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Article de presse: Le geste historique de Sadate

Publié le 17/01/2022

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19-21 novembre 1977 - De la fantastique tribune universelle que lui offraient, au-delà des murs de la Knesset, les satellites mondiaux de télécommunications, le président Sadate a adressé à ses adversaires un discours d'une rare hauteur de vues, où les accents de ferveur religieuse venaient renforcer la rigueur de l'argumentation et la noblesse de l'inspiration. Il a reconnu avec éclat l'existence de l'Etat d'Israël, accepté à l'avance toutes les garanties qu'il pourrait souhaiter, balayé d'un souffle par instants prophétique les haines et les rancoeurs d'une guerre de trente ans en prenant de tels risques personnels que le voici, comme l'écrit par boutade un quotidien britannique, à la fois candidat à la balle d'un terroriste et au prix Nobel de la paix. Dans sa réplique, le premier ministre israélien, tout en prenant acte d'un courage hors du commun, n'a pas voulu traiter au fond le problème posé par l'incroyable démarche de son hôte. Le vieux survivant du massacre de son peuple, marqué par trop de haines et d'épreuves et animé par une inébranlable certitude de son bon droit, a lui aussi parlé de la paix. Il l'a fait en termes émouvants, mais sans rien dire des deux conditions que le monde arabe met à un règlement : l'évacuation des territoires conquis en 1967 et la prise en considération des droits du peuple palestinien. Les deux hommes ne semblaient même pas ébaucher un rapprochement sur la procédure du règlement. Menahem Begin s'est sans doute référé, comme le président égyptien, aux résolutions de l'ONU et à la conférence de Genève. Mais il a tant insisté sur les vertus des accords bilatéraux avec ses voisins qu'il a donné l'impression de souhaiter des " paix séparées " avec les belligérants et de vouloir exploiter des contradictions exacerbées par l'initiative du principal d'entre eux. En outre, s'il a dit que " tout est négociable ", conformément à la position officielle de son pays, cette concession paraît bien formelle dès lors que, pour l'essentiel-renonciation à la Cisjordanie, où il ne veut voir que la Judée et la Samarie, israéliennes par définition, et reconnaissance des droits palestiniens,-rien n'est venu indiquer que le chef du Likoud soit prêt au compromis, qu'il a toujours frappé d'anathème. En fait, ce n'est ni de la même paix ni de la même justice que l'on a parlé dimanche sous la coupole de la Knesset. Pour les Arabes, dont Anouar El Sadate était-si vilipendée que soit ici et là sa démarche-le fidèle et éloquent porte-parole, la " juste paix " passe par la reconnaissance des " réalités " qu'a sanctionnées la communauté internationale. Pour Menahem Begin, justice ne sera rendue à Israël que s'il conserve, face à ses voisins, l'intégralité d'un patrimoine biblique reconquis de haute lutte. A ses yeux, il n'existe pas de fondement, et moins encore de légitimité, à la revendication palestinienne. BULLETIN DE L'ETRANGER Le Monde du 22 novembre 1977

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