Article de presse: Le modèle suédois
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
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compagnons de travail à la porte de l'usine-ne s'en remettront jamais.
L'imagerie d'Epinal ramenée de Suède par ceux qui la visitent veut que " la société suédoise marche sans relâche vers uneégalisation progressive des chances de réussite, des revenus et des fortunes ".
C'est une marche qui, en trente ans, a permis aux travailleurs scandinaves de parcourir beaucoup de chemin.
En outre, ladémocratisation de l'enseignement, le nombre des services gratuits, l'importance des prestations sociales ont considérablementamenuisé les disparités des fortunes.
La réduction de la durée du travail a aussi contribué à cette égalité : il y a vingt ans, lescadres moyens et les fonctionnaires jouissaient déjà de quatre semaines de congés payés et ne travaillaient que quarante-deuxheures par semaine aujourd'hui, ils ont toujours les mêmes conditions de travail, mais les ouvriers les ont rejoints (il y a vingt ans,ces derniers n'avaient qu'une semaine de congés payés et travaillaient quarante-huit heures par semaine).
Mais, depuis quelque temps-et surtout depuis 1966 et la grève des professeurs,-le processus d'égalisation des revenus s'estnon seulement ralenti mais inversé.
" Cette inégalité pose un problème embarrassant à la politique syndicale ", admet le syndicatunique L.O.
(Landsorganisationenisverige).
Il est des chiffres que personne ne souhaite publier car ils révèlent une nette disparité des salairesd'abord, des revenus ensuite, selon les secteurs industriels, selon les régions et selon les sexes (un comité royal, chargé d'étudiercette question, n'a pas encore osé rendre publics les résultats).
Selon certaines enquêtes, en 1967, dans le Gotland, une femme gagnait en moyenne 6,84 couronnes par heure dans l'industrietextile; à Stockholm, un " métallo " recevait 12,88 couronnes et un carreleur plus de 20 couronnes.
Au moment où le fossé semble se creuser entre les hauts et les bas salaires, le gouvernement suédois s'aperçoit qu'il ne peutplus espérer le combler en recourant à l'arme favorite des justiciers sociaux, la fiscalité directe, et cela paradoxalement parce qu'iln'y a pas assez de hauts revenus à taxer ! La Suède est malade de l'égalité sociale, ce qui l'oblige à recourir, dans une proportioncroissante, à la fiscalité indirecte, plus injuste socialement parlant, pour subvenir à ses dépenses publiques dont le volume croîtévidemment au rythme du perfectionnement...
de sa politique sociale : en 1968, l'Etat tirait 48 % de ses ressources des taxesindirectes contre 45 % en 1950.
Ajoutons à cela que les cadres suédois ont trouvé le " contre-poison " à la fiscalité directe en exigeant que leurs augmentationsde salaires soient calculées impôts déduits, ce qui, bien évidemment, accélère les hausses de prix et l'inflation.
Une précision : si legouvernement de Stockholm avait doublé l'impôt sur les héritages ou sur la fortune, cette mesure n'aurait fourni aux financespubliques qu'une somme égale à 1 % du produit de la T.V.A.
Certains pensent que le ralentissement du processus d'égalisation des revenus est inévitable et que l'accroissement des impôtsindirects est, à tout prendre, moins injuste dans une économie où les revenus sont aussi élevés (second rang mondial derrière lesEtats-Unis).
Tout le monde n'accepte pourtant pas ces explications.
Les syndicalistes de la LO, les jeunes socialistes des cabinetsministériels ou des associations contestataires, comme le Groupe des philosophes, estiment que la redistribution des revenus parle canal du budget est insuffisante.
Ils considèrent que la part du revenu transféré (plus de 41 % du produit national, compte tenudu budget des communes) pourrait être plus forte.
Le congrès socialiste de septembre sera dominé par ce problème.
D'ores etdéjà, à Stockholm comme en province, dans toutes les entreprises, les militants du parti et les syndicalistes ont créé descommissions pour photographier la répartition actuelle des revenus et proposer une nouvelle étape vers l'égalité.
Le temps des réformes est-il vraiment dépassé ? La plupart des employeurs estiment qu'on ne peut aller au-delà de la chargesociale actuelle-la plus élevée du monde-dans une économie vouée à l'exportation.
JEAN-PIERRE DUMONTLe Monde du 1 er-2 juin 1969.
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