Article de presse: Le système Suharto
Publié le 17/01/2022
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En outre, l'un des fils de Suharto ainsi que le demi-frère du président, dont les intérêts sont affectés, réagissent en portantplainte.
Certains membres du clan familial ont l'intention de défendre leurs intérêts.
La lune de miel entre le FMI et la présidencen'aura donc pas duré longtemps.
Dans les semaines qui suivent, Djakarta donne l'impression de traîner un peu les pieds alors quela roupie s'effondre, en décembre, avec les rumeurs qui courent sur la "fatigue" officielle du président.
C'est peut-être à cemoment-là que Suharto commence à avoir des premiers doutes sur l'opportunité des potions du FMI, offrant ainsi davantageprise à un entourage dont les avoirs sont déjà grignotés par la crise.
L'Indonésie, surtout durant les deux dernières décennies, a connu une solide expansion.
Les six enfants du président ne sontpas les derniers à en avoir profité.
La fortune de la famille présidentielle a été évaluée à une centaine de milliards de francs.
Sonassociation à de grandes sociétés étrangères ou à des conglomérats chinois locaux forme un tissu assez étroit pour que l'on songeau népotisme.
Suharto lui-même, qui préside quelques fondations, est fier de ses enfants, qu'il trouve industrieux et dont il défendles intérêts.
Le décès de son influente épouse, en 1996, n'a fait que renforcer cette solidarité familiale.
Parallèlement, surtout depuis le début des années 90, les partisans du nationalisme économique, tel B.
J.
Habibie, ministre de lascience et de la technologie et avionneur, ont pris du poids face aux économistes qui avaient remis l'Indonésie sur pied au coursdes deux précédentes décennies.
Comme ailleurs dans la région, Djakarta est tenté par les réalisations prestigieuses et, ainsi quel'affirme B.
J.
Habibie, par les transferts de technologie.
Suharto a confié à son dernier fils, Hutomo Mandala Putra, dit Tommy, trente-cinq ans, le projet de "voiture nationale" baptiséeTimor.
A la tête du groupe Humpuss, dont il a évalué le chiffre d'affaires à 0,5 milliard de dollars en 1994, Tommy est unpassionné d'automobiles.
Fin 1995, il est devenu l'actionnaire majoritaire de Lamborghini.
La Timor, en fait une voiture fabriquéepar Kia Motors en Corée du Sud, dispose au départ du privilège exorbitant d'exemptions de taxes à l'importation, ce qui la rendbeaucoup moins chère que ses concurrentes sans pour autant lui permettre de percer sur le marché.
Tommy a également un pieddans le monopole du clou de girofle, utilisé dans la confection des cigarettes indonésiennes.
L'aînée des filles, Siti Hardijanti Rikmana, dite Tutut, quarante-sept ans, et son époux sont à la tête du groupe Citra (agro-alimentaire, construction, télécommunications, pêcheries, télévision), qui construit également des autoroutes en Malaisie et auxPhilippines.
Homme d'affaires le plus accompli, le deuxième fils, Bambang Trihatmodjo, quarante-trois ans, dirige le conglomératBimantara Citra (télévision, pétrochimie, hôtellerie, assemblage automobile, télécommunications, immobilier), dont le chiffred'affaires avait été de 319 millions de dollars en 1995.
Les deux cadettes de Suharto sont également dans les affaires.
Ingénieur présenté comme brillant mais controversé, B.
J.
Habibie, qui sera élu vice-président le 11 mars, fait presque partie dela famille.
Il dirige IPTN, qui, à Bandoung, assemble des hélicoptères et construit des avions.
Ses frères, ses soeurs et ses enfantsse retrouvent, selon l'édition asiatique du Wall Street Journal , au sein du groupe Timsco, qui a des intérêts dans quatre-vingt- trois firmes indonésiennes.
Habibie dirige également l'organisme chargé de développer l'île de Batam, à proximité de Singapour.Le clan Habibie et celui des Suharto sont associés dans plusieurs projets en compagnie de magnats chinois, comme Liem SioeLiong, homme le plus riche de l'archipel et vieux partenaire du chef de l'Etat.
Si Tutut est le seul enfant du président à vraiment faire carrière en politique elle est vice-présidente du Golkar, trois autres sontégalement les représentants de ce parti gouvernemental, depuis les élections générales de 1997, au sein de l'Assemblée nationale.Le système politique assure, d'ailleurs, le prolongement de l'autorité de celui qu'on présente souvent comme un monarquejavanais.
Avantage considérable, le Golkar s'appuie sur l'administration et l'armée.
Au nom du consensus, les deux autres petitspartis autorisés ne peuvent revendiquer la fonction d'opposition; d'ailleurs, le pouvoir intervient, quand il le faut, dans leurorganisation interne.
Le Parlement comprend quatre cent vingt-cinq élus parmi les candidats des trois partis qui ont l'aval du pouvoir et soixante-quinze députés désignés par l'armée.
Une fois tous les cinq ans, avec l'appoint de cinq cents délégués supplémentaires choisis parle pouvoir, il forme une Assemblée consultative du peuple qui élit le président et le vice-président.
Suharto dispose égalementd'un poids décisif dans le choix des chefs des forces armées.
Début février, l'un de ses anciens aides de camp, le généralWiranto, a accédé au commandement en chef, et l'un de ses gendres, le général Prabowo Subianto, brillant officier, a été promuchef des forces stratégiques, l'unité d'élite.
La pyramide du pouvoir, au sommet de laquelle trône Suharto, est cohérente : elle estle fruit d'un tissu étendu et complexe de liens et il suffirait, estime un diplomate occidental, "qu'on en tire un fil pour que l'ensemblesoit déséquilibré".
Ce qu'a donc proposé le FMI le 15 janvier, en tranchant dans le vif, est l'amorce de la réorganisation financière d'un édificedont les deux autres piliers sont le régime politique et les forces de sécurité.
Le Fonds monétaire international réclame ledémantèlement de monopoles, dont ceux du ciment, du papier et de la "voiture nationale", et la fin des subventions à des projets.
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