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ARTICLE DE PRESSE: Les islamistes remportent les législatives en Turquie

Publié le 22/02/2012

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turquie
24 décembre 1995 - Les sondages l'avaient prédit, le scrutin l'a confirmé : les islamistes du Parti de la prospérité (RP) ont remporté les élections législatives en Turquie. Après dépouillement de 99 % des bulletins, lundi 25 décembre dans la matinée, la télévision nationale plaçait le RP en tête, avec 21,25 % des voix. Les deux partis du centre droit, le Parti de la Mère patrie (ANAP) de Mesut Yilmaz et le Parti de la juste voie (DYP) du premier ministre Tansu Ciller suivent de près, avec 19,67 % et 19,21 %. Malgré son léger retard, Mme Ciller, ayant davantage de voix en province, pourrait conserver plus de députés que l'ANAP à l'Assemblée nationale. Ces élections générales anticipées avaient été organisées pour permettre à la Turquie de sortir de l'impasse politique dans laquelle elle se trouvait depuis la crise gouvernementale du 20 septembre en réalité, le scrutin n'a fait que compliquer la situation. La victoire des islamistes a été reçue avec perplexité, mais sans panique. Les divers analystes qui, durant le dépouillement des votes, ont commenté les résultats pour les téléspectateurs turcs, ont évalué ce succès dans le cadre du processus démocratique en Turquie. Personne ne semble percevoir le RP comme une menace directe pour le régime républicain, à court terme du moins. Le chef de l'état-major avait rappelé vendredi que l'armée se portait garante de la laïcité de l'Etat turc. Plusieurs leçons sont à tirer de ces résultats. La victoire du RP, avec à peine plus d'un cinquième des voix, est une conséquence directe des rivalités qui ont divisé la droite comme la gauche. Jusqu'à présent, le DYP de Tansu Ciller et l'ANAP de Mesut Yilmaz tous deux de centre droit, favorables à un rapprochement avec l'Europe et à une économie libérale refusaient de s'allier malgré leur proximité idéologique, chacun espérant réussir à rassembler la droite. Leur lutte au sommet s'est terminée par un match nul. Les échanges d'insultes, les disputes télévisées qui ont marqué la campagne rendront leur rapprochement difficile. Mais pourront-ils résister à la pression de ceux en particulier les milieux des affaires qui souhaitent un gouvernement conservateur fort, capable de redresser l'économie du pays, d'instaurer une véritable stabilité et de résoudre la question kurde ? Le scrutin a également souligné l'érosion de la gauche sociale-démocrate, elle aussi divisée. Le Parti démocratique de gauche (DSP) de Bülent Ecevit engrange un résultat honorable, avec 14,67 % des voix. De son côté, le Parti populaire républicain (CHP) de Deniz Baykal le grand parti d'Atatürk qui, jusqu'en 1946, était le parti unique en Turquie est le grand perdant de ces élections, qu'il avait pourtant réclamées comme condition à une alliance avec Mme Ciller. Il recueille 10,72 % des voix, juste au-dessus des 10 % nécessaires pour être représenté à l'Assemblée nationale. Un système injuste Ce système électoral, compliqué, injuste, a été critiqué de toutes parts. Le Parti démocratique du peuple (Hadep), pro kurde et de gauche, en est une victime. Malgré des résultats impressionnants dans le Sud-Est anatolien 54 % à Hakkari, environ 50 % à Diyarbakir ses représentants ne pourront siéger au Parlement, puisqu'il n'a obtenu qu'environ 4 % à l'échelle du pays. A l'autre extrémité, les ultranationalistes du Parti d'action nationale (MHP) ont également été recalés. Quel gouvernement sortira de cette confusion ? " La nation a montré qu'elle voulait le RP. Ce souhait sera réalisé selon les règles de la démocratie ", a affirmé avec confiance le dirigeant du Parti de la prospérité, Necmettin Erbakan. Mais le RP, malgré son succès, n'a pas obtenu la grande victoire qu'il attendait. Pour pouvoir gouverner, il devra trouver des partenaires et former une coalition, ce qui limitera sérieusement sa liberté d'action et l'empêchera de mettre en oeuvre les aspects les plus radicaux de son programme. Qu'ils soient au pouvoir ou principal parti d'opposition, les islamistes du Parti de la prospérité ont cependant fait la preuve de leur influence. Longtemps tenus à l'écart par leurs concurrents, ils sont désormais une force avec laquelle il faudra composer. Leur point de vue qui sont également ceux d'une partie défavorisée de l'électorat, les laissés-pour-compte du développement rapide du pays ne peuvent être ignorés. Mais le bon déroulement de la campagne électorale et du scrutin témoignent d'une nouvelle atmosphère de tolérance au sein de la société turque. Des sujets jusqu'ici tabous le problème kurde, la lutte entre islam et laïcité ont été débattus ouvertement par des partis aux vues diamétralement opposées. La population, qui a massivement voté, est en droit d'espérer que les négociations pour la formation d'une coalition se dérouleront dans le même esprit d'ouverture. NICOLE POPE Le Monde du 26 décembre 1995

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