation de la corruption et des évasions fiscales ; une récente étude a placé la Russie, sur ce point, tout au bas d'une échelle d'une soixantaine de pays, juste avant la Colombie et le Nigeria.
Mais il semble que le gouvernement compte plus, pour réduire son déficit budgétaire et payer cette année, comme promis, tous les retards de salaires, sur une accélération des privatisations et sur les crédits étrangers que sur les "réformes de structure", plus aléatoires. Il lui faut aussi freiner l'écart grandissant entre régions riches et pauvres de la Fédération. Le risque étant de voir les "bulles" de croissance progresser moins vite que les zones dévastées, où la dégradation du tissu industriel deviendrait irréversible, selon les lois du marché global, avant tout afflux éventuel de capitaux étrangers.
SOPHIE SHIHAB
Le Monde du 11 août 1997
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