Article de presse: Les élections en Bosnie et en Serbie renforcent les nationalistes
Publié le 22/02/2012
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21 septembre 1997 - Les résultats des scrutins électoraux qui viennent de se dérouler en Bosnie-Herzégovine et en République fédérale de Yougoslavie (RFY, Serbie et Monténégro) consacrent la victoire des nationalistes de tous bords, parfois ceux-là mêmes qui furent à l'origine de la guerre dans la région. En Bosnie-Herzégovine, les élections municipales ont renforcé au sein des trois communautés croate, musulmane et serbe les défenseurs d'une partition du pays. En Serbie, c'est Slobodan Milosevic qui apparaît une fois encore comme le grand vainqueur du scrutin présidentiel et législatif, talonné par l'ultranationaliste d'extrême droite Vojislav Seselj, qui s'affiche toujours comme un partisan de la " Grande Serbie ".
La persistance de ces courants, et le succès qu'ils remportent chez les électeurs, n'est certes pas une nouveauté. Mais près de deux ans après la signature des accords de Dayton, il s'agit à l'évidence d'un nouveau défi pour la communauté internationale. Car ces victoires fragilisent les accords de paix par la mise en cause du système politique imaginé par les signataires, le devenir des réfugiés, le jugement des criminels de guerre devant le Tribunal pénal international (TPI) de La Haye, ou encore l'avenir de la province du Kosovo en République de Serbie.
Ces scrutins, validés avec plus ou moins de réserves par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) principal organisateur en Bosnie-Herzégovine et observateur en Serbie peuvent prêter à critiques. En Bosnie, les multiples restrictions à la liberté de la presse, les pressions à l'égard des réfugiés et l'extrême complexité de la consultation relativisent grandement le caractère démocratique de ces élections, même si elles se sont déroulées dans le calme.
Alors que l'accord de Dayton prévoyait de favoriser le retour des réfugiés et leur réintégration dans une Bosnie-Herzégovine unie, les entraves à la libre circulation et les tensions entre les communautés conduisent au contraire à un renforcement de la partition de fait. Pour chaotiques qu'elles aient été, les élections municipales en Bosnie-Herzégovine ne pouvaient cependant pas être une nouvelle fois reportées, sauf à prendre le risque d'enliser plus encore le processus de paix.
En Serbie, les modifications de la loi électorale par le Parti socialiste de Slobodan Milosevic, au mois de juillet, et les multiples pressions effectuées sur les médias par la coalition au pouvoir ont entraîné une désaffection significative d'une grande partie de la population, lassée par les multiples querelles d'une opposition désunie. La tenue des scrutins n'a été dénoncée qu'au dernier moment par une partie de l'opposition, minée par des divisions qui ont laissé la voie libre à Slobodan Milosevic pour contourner par un artifice l'impossibilité constitutionnelle dans laquelle il se trouvait de briguer un troisième mandat à la tête de la Serbie. Son accession à la présidence de la République fédérale de Yougoslavie et le succès probable, tant de son candidat à la présidence de Serbie que de son parti au Parlement de la République, lui permettent dorénavant de modeler ses nouvelles fonctions selon ses voeux.
Reste maintenant pour la communauté internationale à gérer cette montée des nationalismes et à endiguer les craintes qu'ils peuvent légitimement faire naître. Il apparaît d'ores et déjà acquis que le retrait de la force multinationale de Bosnie-Herzégovine, prévu en juillet 1998, ne sera pas complet et que l'OTAN maintiendra sous une forme qui reste à déterminer un effectif non négligeable. Les Etats-Unis, qui étaient encore récemment fermement décidés à rapatrier tous leurs GI à la date prévue, et les pays européens, qui n'entendaient en aucun cas assurer seuls le maintien de soldats dans l'ex-Yougoslavie, sont maintenant convaincus qu'un retrait total risquerait d'embraser une nouvelle fois la région. La présence de " gendarmes internationaux " ne résoudra pas pour autant tous les problèmes. Le jugement des criminels de guerre, officiellement inculpés ou non par le TPI, se révèle de plus en plus nécessaire dans la mesure où beaucoup d'entre eux à commencer par l'ancien chef des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic continuent d'exercer une influence déterminante. Car l'interdiction pour ces criminels d'exercer toute fonction politique, précisée par l'accord de Dayton, est de fait totalement détournée.
La position apparemment inébranlable de Slobodan Milosevic dans la République fédérale de Yougoslavie constitue en outre un handicap pour la communauté internationale. Le soutien apporté il y a quelques mois à l'opposition par les Occidentaux, à la suite des résultats contestés du scrutin municipal, n'a pas suffi à rassembler durablement des dirigeants déchirés par leurs rivalités internes.
La question du Kosovo
L'homme fort de l'ex-Yougoslavie joue toujours avec la même habileté sur les faiblesses de ses opposants tout en se posant comme l'intermédiaire obligé de la communauté internationale pour intervenir auprès des Serbes de Bosnie.
En Serbie, la question du Kosovo, cette province peuplée à 90 % d'Albanais, reste explosive. Les électeurs ont boycotté le dernier scrutin, comme ils le font systématiquement depuis que Belgrade a supprimé, en 1989, l'autonomie de la province dans le but de réprimer le mouvement séparatiste. Les quelque 1,8 million d'Albanais ont proclamé unilatéralement une " République du Kosovo ", qu'ils ont dotée d'un gouvernement et d'un Parlement fantômes, après des élections tenues clandestinement en 1992. Et les négociations entre Pristina, la capitale de la province, et Belgrade sont toujours dans l'impasse.
DENIS HAUTIN-GUIRAUT
Le Monde du 24 septembre 1997
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