Article de presse: Le Monde et le neutralisme
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
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sur ses propres mérites, point.
Et c'est cela même qui est intéressant, car tout fait a un sens.
Il a été dit, écrit et imprimé, jusque chez nos amis politiques, que l'on poursuivait ici la chimère d'une neutralité désarmée.
Nousavons demandé à l'auteur de ce propos où, quand, comment cette position avait été proposée par nous.
Puisque nous avonstoujours soutenu le contraire, il ne pouvait citer aucun texte, mais peu importe!
Français, cet expert militaire-car c'en est un-estime qu'un neutraliste, comme on dit, est ipso facto en faveur du désarmement deson pays.
Plus la confusion est grave, plus il est instructif de constater qu'elle semble congénitale à certains cerveaux français.
Une deuxième manière simple de ne pas envisager l'hypothèse est de la traiter d'irréelle.
C'est, dit-on, une chimère.
Elle l'est eneffet pour ceux dont la politique arrêtée implique la belligérance fatale de la France dans tout conflit d'ordre atlantique, mais ons'étonne un peu que pas un ne daigne prendre en considération les difficultés inhérentes à leur propre thèse.
Car il y en a.
On veutune Europe unie rapidement et puissamment armée, prête à s'engager dans la guerre redoutée aux côtés des Etats-Unis.
Soit,mais il y a des neutres.
Il s'agit donc de savoir si une Europe composée de neutres et de belligérants sera jamais unie sans laSuède, la Suisse ni l'Espagne; si l'union de l'Europe en armes pour la défense de ses frontières se réalisera plus facilement sur leterrain d'une belligérance commune que sur celui d'une neutralité commune.
Nous ne prétendons pas détenir la solution de cesproblèmes, mais il nous semble remarquable qu'on les tienne pour résolus sans même les avoir posés.
C'est exactement ce que nous faisons dans nos entretiens avec l'Amérique.
On semble tenir pour évident que les Etats-Unissont et seront toujours contre une politique de neutralité européenne.
C'est mal connaître la mobilité de ce pays, mais c'est surtoutrenoncer d'avance à y défendre devant l'opinion publique cette thèse, déjà soutenue par d'illustres publicistes américains, quel'intérêt de la paix du monde et même l'intérêt militaire des Etats-Unis seraient servis au mieux par une Europe armée et décidée àse défendre contre toute agression, mais militairement neutralisée.
Ce peut être une erreur, mais il est une fois de plussymptomatique que l'on refuse d'examiner en France, comme fatale à l'amitié franco-américaine, une thèse déjà soutenue auxEtats-Unis, qui réarmeront d'ailleurs l'Espagne, directement ou non, sans aucun engagement de sa part.
Il ne s'agit pas ici de mauvaise foi.
Sauf dans les partis qui en font une arme de propagande, nous la tenons pour infiniment rare.Il ne s'agit même pas de mauvaise volonté, car la plus étroite amitié nous lie à beaucoup de ceux dont nous n'avons pas obtenuqu'ils prissent en considération ce problème.
Certains d'entre eux en venant à dire que refuser d'armer l'Europe unie serait donnerdes armes aux partisans de la neutralité, il ne reste plus qu'à tirer l'échelle.
Evidemment l'idée d'une Europe assez forte pour resterlibre de sa politique et garder la liberté de ses armes n'entre pas dans une tête française.
On ne peut qu'en donner acte à l'opinionpublique, maîtresse responsable en fin de compte des destinées d'une démocratie.
Voilà qui est fait.
ETIENNE GILSON de l'Académie française. Le Monde du 2 mars 1949 et 7 septembre 1950.
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