Article de presse: Le premier ministre russe tente d'imposer un programme d'austérité
Publié le 17/01/2022
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1er juillet 1998 - Investi d'une mission cruciale pour l'avenir de l'économie russe, le premier ministre, Sergueï Kirienko, est venu, mercredi 1e juillet, devant la Douma, la chambre basse du Parlement, afin de défendre son plan anti-crise. Pour le jeune réformateur, aux commandes depuis deux mois, l'enjeu était double : convaincre les députés, en majorité communistes et nationalistes, d'adopter avant le 17 juillet une vingtaine de lois pour sortir de l'impasse économique, et prouver au Fonds monétaire international (FMI), qui étudie la possibilité d'un soutien de quelque 10 à 20 milliards de dollars à la Russie, la détermination de son équipe à suivre les recommandations du Fonds en matière budgétaire et fiscale. Ce programme de la " dernière chance " avait déjà été exposé le 23 juin, au cours d'une réunion du gouvernement, en présence de parlementaires. Les jours suivants, une série d'oukases avaient été adoptés pour le mettre en pratique.
Hier, la balle était dans le camp des députés russes, invités à se prononcer sur le volet fiscal du programme, dit de " stabilisation " , soit 11 projets de loi sur les 21 qui devraient sensiblement améliorer la collecte des impôts. Devant une assemblée houleuse, irritée par les récentes allusions du président russe, Boris Eltsine, à une possible dissolution de la Douma en cas de rejet du plan anti-crise, Sergueï Kirienko a tenté de trouver un soutien. " Un Etat fort doit être riche. Mais pour gagner de l'argent, il faut aussi développer la production " , a-t-il lancé à l'adresse de l'opposition communiste qui fustige régulièrement le pouvoir pour son incapacité à élaborer une politique industrielle. Soulignant que le pays avait déjà créé les conditions favorables à la naissance d'une économie libérale, Sergueï Kirienko a annoncé l'adoption de " nouvelles règles " pour sortir le pays de la crise. Celles-ci supposent un " renforcement de l'efficacité du contrôle étatique sur l'économie " . Un oukase présidentiel récent prévoit ainsi une baisse de 50 % des tarifs du gaz et de l'électricité pour les entreprises. Enfin, dans le souci de ménager son auditoire, le premier ministre a assuré que son plan, seul capable de rétablir l'équilibre budgétaire, était strictement " apolitique " . Répondant à la question d'un député, il s'est dit prêt à démissionner, lui et son gouvernement, en cas d'échec.
Ce qui n'a pas empêché l'opposition nationalo-communiste de revenir à la charge. Guennadi Ziouganov, le chef des communistes, s'est emporté contre la politique du gouvernement : " Neuf habitants sur dix comprennent que nous sommes désormais dans l'impasse (...). Le programme présenté n'a rien de systématique et, aujourd'hui, tout le monde tourne autour de caisses vides " , a-t-il grondé, ajoutant toutefois qu'il soutiendrait les lois " allégeant le fardeau fiscal " et celles " en faveur de la production " .
Impôts sur les maisons de jeux
Pour leur part, Grigori Iavlinski, le chef de l'opposition libérale, et Alexandre Chokhine, à la tête de Notre maison la Russie, formation proche du pouvoir, ont fait savoir qu'ils voteraient pour les lois qui leur semblaient " acceptables " , et tenteraient d'obtenir des compromis sur le reste. Ainsi, parmi les six lois fiscales adoptées hier par les députés, ne figurent pas certaines mesures pourtant jugées indispensables pour améliorer rapidement la collecte des impôts. Les députés ont, par exemple, décidé de repousser la discussion sur l'uniformisation du taux de TVA à 20 % pour toutes les marchandises. Cette décision, qui risque d'être impopulaire, devrait permettre à l'Etat d'engranger 9,8 milliards de roubles (9,8 milliards de francs) de revenus supplémentaires par an. De plus, la Douma n'a pas examiné les lois concernant la refonte de l'impôt sur le revenu des particuliers, comme par exemple l'introduction d'une nouvelle échelle d'imposition, moins élevée et fluctuante. Celle-ci équivaudrait, pour les salaires dits " moyens " (l'équivalent de 20 000 à 80 000 francs par an), à une augmentation de 1 % à 3 % de la pression fiscale. De même, reste en suspens le point qui prévoit d'imposer à hauteur de 20 % les comptes bancaires rémunérés et les polices d'assurance de tous les citoyens russes, quels que soient leurs revenus, ce qui ne manquerait pas de toucher de plein fouet les maigres économies des retraités...
C'est, en revanche, à une quasi-unanimité que les députés ont accepté d'introduire un nouvel impôt sur les maisons de jeux et sur l'outil de production des petites entreprises (kiosques, marchés, restaurants). Traditionnellement rackettés par les mafias locales, ces établissements seront désormais tenus de verser aussi leur contribution dans les caisses de l'Etat.
AGATHE DUPARC
Le Monde du 03 juillet 1998
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