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Article de presse: Les crises en Asie révèlent les insuffisances du FMI

Publié le 17/01/2022

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11 avril 1998 - Le gouvernement américain est devenu le meilleur allié du FMI (Fonds monétaire international). "On ne nous avait jamais soutenus avec autant de détermination", indique Shailendra Anjaria, directeur des relations extérieures du Fonds à Washington, à propos du soutien apporté ces derniers temps par Bill Clinton, plusieurs membres éminents de son administration ainsi que les dirigeants de la Fed (Réserve fédérale), la banque centrale américaine. Si ce soutien est exceptionnel, c'est parce que le Congrès américain n'a jamais été aussi réticent à voter, comme le lui demande la Maison Blanche, une nouvelle augmentation des ressources du FMI. Dix-huit milliards de dollars (près de 110 milliards de francs)sont en jeu. Le vote porte principalement sur la contribution américaine à l'augmentation du capital du Fonds (14,5 milliards de dollars), conformément aux décisions de la dernière assemblée annuelle du FMI, qui s'est tenue à Hongkong en septembre 1997. Il s'agit également de ratifier la participation des Etats-Unis à une nouvelle ligne de crédits (les "nouveaux accords d'emprunt") conçue pour permettre au FMI de faire face à toute éventualité en "seconde ligne de défense". L'accord du Congrès est d'une importance primordiale pour l'ensemble de la communauté internationale. Les Etats-Unis sont le premier contributeur financier du Fonds monétaire, même si le niveau de leur quote-part (18 %) est inférieur à celui de l'ensemble des Quinze européens réunis (30 %). La France, comme la plupart des autres pays membres, doit ratifier l'augmentation de sa quote-part (un peu plus de 5 % du capital du FMI) dans le courant de l'année. Un blocage américain entraînerait l'échec de toute l'opération de recapitalisation, à un moment où le Fonds n'a plus les ressources nécessaires pour faire face à de nouvelles crises. Officiellement, ses réserves disponibles ne sont plus que de 45 milliards de dollars, mais les dirigeants américains, qui utilisent un mode de calcul plus strict, évaluent ce chiffre à 15 milliards de dollars. La date précise du vote n'a pas été fixée, mais elle devrait intervenir dans les prochaines semaines. D'ici là, le gouvernement américain multiplie les interventions pour souligner combien l'action du FMI est décisive. L'enjeu, vu de Washington, n'est pas seulement le maintien de l'équilibre monétaire international, mais également la défense des intérêts commerciaux et la sécurité des Etats-Unis. "Notre contribution au FMI pendant ces cinquante dernières années n'a pas coûté un sou au contribuable américain", indiquait le secrétaire américain au Trésor, Robert Rubin, dans un discours récemment prononcé à Washington. Relayant les efforts de la Maison Blanche, tous les avocats du FMI mènent une intense campagne de presse pour justifier l'engagement financier des Etats-Unis. "Face à la crise asiatique, les Etats-Unis doivent exercer leurs responsabilités de leader mondial", souligne un appel paru sur deux pleines pages du Washington Post le 11 février 1998 et signé par de grands noms de la politique américaine (dont deux anciens présidents et trois anciens secrétaires d'Etat), mais aussi de nombreux économistes, et surtout des industriels s'exprimant au nom de la sauvegarde de l'emploi. De leur côté, à droite comme à gauche, les opposants au FMI élèvent la voix. Ils considèrent que le Fonds monétaire n'a pas donné l'alerte à temps quant aux risques de crise en Asie. Ils lui reprochent surtout, comme le fait le sénateur républicain Jesse Helms, de "permettre aux banquiers imprudents d'être remboursés en cas de crise et de servir les intérêts de régimes corrompus ou incompétents". Ce dernier argument est également défendu par de nombreux élus de la gauche. Le Parti républicain met de nombreuses conditions à son vote. La première d'entre elles, fort curieusement, consiste à exiger de Bill Clinton un renoncement de toute aide américaine aux organisations de planning familial qui incluent l'avortement dans leurs programmes de contrôle des naissances dans le tiers-monde. La seconde, plus en rapport avec le sujet, est de réclamer une réforme en profondeur du FMI. Celui-ci devrait être amené à rendre plus de comptes sur son action et oeuvrer dans le sens d'une plus grande transparence. Quelle que soit l'issue du vote au Congrès, le débat sur la réforme du système financier international est relancé. Les événements asiatiques ont montré l'insuffisance des systèmes d'alerte et de prévention des crises financières, bien qu'on parle de leur renforcement depuis le sommet du G 7 de Halifax, en juin 1995. Créera-t-on de nouvelles institutions afin de mieux assurer les risques liés à la libéralisation financière, comme le souhaite le financier George Soros ? Instaurera-t-on une taxe internationale sur les capitaux vagabonds, afin de protéger les pays les plus vulnérables à la volatilité des marchés financiers ? C'est ce que propose le Prix Nobel d'économie James Tobin, dont l'idée vient d'être reprise par le RPR en France. Vers une nouvelle architecture Les ministres des finances des pays du G 7, réunis à Londres le 21 février 1998, ont souligné dans leur communiqué final qu'il fallait "renforcer la transparence des politiques et des données économiques, ce qui se traduirait par l'élaboration d'un code de conduite", et créer "des mécanismes pour veiller à ce que le secteur privé assume sa juste part dans la résolution des crises financières". Cette idée, notamment défendue par l'Allemagne, paraît d'autant plus urgente à mettre en oeuvre que, comme le souligne Hans Tietmeyer, le patron de la Bundesbank, "il n'est pas acceptable que ce soient les populations des pays concernés qui portent seules les conséquences d'une politique erronée". Autrement dit, les investisseurs, eux aussi, doivent payer. Dans un discours prononcé le 6 février à New York, le directeur général du FMI, Michel Camdessus, a défini lui-même quelques pistes pouvant conduire à ce qu'il a appelé une "nouvelle architecture" du système financier international : surveillance accrue des politiques macro-économiques suivies par les pays membres du Fonds, renforcement de la surveillance mutuelle entre pays partenaires d'une même région, renforcement des secteurs financiers préalablement à la libéralisation complète des marchés de capitaux, appel à la vigilance sur les flux de capitaux à court terme. Quelques jours plus tard, le directeur général du Fonds monétaire proposait que les pays en développement disposent d'un plus grand poids au sein des instances de décision du FMI. Ce discours s'inscrit dans la logique de la "libéralisation ordonnée" des marchés telle qu'elle est désormais prescrite par le FMI. Une modification des statuts du Fonds monétaire est à l'étude. Elle fera l'objet d'un rapport qui doit être soumis aux ministres des finances des cent vingt-quatre pays membres du FMI, qui doivent se réunir en avril à Washington, comme ils le font tous les six mois. D'ores et déjà, il apparaît que le FMI, solidement assisté par les gouvernements des pays du G 7, a les moyens de sortir renforcé de la crise asiatique. LUCAS DELATTRE Le Monde du 2 mars 1998

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