Article de presse: Les premiers Français arrivent à Buchenwald
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
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Peu à peu, le froid engourdissait les corps, la neige élevait des cônes blancs sur les épaules.
Parfois, quelqu'un s'écroulait, sadépouille devant rester là jusqu'à la fin de l'appel, car, vivant ou mort, chacun était et demeurait un Stück.
Quand des Françaisparvenaient à se grouper, ils s'efforçaient d'oublier leurs mains et leurs pieds gelés en engageant d'insolites conversations.
En effet, la faim créant une obsession boulimique, on discutait du quota probable de pommes de terre ou de la longueur dubâton de margarine à espérer pour le lendemain.
Il arrivait aussi que deux camarades se surprennent à discuter de la poétique de Paul Claudel, l'un vantant sa romanité, l'autrepréférant ne s'attacher qu'à la qualité de son verbe.
Inlassablement on interrogeait nos camarades hauts gradés militaires sur lesdifférentes tactiques que pouvaient employer les alliés, à l'Est comme à l'Ouest, pour parvenir à nous rejoindre.
Sans cesse aux abois A Buchenwald, la mort perdait tout respect.
Près de la fosse aux excréments, on voyait des déportéscourir pour se vider, puis s'affaler.
Lorsqu'ils auraient rendu le dernier soupir, leurs corps décharnés seraient traînés à terre, puisjetés sur la charrette comme ceux d'animaux crevés.
Ils étaient ensuite alignés comme des stères de bois dans la cour du crématoire, ou bien, si le four était surchargé, ils étaientlancés au fond d'un des gigantesques charniers, creusés derrière le Revier.
La survie dépendait aussi du kommando où l'on travaillait.
Celui de la carrière de pierres, que les Français appelaient " la terrasse ", était un travail particulièrement pénible.
Il fallait, douzeheures par jour, porter des pierres sur l'épaule ou bien simuler un travail impossible en piochant le sol dur et gelé où les outilsn'arrivaient pas à pénétrer et les coups de Gummi (matraques de caoutchouc durci) pleuvaient sur les prisonniers quel'épuisement pétrifiait un instant.
Dans le kommando du chemin de fer, ou dans ceux des maçons, qu'il pleuve ou qu'il neige,personne ne pouvait quitter le chantier, sous peine de mort, car il n'y avait rien pour s'abriter.
Et pourtant, dans de nombreux cas,des actes de générosité, d'entraide et d'altruisme admirables se produisaient entre les résistants.
La corvée la plus exécrable étaitcependant le Strafkommando, commando disciplinaire dit aussi Scheiszkommando qui obligeait à racler les fosses d'aisance et àen étendre le produit sur les plantations des casernes SS.
Enfin arriva ce jour de la victoire pour lequel les résistants avaient tant lutté et tout risqué.
Le 11 avril 1945, vers 14 heures, undétachement de blindés, appartenant à la VII Armée du général Patron, investissait le camp et, après une brève canonnade, lesSS s'enfuyaient, se rendaient ou tentaient de se fondre parmi les déportés en s'affublant de vestes rayées.
Ce que les soldats américains découvraient dépassait en horreur le concevable et même l'inimaginable.
Aussi, le soir même, lesradios du monde entier transmettaient-elles le récit de nos libérateurs où, pour la première fois, le mot Buchenwald résonnaitsinistrement dans maints foyers anxieux.
Alerté par ses officiers et les médecins majors, le général Patron vint, en personne, lelendemain, dans le camp.
Il fut tellement épouvanté par ce qu'il découvrit qu'il ordonna de rafler sans distinction toute lapopulation du centre de Weimar et il l'obligea à défiler à travers tout Buchenwald.
Hommes, femmes, civils, fonctionnaires,policiers, tous plus pâles les uns que les autres, la plupart les yeux baissés, passèrent à travers les baraques où, trop faibles pourse relever, des déportés moribonds s'efforçaient de faire entrer dans leurs yeux éteints les images de l'étrange cortège qui défilaitdans un silence pesant.
MAURICE BRAUN Maurice Braun est un ancien chef de réseau des Forces françaises combattantes Le Monde du 22 février 1993.
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