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Article de presse: L'endettement excessif et dangereux de l'Amérique latine

Publié le 17/01/2022

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7 septembre 1984 - Quelques chiffres approximatifs, d'abord, pour mémoire. La dette extérieure du Brésil est de 105 milliards de dollars. Le Mexique doit 96 milliards, l'Argentine 47 milliards, le Venezuela 35 milliards, le Chili au moins 20 milliards, le Pérou 14 milliards, la Colombie une dizaine. Le petit Costa-Rica, avec deux millions d'habitants seulement, a une dette de 4 milliards de dollars, et celle de l'Uruguay est de 4 milliards et demi. Les regards restent braqués vers l'Amérique latine, et c'est logique. C'est là que peut surgir l'étincelle mettant le feu aux poudres et déclenchant un maelström monétaire mondial. La crainte n'est pas nouvelle. Le premier coup de tonnerre a éclaté en 1982, lorsque l'on a cru que le Mexique ne pourrait plus faire face à ses obligations internationales. Le spectre d'une réaction en chaîne a inquiété un moment les milieux bancaires de Wall Street. Puis les mécanismes de défense ont fonctionné, du moins à court terme, pour éviter le pire. En septembre 1984, la réunion annuelle du Fonds monétaire international, à Washington, s'est terminée dans l'euphorie. On célébrait avec raison l'accord qualifié d' " exemplaire " sur la dette mexicaine. Les banques avaient accepté un long rééchelonnement en échange de certaines concessions et de la promesse du gouvernement mexicain de s'engager dans un plan rigoureux d'austérité. On donnait le Mexique en exemple aux autres pays lourdement endettés du tiers-monde. Mais le Mexique est de nouveau en récession et ne peut remplir toutes les " clauses " fixées par le FMI. Douche froide pour les milieux financiers internationaux, qui ont remis, comme en 1982, le Mexique en tête de liste des pays " à hauts risques ". A la veille de la nouvelle assemblée du FMI, qui doit avoir lieu en octobre à Séoul, le tableau est de nouveau au noir. Le spectre d'une crise monétaire encore plus grave resurgit à l'horizon. La bête noire : le FMI Première conclusion évidente et pessimiste : depuis 1982, on a tenté de colmater les brèches, de survivre dans un monde désarticulé et à la dérive. On a fait de l'homéopathie. En outre, le FMI, dont le rôle n'a pas toujours été aussi néfaste qu'on le dit aujourd'hui, a changé de stratégie en devenant l'avocat le plus déterminé des dévaluations permanentes dans des pays dont il s'agissait de stimuler les exportations pour leur permettre de payer les intérêts exorbitants de dettes de plus en plus lourdes, et de plus en plus impossibles à honorer. L'inflation incontrôlée est le talon d'Achille du FMI. Le Fonds monétaire est devenu la bête noire des dirigeants des pays endettés, même de ceux qui affirment vouloir maintenir le dialogue, et la cible d'opinions publiques, tout particulièrement en Amérique latine, de plus en plus radicalisées et sensibles au manichéisme. Il est vrai que les médecines du FMI ont échoué, comme ont échoué les politiques économiques ultra-libérales, se réclamant plus ou moins des " Chicago Boys ". On le voit bien au Chili, où l'obstination du général Pinochet leur permet de se maintenir mais suscite l'exaspération des milieux d'affaires et des entrepreneurs chiliens, ruinés. Il est vrai encore que les organismes de financement internationaux et les banques ont une lourde responsabilité dans l'endettement excessif, et dangereux, du tiers-monde. Dans les années 70, il s'agissait, entre autres, de recycler les pétrodollars des pays membres de l'OPEP, en pleine euphorie. Et il n'y eut pratiquement aucune mesure de contrôle des " déplacements " massifs d'eurocrédits. L'interdépendance, déjà étroite, entre nations industrialisées et pays en voie de développement contraints d'accroître leurs exportations pour faire face aux charges de la dette s'est encore accrue. En 1985, un seul point de croissance en moins des pays industrialisés représente, d'ici à 1990, une détérioration de l'ordre de 17 % de la balance des paiements du Brésil, du Mexique et du Chili. Deux points de plus des taux d'intérêt aux Etats-Unis, et les intérêts annuels de la dette de l'Amérique latine grimpent de 5 milliards de dollars. Effroyable servage... " Nous ne pouvons plus payer " Mais il est vrai aussi que les pays endettés sont responsables à plusieurs niveaux. Ils ont souvent choisi la facilité, accepté des crédits offerts avec complaisance, et mis en oeuvre des projets pharaoniques, excessifs et inutiles. Ils ont fermé les yeux sur la corruption quand ils ne l'ont pas encouragée, ils ont laissé fuir à l'étranger les capitaux honteux ou prudents. Beaucoup d'argent a été gaspillé, mal utilisé ou simplement volé. Les dépôts dans les banques de New-York, de Zurich, de Londres ou de Miami des résidents latino-américains représentent environ le tiers de toute la dette de l'Amérique latine. Pour certains pays, le montant de la dette et celui des capitaux réfugiés à l'extérieur sont équivalents. L'angoisse grandit en Amérique latine, où les régimes démocratiques sont directement menacés par une détérioration rapide de leurs économies et des explosions sociales toujours possibles. C'est le cas du Mexique. Du Brésil, volatil mais violent, où des scènes de pillage ont déjà eu lieu à Sao-Paulo et à Rio. De certains pays andins comme le Pérou, où les tensions sociales sont arrivées à un point limite. " Nous ne pouvons plus payer ! " La rumeur est devenue cri de révolte, slogan politique. Par exemple au Brésil et en Argentine, où le thème de la dette et la dénonciation du FMI seront au centre de la campagne électorale pour les élections de novembre. Fidel Castro n'a pas manqué une si belle occasion de " recoller " au peloton latino-américain. Il s'est emparé lui aussi du thème de la dette et en fait son cheval de bataille principal. Il soutient, ce qui est simple bon sens, que les crédits encore accordés à l'Amérique latine ne servent qu'à payer les intérêts de la dette, qui ne cesse donc de grandir sans perspective de solution. Il rappelle que les pays endettés consacrent une part exorbitante de la valeur de leurs exportations à régler des arriérés d'intérêts chiffrés en milliards de dollars. Dans ces conditions, non seulement la dette ne peut être remboursée à long terme, mais c'est le développement même des pays d'Amérique latine-et de ceux du tiers-monde dans la même situation-qui est complètement paralysé. En continuant dans cette voie imposée par le monde industrialisé, ils s'interdisent toute possibilité de sortir un jour du marasme, et d'échapper à l'étranglement. Un nouvel ordre économique mondial s'impose : cette conclusion en forme de voeu est celle, unanime, des dirigeants d'Amérique latine. Peu importent aujourd'hui les responsabilités de part et d'autre. Quand un malade est atteint d'un cancer, on ne se demande plus " pourquoi ", mais " comment " tenter de le sauver. MARCEL NIEDERGANG Le Monde du 25 septembre 1985

« Beaucoup d'argent a été gaspillé, mal utilisé ou simplement volé.

Les dépôts dans les banques de New-York, de Zurich, deLondres ou de Miami des résidents latino-américains représentent environ le tiers de toute la dette de l'Amérique latine.

Pourcertains pays, le montant de la dette et celui des capitaux réfugiés à l'extérieur sont équivalents. L'angoisse grandit en Amérique latine, où les régimes démocratiques sont directement menacés par une détérioration rapide deleurs économies et des explosions sociales toujours possibles. C'est le cas du Mexique.

Du Brésil, volatil mais violent, où des scènes de pillage ont déjà eu lieu à Sao-Paulo et à Rio.

Decertains pays andins comme le Pérou, où les tensions sociales sont arrivées à un point limite.

" Nous ne pouvons plus payer ! " Larumeur est devenue cri de révolte, slogan politique.

Par exemple au Brésil et en Argentine, où le thème de la dette et ladénonciation du FMI seront au centre de la campagne électorale pour les élections de novembre. Fidel Castro n'a pas manqué une si belle occasion de " recoller " au peloton latino-américain.

Il s'est emparé lui aussi du thèmede la dette et en fait son cheval de bataille principal. Il soutient, ce qui est simple bon sens, que les crédits encore accordés à l'Amérique latine ne servent qu'à payer les intérêts dela dette, qui ne cesse donc de grandir sans perspective de solution.

Il rappelle que les pays endettés consacrent une partexorbitante de la valeur de leurs exportations à régler des arriérés d'intérêts chiffrés en milliards de dollars.

Dans ces conditions,non seulement la dette ne peut être remboursée à long terme, mais c'est le développement même des pays d'Amérique latine-etde ceux du tiers-monde dans la même situation-qui est complètement paralysé.

En continuant dans cette voie imposée par lemonde industrialisé, ils s'interdisent toute possibilité de sortir un jour du marasme, et d'échapper à l'étranglement. Un nouvel ordre économique mondial s'impose : cette conclusion en forme de voeu est celle, unanime, des dirigeantsd'Amérique latine. Peu importent aujourd'hui les responsabilités de part et d'autre. Quand un malade est atteint d'un cancer, on ne se demande plus " pourquoi ", mais " comment " tenter de le sauver. MARCEL NIEDERGANG Le Monde du 25 septembre 1985. »

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