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Article de presse: Le roi Constantin : de l'exil à l'exil

Publié le 17/01/2022

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13 décembre 1967 - Grand, beau, riche, jeune... Constantin avait, comme on dit, tout pour être heureux lorsqu'il monta, à la mort de son père, le roi Paul, sur le trône de Grèce. " Je promets de servir la patrie, dévoué de toute mon âme et de toutes mes forces, gardien vigilant des libres institutions du régime démocratique ", devait-il déclarer à cette occasion, le 6 mars 1964. Simples paroles de circonstance ou engagement soigneusement pesé ? Bien peu se posèrent alors la question : la Grèce, disait-on volontiers, vivait en plein conte de fées, et les contes de fées n'ont rien à voir avec la politique. Ce jeune homme charmeur, élevé à la spartiate, ce sportif émérite qui avait sauvé l'honneur de son pays aux Jeux olympiques de 1960 en remportant l'épreuve de yachting, ne pouvait pas souiller son image aux jeux sordides de la politique il n'avait qu'à régner et laisser " le gouvernement gouverner ". Mais, très vite, le jeune homme surprit : pour lui, le temps du yachting était passé. La Constitution lui accordait d'importants pouvoirs il les utiliserait. Son père, qui avait tenté de l'initier très tôt au jeu subtil de la politique grecque, n'avait-il pas fait de même ? Mais le roi Paul avait toujours été prudent Constantin, très vite sûr de lui, allait être cassant lorsque son vieux premier ministre osa s'attaquer aux remparts de son trône, c'est-à-dire à l'armée. M. Georges Papandréou, en effet, est écarté du pouvoir pour avoir voulu placer l'armée sous son contrôle en éliminant le ministre de la défense du moment, M. Garoufalias, qui passait pour " l'homme du palais ". C'est le même Garoufalias que le roi Constantin a nommé, mercredi, à la tête d'un éphémère contre-gouvernement. Du 15 juillet 1965, date du renvoi de M. Papandréou, au 21 avril dernier, la situation n'avait pas cessé de pourrir. Constantin se heurtait alors au jeu parlementaire : il avait les moyens de " casser " un gouvernement qui ne le satisfaisait pas; il n'avait pas la possibilité d'imposer une nouvelle équipe. Les colonels allaient résoudre la crise pour lui. A-t-il approuvé le coup d'Etat contraint et forcé ? En préparait-il lui-même un autre mais fut-il pris de vitesse ? Il laissa planer l'ambiguïté longtemps, justifiant même le coup d'Etat une semaine plus tard, affirmant que " les institutions démocratiques ont été sapées; la nation, la monarchie, les forces armées, la justice, ont été continuellement attaquées ". Huit mois plus tard, il est évident que Constantin s'est toujours méfié des colonels d'Athènes, qui entendaient le confiner dans un rôle purement honorifique. Il était aussi évident pour le jeune roi qu'il n'y avait plus d'espoir de reprendre la situation en main. En tentant le tout pour le tout, Constantin n'en a pas moins oublié que ses huit mois de silence et de compromissions avaient permis aux colonels d'épurer l'armée de bon nombre d'officiers royalistes. Né en 1940, Constantin avait commencé sa vie par l'exil, en Egypte et en Afrique du Sud, où l'avaient entraîné ses parents pour fuir l'envahisseur allemand. Revenu en 1946 à Athènes, il allait bientôt être marqué par la guerre civile, et par ce qu'il appellera plus tard " le matérialisme athée, le crime et la violence qui essaient d'asservir le monde ". Son bref règne aura été dominé par la poursuite de cette lutte. Tout se passe comme s'il s'était trompé d'ennemi. Le Monde du 15 décembre 1967

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