Article de presse: Le procès de Nuremberg
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
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c'est von Neurath, mais surtout le piètre Ribbentrop, qui se défend fort mal.
Quand le procureur anglais, Sir Maxwell-Fyfe,demande à l'ex-ministre des affaires étrangères du Reich s'il existe d'autre pression sur un pays qu'une menace militaire, celui-cirépond à l'étonnement général : " La guerre par exemple.
" L'armée (Keitel, Jodl) et la marine (Raeder, Doenitz) voisinent avecles ministres et autres Gauleiter des pays conquis : Seyss-Inquart pour la Hollande et le " théoricien " du nazisme, Rosenberg,pour l'Est.
Hans Frank, l'ex-gouverneur général de la Pologne, vient, lui, de se convertir au catholicisme.
Mais l'attitudelarmoyante qu'il adopte tout au long des débats (notamment lors de la célèbre projection d'un film sur les horreurs des camps deconcentration, le 29 novembre 1945) ne peut recouvrir ses furieux appels de 1941 à l'annihilation des " 3 500 000 juifs quiencombrent encore la Pologne et pour qui on ne doit éprouver aucune pitié ".
Il plaide d'ailleurs non coupable, comme tous sesco-accusés.
Comme Streicher, le professionnel de l'antisémitisme, comme Kaltenbrunner, l'ex-chef de la Gestapo, comme Frick,l'ex-ministre de l'intérieur...
Si Krupp échappe à Nuremberg du fait de sa maladie, Speer est là pour la production de guerre etl'armement, et Sauckel pour l'exploitation acharnée de la main-d'oeuvre étrangère.
Quant à l'économie, elle est aussi au banc,avec le docteur Hjalmar Schacht et Funk, qui lui a succédé en 1939 à la tête de la Reichsbank.
" Crimes contre la condition humaine "
On a beaucoup parlé de l'attitude des accusés, presque extérieure à leur propre procès, un procès qui ne paraît pas non plusavoir passionné les populations allemandes du temps.
A quelques exceptions près, les " grands criminels " sont indifférents etsemblent ne regretter au fond que d'avoir été vaincus.
Les autorités alliées font bien parler du procès dans les écoles de leurszones d'occupation, mais la lenteur des débats nuit à l'efficacité pédagogique.
Les magistrats lisent le plus souvent leurs textesd'une voix lente.
Nombre d'audiences sont consacrées à un examen tatillon de preuves, qui vide les travées réservées au public,tandis que les accusés eux-mêmes dissimulent parfois leur somnolence sous d'épaisses lunettes noires.
L'inclusion de l'instruction aux débats - à la manière anglo-saxonne - et surtout le respect scrupuleux des droits de la défense(dont les plaidoiries durent du 8 mars au 25 juillet 1946) allongent encore la procédure.
Pourtant, celle-ci est traversée de moments forts.
Moment fort que la comparution d'anciens déportés, comme Marie-PauleVaillant-Couturier, face aux responsables de leur martyre.
Moment terrible, quand est lu, le 14 décembre 1945, le rapport dumédecin allemand, le SS Sturm-bannführer Höttl, qui précise que " plus de 6 000 000 d'israélites furent mis à mort dans le Reichet dans les territoires occupés ".
Terrible aussi, le récit de l'ancien commandant d'Auschwitz, Hoess, qui décrit lui-même le rapideassassinat des arrivants dans les chambres à gaz.
Face à l'évidence de leurs crimes, dont l'énormité a bien du mal à être mise à plat dans le cadre d'un tribunal, si exceptionnelsoit-il, face à ce qu'un jeune adjoint de la délégation française, Edgar Faure, appelle les " crimes allemands contre la conditionhumaine ", quelle est la réponse des accusés ? Comme l'a montré Léon Poliakov, tous s'abritent derrière le fameux Führerprinzip(le principe du chef).
Certains affectent l'ignorance ou l'irresponsabilité avec une mauvaise foi qui surprend bien souvent lestémoins pourtant à décharge (ainsi Hoess, cité par Kaltenbrunner, finit par dire que ses ordres d'exécution émanaient de laSécurité du Reich, et par conséquent de Kaltenbrunner).
D'autres se réfugient dans une commode démonologie, comme Jodl, qui argue de l'éclat bleu et dur des yeux de Hitler pourplaider l'irresponsabilité, au nom d'un hypothétique " je n'étais pas moi-même ".
certains, comme l'ancien " Führer de lajeunesse ", Baldur von Schirach, continuent à se référer aux arguments de la " pureté de la race blanche "...
Le verdict n'en tombe pas moins le 1 octobre 1946.
Les condamnations devaient être obtenues à la majorité de trois juges aumoins, et c'est ainsi que les sept réclusions (Hess, Funk, Raeder, von Schirach, Speer, von Neurath et Doenitz) et surtout les troisacquittements (Schacht, von Papen et le propagandiste Fritsche) sont acquis contre la volonté du juge soviétique.
Avec lescondamnés sont également jugées criminelles quatre organisations nazies, parmi lesquelles la SS et la Gestapo.
Le secret qui entoure l'exécution des sentences par pendaison - dix au total - dans la nuit du 16 octobre 1946, de 1 heure à 3heures du matin, dans le gymnase de la prison, a visiblement pour souci d'éviter le culte aux condamnés, que les Allemands nesemblent guère disposés à leur accorder.
Pas plus qu'ils n'ont pris intérêt à leur jugement.
On disperse leurs cendres, mêlées àcelles de Goering, dont le suicide inopiné, quelques heures avant l'exécution, aura été le seul coup de théâtre de ce dénouement.
NICOLAS WEILL Le Monde du 19 novembre 1990.
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