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Article de presse: Le sans-faute de Gorbatchev

Publié le 22/02/2012

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gorbatchev
19-21 novembre 1985 - Accéder au pouvoir suprême quand on est le benjamin du Politburo est déjà une performance, surtout après une bonne dizaine d'années de gérontocratie " consolidée " qui a vu promouvoir systématiquement des personnalités âgées et malades. Mais c'en est une aussi au regard de l'histoire du régime soviétique : cinquante-quatre ans, l'âge que Mikhail Gorbatchev a atteint cette année, ce n'est certes pas la prime jeunesse, mais c'est tout de même mieux que Khrouchtchev et Brejnev, qui avaient respectivement cinquante-neuf ans et cinquante-huit ans lorsqu'ils sont parvenus au même poste. Depuis Lénine et Staline-qui n'avait que quarante-cinq ans lorsqu'il a succédé au premier,-jamais l'URSS n'avait eu un dirigeant aussi jeune. Aussi bien cet avènement devrait être à tout le moins un gage de longévité : Mikhail Gorbatchev sera tout sauf un " pape de transition ". De vraies études Mikhail Gorbatchev gouvernera pendant huit ans, de 1970 à 1978, l'important territoire de Stavropol, dans le sud de la Russie d'Europe, avant de prendre, il y a sept ans, la responsabilité de la politique agricole du pays. Malgré son jeune âge, il n'est pas un novice; ni non plus, comme c'était le cas de son prédécesseur, l'homme d'un seul groupe ou d'une seule école. Et cela pourrait être important pour la suite. Mikhail Sergueevitch Gorbatchev est né le 2 mars 1931 dans le village de Privolnoe, du territoire de Stavropol. La région est l'une des plus riches zones agricoles du pays, et sa famille est paysanne. Cela explique que son premier travail signalé par ses biographies officielles est celui d'aide-tractoriste dans une station de machines et de tracteurs (MTS). Mais l'on peut penser que le jeune Mikhail s'occupe surtout de ses études secondaires, qui vont le conduire, à dix-neuf ans, à l'université de Moscou. Ses études sont précisément un premier facteur original. De Staline à Tchernenko, tous les secrétaires généraux du parti ont fait plutôt de fausses études, entrecoupées de travail à plein temps dans le parti et de fonctions politico-militaires sur le front. Mikhail Gorbatchev a fait, lui, de vraies études, et il est même le seul juriste de formation qui ait jamais siégé au Politburo. L'autre facteur de promotion est, bien sûr, l'activisme dans le parti, et d'abord dans les Jeunesses communistes (Komsomol); à la mort de Staline, Mikhail Gorbatchev est le responsable komsomol de sa faculté de droit, en même temps que membre du parti depuis un an. Il fera encore d'autres études à l'institut agricole de Stavropol, mais beaucoup plus tard et par correspondance. Pour l'heure, le jeune Gorbatchev, frais émoulu de l'université de Moscou, retourne en 1955 dans sa province natale, mais déjà comme apparatchik à temps complet du Komsomol. Il est successivement premier secrétaire des Jeunesses communistes de la ville de Stavropol (1956-1958), puis second et enfin premier secrétaire pour le territoire tout entier. Les protecteurs : Souslov et Koularov En 1962, son ascension va connaître une autre étape, dans la filière du parti cette fois. Après un séjour de quelques mois dans une unité agricole, il devient chef du service des " organes du parti " (le département qui s'occupe de la promotion des cadres) au comité du territoire, puis premier secrétaire de la ville de Stavropol (1966-1968), second secrétaire de la région et enfin, en 1970, premier secrétaire. A moins de quarante ans, le futur secrétaire général du parti appartient déjà à la haute " nomenklatura " centrale : son nouveau poste lui vaut la même année un siège de député et, l'année suivante, de membre du comité central, sans passer comme tant d'autres par le stade intermédiaire de la suppléance. A quoi Mikhail Gorbatchev doit-il cette carrière rectiligne, amorcée sous Khrouchtchev et poursuivie sans accroc sous Brejnev? A ses capacités sans doute, mais aussi à deux hommes dont le patronage a été déterminant. La région de Stavropol passe pour être le fief de Mikhail Souslov, le " faiseur de rois " au Kremlin, décédé en 1982, qui a dirigé le parti dans ce territoire pendant toute la guerre, après avoir gouverné la région voisine de Rostov. Mais l'un de ses successeurs a fait aussi une belle carrière : Fiodor Koulakov, après avoir été longtemps ministre de l'agriculture de la fédération de Russie, a été premier secrétaire du territoire de Stravropol de 1960 à 1964, précisément à l'époque où le komsomol Gorbatchev a commencé à gravir les échelons dans l'appareil du parti. La chute de Khrouchtchev l'a ensuite propulsé à la direction du département agricole du comité central à Moscou, avec le grade de secrétaire dès 1965 et un siège de membre titulaire du Politburo dès 1971. Or, en juillet 1978, Koulakov meurt subitement à l'âge de soixante ans, à une période où sa position en faisait un candidat plus que possible à la succession d'un Brejnev déjà affaibli. Sa succession est réglée quelques mois plus tard par une double promotion qui n'est pas sans intérêt aujourd'hui : au titre de membre de plein droit du Politburo, c'est Tchernenko qui prend la place; mais comme ce dirigeant étroitement associé au secrétaire général ne sait rien faire d'autre que de l'agitprop et qu'il faut bien pourvoir le poste de responsable de l'agriculture au secrétariat du parti, c'est Mikhail Gorbatchev qui est appelé de sa région de Stavropol. Il est fort probable que, là encore, le patronage de Souslov a été déterminant et qu'il s'est poursuivi jusqu'à la fin, ne serait-ce que pour équilibrer l'ascension un peu trop fulgurante que Tchernenko accomplissait de son côté grâce au patronage beaucoup plus direct de Brejnev. Avec deux ans de retard sur Tchernenko, Gorbatchev gravira les mêmes échelons, celui de suppléant du Politburo en 1979 et de membre de plein droit en 1980. De là à dire que les deux hommes étaient en compétition, il n'y a qu'un pas, qu'il n'est pas téméraire de franchir. Pendant les treize mois du dernier règne, Mikhail Gorbatchev va donc occuper la position difficile de " dauphin présumé ". Aussi bien la situation de Mikhail Gorbatchev est-elle ambiguë: d'une part il détient tous les attributs formels du numéro deux: il est nommé au printemps président de la commission des affaires étrangères du soviet de l'Union, le poste détenu par Mikhail Souslov jusqu'en 1982, et par Constantin Tchernenko sous Andropov; il préside, dit-on, les réunions du secrétariat et parfois du Politburo en l'absence du secrétaire général; ses attributions se sont élargies, puisque, après avoir été chargé dès la fin de 1983 (au moment du déclin d'Andropov) de superviser les élections qui se déroulent dans les organisations régionales du parti, il contrôle en principe les départements étranger et idéologique du comité central. Ce n'est donc qu'à la fin de la période, lorsque l'issue paraît proche, qu'il s'avance, par calcul ou par nécessité, au premier plan. Le voyage en Grande-Bretagne de décembre 1984 est un épisode important compte tenu du moment, mais ce n'est pas le premier contact avec l'Ouest : Gorbatchev s'est déjà fait remarquer à l'Ouest au cours d'un séjour au Canada en 1983. Il a aussi visité l'Italie, le Portugal, l'Allemagne fédérale en 1975, et la France en 1976. De toute manière, le problème de la connaissance de l'étranger ne se pose plus dans les mêmes termes qu'autrefois pour les dirigeants soviétiques : pour toute cette génération d'apparatchiks poststaliniens dont fait partie Gorbatchev, les occasions de voyage n'ont pas manqué à la faveur des années de détente, par le canal du gouvernement, du parti ou des échanges parlementaires. MICHEL TATU Le Monde du 13 mars 1985
gorbatchev

« Il est fort probable que, là encore, le patronage de Souslov a été déterminant et qu'il s'est poursuivi jusqu'à la fin, ne serait-ceque pour équilibrer l'ascension un peu trop fulgurante que Tchernenko accomplissait de son côté grâce au patronage beaucoupplus direct de Brejnev.

Avec deux ans de retard sur Tchernenko, Gorbatchev gravira les mêmes échelons, celui de suppléant duPolitburo en 1979 et de membre de plein droit en 1980.

De là à dire que les deux hommes étaient en compétition, il n'y a qu'unpas, qu'il n'est pas téméraire de franchir. Pendant les treize mois du dernier règne, Mikhail Gorbatchev va donc occuper la position difficile de " dauphin présumé ". Aussi bien la situation de Mikhail Gorbatchev est-elle ambiguë: d'une part il détient tous les attributs formels du numéro deux: ilest nommé au printemps président de la commission des affaires étrangères du soviet de l'Union, le poste détenu par MikhailSouslov jusqu'en 1982, et par Constantin Tchernenko sous Andropov; il préside, dit-on, les réunions du secrétariat et parfois duPolitburo en l'absence du secrétaire général; ses attributions se sont élargies, puisque, après avoir été chargé dès la fin de 1983(au moment du déclin d'Andropov) de superviser les élections qui se déroulent dans les organisations régionales du parti, ilcontrôle en principe les départements étranger et idéologique du comité central. Ce n'est donc qu'à la fin de la période, lorsque l'issue paraît proche, qu'il s'avance, par calcul ou par nécessité, au premier plan. Le voyage en Grande-Bretagne de décembre 1984 est un épisode important compte tenu du moment, mais ce n'est pas lepremier contact avec l'Ouest : Gorbatchev s'est déjà fait remarquer à l'Ouest au cours d'un séjour au Canada en 1983.

Il a aussivisité l'Italie, le Portugal, l'Allemagne fédérale en 1975, et la France en 1976. De toute manière, le problème de la connaissance de l'étranger ne se pose plus dans les mêmes termes qu'autrefois pour lesdirigeants soviétiques : pour toute cette génération d'apparatchiks poststaliniens dont fait partie Gorbatchev, les occasions devoyage n'ont pas manqué à la faveur des années de détente, par le canal du gouvernement, du parti ou des échangesparlementaires. MICHEL TATU Le Monde du 13 mars 1985. »

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