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Article de presse: Le dissident chinois Wei Jingsheng est libéré après dix-huit ans de détention

Publié le 22/02/2012

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16 novembre 1997 - Wei Jingsheng est désormais un homme libre. A défaut de l'être dans son propre pays, il l'est au moins dans l'exil. Figure emblématique de la dissidence, auréolé d'une réputation de combattant intransigeant pour la liberté qui en faisait une sorte de version chinoise de Mandela ou de Soljenitsyne, M. Wei est arrivé, dimanche 16 novembre, à Detroit (Etats-Unis), où il a aussitôt été hospitalisé. Il avait été libéré une demi-journée plus tôt de sa prison de Tangshan, près de Pékin. Les autorités chinoises ont invoqué une " grâce médicale " pour justifier cet élargissement qui a été immédiatement applaudi dans les capitales occidentales. Miné par ses dix-huit ans de détention dans les geôles du régime, l'état de santé du plus célèbre opposant chinois était devenu très préoccupant. Wei souffre de problèmes cardiaques, d'inflammation des vertèbres cervicales et d'affections dermatologiques graves. " Son visage est boursouflé, avec des plaques irritées, et ses yeux sont affreusement cernés et bouffis " , affirmait, fin octobre, sa soeur, Wei Shanshan, exilée en Allemagne. Ses conditions de détention étaient en outre éprouvantes : toujours selon sa soeur, il était malmené, voire battu, par les autres prisonniers, et la lumière était constamment allumée dans sa cellule de Tangshan. Retour en grâce diplomatique Cette libération, qui pourrait, selon un quotidien hongkongais, être suivie de celle de Wang Dan, porte-drapeau du mouvement étudiant de 1989, ne devrait pas rester sans conséquences diplomatiques. Elle survient deux semaines après la visite en grande pompe de Jiang Zemin aux Etats-Unis qui a permis au numéro un chinois de se tailler une respectabilité sur la scène internationale, refermant ainsi le chapitre de la mise en quarantaine ouvert au lendemain de la répression de Tiananmen, en juin 1989. La proximité des deux événements suggère que les Américains ont pesé de tout leur poids dans la décision de Pékin. A Washington comme dans les autres capitales occidentales, une telle libération devrait conforter les tenants d'une politique d'" engagement constructif " à l'égard du régime chinois, attitude qualifiée de cynique par les organisations de défense des droits de l'homme. Si " marché " il y a eu entre Pékin et Washington sur la personne de Wei, on devrait en avoir un premier indice dès le printemps prochain à l'occasion des rituels débats au sein de la commission des droits de l'homme de Genève. Jusqu'à maintenant, les Américains déposaient systématiquement une résolution condamnant les violations des droits de l'homme dans l'empire du Milieu. Emboîteront-ils dorénavant le pas aux Français, qui se sont refusé, cette année, à s'associer à de telles motions ? C'est en tout cas le calcul du régime chinois que l'" épine " annuelle de la commission de Genève exaspère au plus haut point. Après la reprise de la coopération nucléaire sino-américaine, une retraite en bon ordre des grandes capitales occidentales lors du rendez-vous de Genève consacrerait le retour en grâce diplomatique de Pékin. Il ne resterait plus, dès lors, qu'à lever un dernier obstable : l'embargo européen sur les ventes d'armes. Les manoeuvres en ce sens sont déjà bien entamées. Elles vont s'accélérer ces prochains mois. Ainsi le geste de Pékin, au-delà de sa dimension purement humanitaire, se révèle-t-il finalement d'une très grande habileté. " C'est tout bénéfice pour les dirigeants chinois, explique Marie Holzman, spécialiste des droits de l'homme en Chine et coauteur, avec Noël Mamère, d'une biographie de Wei Jingsheng, Chine, on ne bâillonne pas la lumière (Ramsay, 1996). Wei en prison, ils risquaient de se retrouver avec un cadavre sur les bras. Mais Wei exilé à l'étranger, ils font disparaître un motif de mobilisation de l'opinion internationale car les autres prisonniers d'opinion, que l'on évalue entre mille et deux mille et dont les conditions de détention s'aggravent, sont peu connus. La véritable preuve de libéralisation du régime aurait été la libération de Wei en Chine même. Or le régime n'en est pas encore capable. " FREDERIC BOBIN Le Monde du 18 novembre 1997

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