Article de presse: Le scandale du vin
Publié le 17/01/2022
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2 octobre 1946 - Cette semaine devait être celle de la campagne du référendum. Et la voici tout entière consacrée à la " campagne du vin ".
Dans moins de huit jours, la France doit prendre une décision historique que chaque citoyen devrait sérieusement méditer. Et toute son attention se trouve tournée ou, mieux, détournée vers une affaire dont la justice vient à peine de s'emparer. Mais, au vrai, si la campagne du référendum paraît terminée avant même d'être ouverte, celle des élections est bel et bien commencée. L'intérêt accordé au scandale est très certainement en rapport direct avec l'espoir que tel ou tel parti en supportera devant l'opinion l'exclusive responsabilité.
Pour l'heure, c'est le Parti socialiste qui est visé à travers certains hommes. Mais il importe peu. Le scandale du vin, comme tout autre à venir, met en cause la conception même d'une certaine féodalité ministérielle. A partir de l'instant où l'Etat n'a plus seulement ses agents mais aussi ses clients, au sens romain du terme, il est à craindre qu'il ne perde de sa pureté.
Ce qui est profondément en cause, c'est l'existence de toute une administration parallèle dont les mesures ont emprunté au commerce ses défauts sans acquérir toutes ses qualités. C'est l'afflux des fonctionnaires contractuels embauchés par relations et couverts par amitié. C'est la politisation et la commercialisation de l'administration.
Ce qui peut être en cause, aussi, c'est l'existence d'états-majors pléthoriques, de cabinets ministériels démesurément gonflés où vingt attachés ne sauraient faire la besogne d'un bon secrétaire formé à bonne école. C'est le recrutement souvent incontrôlé de ce personnel.
Et c'est peut-être là que de tels hommes de gouvernement peuvent encourir certains reproches.
Ce qui est en cause, enfin, c'est cette habitude prise de considérer la " carte du parti " comme un brevet nécessaire et suffisant de compétence et de vertu. Et c'est là que les chefs de parti pourraient prendre conscience d'un péril grave.
Un ministère n'est au service ni d'un parti ni d'un homme, et moins encore d'une ou de plusieurs affaires. Il est au service de la nation.
Il n'est pas interdit au personnel administratif et politique d'avoir le sens des affaires, puisque l'Etat est devenu le premier producteur et le premier marchand de France. Mais qu'il fasse d'abord les affaires de la France.
JAQUES FAUVET
Le Monde du 9 octobre 1946
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