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Article de presse: L'enfer des boat people

Publié le 17/01/2022

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11 novembre 1978 - L'horreur quotidienne subie par des milliers de réfugiés indochinois n'est pas entièrement concentrée le long de la frontière khméro-thaïlandaise. Le drame des boat people vietnamiens continue. Ces derniers fuient par centaines chaque mois et sont, quasiment sans exception, les victimes désemparées de vols, de viols, de naufrages et d'assassinats aux mains des pirates qui grouillent en toute impunité dans le golfe du Siam. Dans une région où le déploiement d'une formidable machine humanitaire conforte et rassure l'opinion mondiale sur le sort des fugitifs, certains récits dépassent l'imagination la plus sadique. Ils soulignent aussi les graves carences, ou l'impuissance, des autorités locales, nationales et internationales. Frappés à coups de marteau Si les sources de ces récits ne peuvent qu'être vaguement identifiées pour des raisons évidentes de sécurité, les faits rapportés sont rigoureusement exacts et vérifiés. Ils ont pour cadre un secteur limité de la longue côte thaïlandaise où abordent les boat people, l'île inhabitée de Koh-Khlav, véritable repaire de pirates situé dans les eaux territoriales de la Thaïlande, à cinquante miles de la côte, au sud du pays. Informés de la présence d'un groupe de boat people, des représentants d'organisations des Nations unies se sont rendus sur l'île au début de novembre, à bord d'un bateau de la marine thaïlandaise. Ils y ont trouvé cent cinquante-sept personnes, survivantes d'un groupe initial de cent soixante-quatorze, confinées là par les pirates depuis vingt jours après la destruction de leurs bateaux et le meurtre de dix-sept hommes " à coups de marteau, de barre de fer et de couteau ". " Les cadavres putréfiés flottaient encore autour de l'île ", nous a dit un témoin. Pendant vingt jours et vingt nuits, ces boat people, les femmes et les jeunes filles particulièrement ont été livrés sans défense à une curée sauvage. Chaque nuit, " une douzaine de bateaux " ralliaient l'île déserte à la recherche des femmes vietnamiennes. Les pirates torturaient les hommes pour leur faire révéler où elles se cachaient. Des centaines de viols Chaque femme, chaque fille, depuis l'âge de huit ans, a été violée des centaines de fois. La chasse et les viols duraient du soir jusqu'à l'aube. Des filles qui se sont cachées pendant des jours dans des grottes à demi immergées ont eu les jambes dévorées jusqu'aux os par les crabes de mer. L'une, qui ne voulait pas révéler sa présence, a été gravement brûlée par un feu allumé à de hautes herbes, où se cachaient plusieurs Vietnamiennes. Dans la journée, les pirates quittaient l'île, laissant de la nourriture et de l'eau pour que leurs victimes survivent, pour que durent leurs plaisirs sauvages. L'intervention étrangère n'a rien changé. Quelques jours plus tard, en décembre, les mêmes représentants des Nations unies ont sauvé sur la même île vingt femmes rescapées d'un groupe de cent boat people. Les quatre-vingts autres avaient été massacrées. Elles avaient subi, pendant neuf jours, les assauts de dizaines de pirates. Ces interventions répétées ont créé une tension dans la région côtière de Nakhon-Si-Thammarat, où les pirates sont connus et jouissent de complicités. Leur racket est, en effet, fructueux, beaucoup de boat people ayant transformé leurs biens en pièces d'or avant de fuir. La politique officielle est de lutter contre la piraterie, mais le gouvernement de Bangkok affirme manquer de moyens. ROLAND-PIERRE PARINGAUX Le Monde du 11 janvier 1980

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