Article de presse: Le procès de Riom
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
«
Une vingtaine d'audiences virent défiler, comme témoins cités par l'accusation, colonels et généraux : à quelques exceptionsprès, ils se plaignirent amèrement d'avoir manqué qui d'espadrilles à la bonne pointure, qui de jugulaires pour leurs casques de ceconcert de lamentations, il ressortait que si les officiers supérieurs n'étaient en rien responsables du désastre militaire, les hommespolitiques, eux, l'étaient totalement.
Comment les inculpés allaient-ils réagir ? Gamelin choisit le silence : " Me taire, c'est encore servir " (ce dernier mot tournaitchez lui au leitmotiv).
Guy La Chambre ne fut pas très courageux, et Jacomet s'en tint à son dossier.
Mais Daladier, et Blum,totalement solidaires, dominèrent le procès.
Daladier en pleine forme, précis, cinglant, anéantit cette brochette de générauxvaincus et pleurnichards à celui qui attribuait 7 000 puis 6 000 blindés à la Wehrmacht, il répliquait ironiquement : " L'Allemagnea déjà perdu 1 000 chars en cinq minutes.
" Il se permettait de traîner dans la boue le maréchal : " Aujourd'hui Gambetta serait enprison et Bazaine au gouvernement.
" Blum choisit d'affirmer d'entrée de jeu ses convictions : " Si la République demeurel'accusée, nous resterons à notre poste de combat comme ses témoins et ses défenseurs.
" Il fit éloquemment l'apologie du Frontpopulaire et n'hésita pas à prendre la défense des communistes engagés dans la Résistance, notamment du syndicaliste Jean-Pierre Timbaud : " J'ai été souvent en bataille avec lui.
Seulement, il a été fusillé et il est mort en chantant la Marseillaise...
Alors,en ce qui concerne le PCF, je n'ajouterai rien ".
La presse parisienne et collaborationniste éructait : " Au lieu d'abattre les salauds, on leur a donné une tribune ", s'emportait Jesuis partout.
Hitler en personne haussait le ton : le 15 mars, célébrant la Journée des héros, il s'étonnait que les Français soientincapables de juger rapidement les responsables du déclenchement de la guerre Mussolini en rajoutait : " Ce procès est une farcetypique de la démocratie ".
A Vichy, plongé dans l'embarras, on discutait, et bientôt on ne chercha plus qu'à sauver les apparences : sur le rapport deDarlan et de Barthélémy, le garde des sceaux, Pétain mit à profit, le 15 avril, la suspension des audiences, nécessaire pour quesiège la cour d'assises, en renvoyant le procès, par décret, sine die, pour supplément d'information concernant notamment lamanière dont avait été déclenchée la guerre.
Un an plus tard, le 21 mai 1943, le procès était définitivement interrompu.
JEAN-PIERRE AZEMA Le Monde du 17 février 1992.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Article de presse: Argentine, le procès des années de sang
- Article de presse: Le procès de Nuremberg
- ARTICLE DE PRESSE: Le procès de la section spéciale
- Article de presse: Une séance du procès d'Oradour-sur-Glane
- Article de presse: Procès Kravchenko : le goulag et la France