Article de presse: Le Guatemala en quarantaine
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
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Guatemala.
Mais on doit à la vérité de signaler cette concordance entre l'inquiétude américaine et le début d'un mouvementnationaliste guatémaltèque luttant pour l'indépendance économique.
A la dixième conférence interaméricaine de Caracas (du 1 er au 28 mars dernier), M.
Dulles n'a eu qu'un objectif : faire adopter une résolution anticommuniste.
Traduisons : disposer d'une arme juridique permettant aux Etats-Unis d'attaquer le gouvernementguatémaltèque sur le terrain légal et à travers l'Organisation des Etats américains.
L'arme est maintenant brandie au-dessus de ce modeste pays, dont les dirigeants se sont crus assez forts ou assez sûrs de leurdroit pour acheter des armes derrière le rideau de fer.
L'arrivée du cargo Alphelm, chargé d'armes tchécoslovaques, à Puerto-Barrios a déclenché un mécanisme dont lesconséquences sont encore imprévisibles : rupture des relations diplomatiques par le Nicaragua, rappel de l'ambassadeur duHonduras par son gouvernement, retour de l'ambassadeur du Guatemala à Haïti (déclaré persona non grata), visite amicale desuperbombardiers atomiques américains au Nicaragua et surtout conversations à Washington entre M.
Dulles et lesambassadeurs des Etats américains pour déterminer s'il existe au sein de l'OEA une majorité décidée à proposer des sanctionscontre le Guatemala.
L'idée essentielle du nouveau gouvernement au Guatemala est : sortir les Indiens, c'est-à-dire le peuple, de la misère, apprendreà lire et à écrire, épeler le mot liberté, donner à ces hommes des conditions décentes de vie.
Les intellectuels et les officiers quiont fait la révolution ont d'abord voulu cela.
Le marxisme n'est venu qu'après.
L'Amérique latine est d'abord un continent de paysans.
L'Amérique latine est d'abord indienne.
La plupart de ces paysans sontencore des serfs illettrés.
Ils récoltent le café, les bananes et les fruits tropicaux en Amérique centrale; le maïs, le coton et le chicleau Mexique; le café et le caoutchouc au Brésil; le cacao, les fruits et les bois précieux au Pérou et en Equateur.
Ils extraient lepétrole (avec les Noirs) au Venezuela, l'étain en Bolivie, les émeraudes en Colombie.
La misère
Ce qui se passe ici ne peut pas ne pas avoir d'échos dans le reste d'un continent dont la seule véritable unité est une misèreincroyable et une sous-alimentation chronique.
Cet autre aspect d'un conflit méconnu explique pourquoi l'expérienceguatémaltèque est suivie avec passion par des millions d'hommes, pourquoi elle est un cas.
Il est possible qu'elle soit finalementexploitée par le communisme.
Au départ, elle bénéficie de la sympathie de tous les hommes et de tous les mouvements politiqueslatino-américains qui veulent faire passer leurs patries du féodalisme au monde moderne.
On ne peut pas demander aux représentants de compagnies étrangères de faire de la sociologie.
En Amérique centrale, lesdirigeants de l'United Fruit ont construit des écoles, des voies de communication quand ils en avaient besoin, des dispensaires,quelques stades.
Ils payent généralement leurs ouvriers à des taux infiniment supérieurs à ceux qui sont pratiqués par les richesfinqueros.
Ce qui est sûr, c'est que la frutera avait établi au Guatemala et dans quelques autres républiques un véritable Etat dansl'Etat.
Ici, l'United Fruit (UFCO), l'International Railways of Central America (IRCA), la Compania Agricola Guatemalteca(CAG), sont une seule et même chose.
Ce monopole contrôle les trois ports du pays (Puerto-Barrios, San-José et Champerico),possède la seule flotte marchande et pratique des tarifs exorbitants.
Il faut pourtant beaucoup d'imagination pour réduire les Etats-Unis à Wall Street.
Le gouvernement guatémaltèque ne veut voirdans les attaques américaines que des réflexes de défense économique.
Washington ne parle que de communisme et de menace pour la sécurité américaine.
Où est la vérité? Le Guatemala est-il déjàune démocratie populaire, la première en Amérique ?
En vérité, le communisme est partout et nulle part au Guatemala.
Je l'ai même rencontré au fond d'un village indien sur les bordsdu lac Atitlan.
Dans une casa de paja (hutte aux parois de roseaux et au toit de feuilles), où un jeune garçon m'avait emmené.Toute une famille vivait là sans même un rudiment de meuble.
Au centre, un foyer grossier fait des pierres.
A même le sol,enroulées dans une couverture mangée de vermine, deux petites filles dormaient.
Nous sommes restés quelques instants sans riendire.
Et brusquement le jeune Indien s'est approché et m'a dit : " No somos comunistas, senor [nous ne sommes pascommunistes], no somos comunistas...
" Des casas de paja, il y en beaucoup au Guatemala.
Les Indiens illettrés et misérablesforment la très grande majorité de la population, un peu plus de deux millions.
Leur univers ne dépasse pas les 50 kilomètres quiles séparent de Coban, de Chichicastenango, de Huehuetenango ou de toute autre ville où il y a un marché.
Ils se nourrissent demaïs et de frijoles (haricots noirs), parfois de poisson séché.
Ils marchent sans cesse sur des routes où passent des Cadillac ousur des chemins de terre, courbés en avant sous des charges de poteries amoncelées, en s'aidant d'un fronteau.
Quand ils ont.
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