Article de presse: Le Roi des Rois démythifié
Publié le 22/02/2012
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en la cathédrale Saint-Georges d'Addis-Abeba.
Il marque l'événement par un " geste " d'apparence considérable, mais dont laportée est surtout sensible à l'étranger : l'octroi dès l'année suivante au peuple éthiopien de sa première Constitution écrite.
En fait,cette charte " démocratique " créant deux Chambres et un gouvernement ne fait qu'habiller à l'occidentale un pouvoir qui demeureabsolu.
Le décalage s'aggrave donc un peu plus entre l'image de l'Ethiopie qu'Hailé Sélassié s'attache à présenter sur la scènemondiale-notamment en libérant progressivement les esclaves-et la réalité, qui demeure féodale, inégalitaire, anachronique.
Sansdoute l'empereur doit-il compter avec une aristocratie accrochée à ses privilèges, occupant tous les pouvoirs intermédiaires et àlaquelle il est hors d'état d'imposer de brusques réformes.
Il se heurte aussi à une Eglise archaïque, soumise à l'autorité dupatriarche d'Alexandrie.
L'hypothèse d'un souverain éclairé prisonnier d'une noblesse rétrograde qui jusqu'au bout bloquerait obstinément la moindreréforme agraire sera souvent avancée à l'étranger pour justifier les insuffisances du régime.
Beaucoup d'Ethiopiens refuserontnéanmoins d'y souscrire.
" Vous oubliez toujours en parlant des grands propriétaires terriens réactionnaires, nous disait unintellectuel un an avant la révolution, que le plus grand d'entre eux, c'est tout de même Hailé Sélassié lui-même.
" Mais cettepremière étape du règne sera brève.
En octobre 1935, lâchement abandonnée par les grandes puissances, désarmée, l'Ethiopieencaisse le premier choc du bellicisme fasciste qui va bientôt incendier le monde.
Attaquée au sud et au nord par les arméesitaliennes, bombardée à l'ypérite, l'armée éthiopienne-quarante ans après Adoua-est pulvérisée.
Quittant son pays pour l'exil, admonestant le monde libre à la tribune de la Société des Nations, Hailé Sélassié incarne alors unesorte de malheur digne, un vaincu héroïque, titulaire d'une créance morale sur l'opinion mondiale.
Le départ précipité d'Hailé Sélassié pour l'Europe alors que son pays est livré aux troupes italiennes représente bien uneentorse à la tradition héroïque, très importante en Ethiopie.
C'est la première fois dans l'histoire éthiopienne qu'un souverain quittela bataille.
Quarante ans plus tard, on pourra rencontrer à Addis-Abeba des milliers de vieux Ethiopiens qui n'auront pas pardonné cette" fuite " à Hailé Sélassié.
Lorsqu'il prend le chemin de fer franco-éthiopien pour Djibouti, le 3 mai 1936, des hommes et desfemmes se couchent d'ailleurs sur la voie pour empêcher son départ.
Les journaux de l'époque signalent même-mais on l'oublierajusqu'en 1974-qu'Hailé Sélassié emporte cent cinquante-huit caisses remplies d'or et d'argent.
C'est la face cachée d'un épisodequi inspirera par la suite beaucoup plus de respect aux étrangers qu'aux Ethiopiens.
Ce qui n'est pas douteux, c'est que, récupérant son trône en mai 1941, après la campagne militaire franco-britannique, HailéSélassié s'emploiera, en priorité, à éliminer beaucoup de " patriotes ".
Après cinq ans de maquis, ils n'étaient pas tous disposés àcéder la place au " résistant de l'extérieur ".
Cette répression sans merci lui sera, elle aussi, très vigoureusement reprochée.
Le crédit international dont le Négus bénéficie à la fin de la guerre s'avère en tout cas fort utile à la restauration des droits del'Ethiopie et à la poursuite d'une politique étrangère ambitieuse.
L'Ethiopie se retrouve en position d'arbitre et de " grande aînée " du continent noir.
La silhouette d'Hailé Sélassié devientfamilière au monde entier, dont il est désormais l'un des " grands ".
Mais l'évolution intérieure n'est pas à la mesure de tant d'ambitions diplomatiques.
L'absolutisme du pouvoir impérial ne laisseplace à aucune sorte d'expression politique et surtout ne s'accompagne pas des réformes urgentes qu'on pouvait espérer.
Iniquitédu système foncier latifundiaire, censure pesante sur la presse, arbitraire policier, misère du monde paysan : l'Ethiopie est unefaçade prestigieuse masquant de plus en plus mal des injustices d'un autre siècle.
On mesure mal, semble-t-il, à l'étranger, à quel point le coup de force manqué de 1960 constitua point par point une sorte derépétition générale avant celui-réussi-de 1974.
Le 13 décembre 1960, alors que l'empereur est en visite officielle en Amériquelatine, un groupe d'officiers de la garde impériale s'empare du pouvoir en s'abritant derrière la personne (consentante?) du princehéritier Asfa Wossen.
Cette " révolution manquée " de trois jours est mise, à l'époque, au compte de quelques ambitions prétoriennes.
En fait, lesjeunes officiers de 1960 avaient eu le temps d'annoncer, dès le 13 décembre, une réforme agraire et une modernisation del'agriculture.
Ils bénéficièrent du ralliement immédiat des étudiants.
Après une courte période d'apathie, le peuple lui-mêmemanifesta un certain intérêt, et plusieurs milliers de personnes défilèrent dans Addis-Abeba en criant " Vive la révolution populaired'Ethiopie! ".
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