Article de presse: Le grand dessein de Richard Nixon
Publié le 17/01/2022
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n'est pas aux enchères.
Est-ce à partir de ce moment que la Maison Blanche décide collectivement que les prochains affrontements se livreront plusdans les souterrains et les égouts que sur le forum, et que rien ne doit être laissé au hasard pour la réélection présidentielle de1972 ? En tout cas, le " grand dessein " d'une coalition refoulant dans le marginalisme électoral les Etats incurablementdémocrates du Nord-Est descendra dans la clandestinité et aux moyens obliques.
La déception de 1970 a pu être la matrice del'affaire du Watergate et des scandales subsidiaires qui vont assombrir le second " terme " de Richard Nixon-réélu dans unfauteuil en novembre 1972 contre un candidat démocrate honnête mais sans force de persuasion, le sénateur George McGovern.
L'isolement
Alors, se demandera-t-on, Richard Nixon, ce n'était donc que cela ?
Une sorte d'ilote de la politique, provincial sans province, tour à tour manipulé et manipulant, n'arrivant aux plus hautesresponsabilités que pour déchoir ?
Certains, surtout à l'étranger, ont vu en lui un grand président, guidant à vue, bien sûr, l'économie américaine et la sachant assezforte pour endurer la dévaluation du dollar et autres profanations puisqu'au bout de ces cahots il ne pouvait surgir qu'uneaffirmation brutale de la primauté américaine, débarrassée de ses faux-semblants et de ses tabous.
Au-dehors, les voyages àPékin, en février 1972, et à Moscou, en mai suivant-la première visite d'un chef d'Etat au Kremlin (qui, en 1967, n'avait pasdaigné accorder audience au simple citoyen Richard Nixon...),-resteront des dates historiques.
Si divers aspects de cette détentetriangulaire, comme l'abrupte " médiation " américaine dans le conflit israélo-arabe d'octobre 1973, feront encore coulerbeaucoup d'encre, d'autres, souvent mal perçus, ont un mérite indiscutable : la diplomatie américaine élève enfin les rapports deforces au-dessus des passions idéologiques.
Il peut encore y avoir des tensions Est-Ouest.
Elles pourront être traitées avec sang-froid, de puissance à puissance, et non plussous la pression d'une opinion hantée par un nébuleux " danger communiste ".
Cet exorcisme est à l'actif de l'oeuvre commune de Richard Nixon et d'Henry Kissinger.
Le second maîtrise, au moins parl'esprit, les données du réalisme de Kriegspiel planétaire.
Le premier, trop habitué à traquer des démons, les a trop cherchésparmi ses compatriotes.
La politique intérieure et sociale de M.
Nixon, quand elle n'aura pas été dictée par des considérations strictement électorales,aura été " pragmatique " en ce sens qu'elle n'a jamais obéi à une conception d'ensemble, ce qui laissait au Congrès toute latitudepour prendre les devants.
C'est dans ce domaine-où il n'aura pas trouvé de Kissinger-que le bilan de M.
Nixon et le plus pauvre.Le président n'a jamais eu qu'une vue très restreinte du corps social américain.
Lui-même, à la fin, n'avait pas moins de quatrerésidences (passablement trop pour ses moyens présidentiels) et naviguait constamment de l'une à l'autre.
Bien qu'il aimât à passer pour un grand méditatif, fuyant l'agitation du siècle pour se plonger dans la contemplation, c'étaitsurtout un errant, ruminant ses problèmes plutôt que de s'attaquer à ceux des autres.
Il renoue ainsi avec la tradition républicainela moins imaginative, celle des présidents d'avant le New Deal.
Entre-temps, il est vrai, les Américains ont appris à " se défendre "contre l'incurie délibérée de leur gouvernement.
Le budget de la santé publique et de l'assistance aux collectivités, comme celui del'aide à l'éducation, triplera en dix ans alors que celui du Pentagone restera pratiquement constant.
Richard Nixon n'y est pourrien.
C'est la croissance des engagements de dépenses souscrits par ses prédécesseurs démocrates.
Ses propres velléités de " réformes " ne resteront qu'en bas de page de la postérité.
ALAIN CLEMENT Le Monde du 10 août 1974.
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