Article de presse: Le crépuscule du maréchal "Poussière"
Publié le 17/01/2022
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carrières et des mines), qui exploite les immenses réserves de cuivre du Shaba, mais extrait aussi le cobalt, le zinc, le manganèse,l'or, l'argent ou l'uranium.
Cette politique ne profite pas à la masse miséreuse des "citoyens" zaïrois, qui assistent, impuissants, audépeçage des richesses du pays au profit des proches du président.
Celui qui se fait appeler le "Guide" cultive, à l'égard des Blancs, un humour anticolonial de bon aloi.
"Certains d'entre euxprétendent aimer notre pays, mais c'est à la façon dont le braconnier aime l'éléphant !", lancera-t-il, en guise de boutade.
Lecompliment, hélas, pourrait lui être retourné.
Utilisant les ressources nationales comme son argent de poche personnel, ilcontribue, très largement, à la ruine d'un pays donné, potentiellement, comme un des plus riches du continent.
Rongé par lacorruption et le clientélisme, le Zaïre devient très vite le royaume du "matabiche" (pot-de-vin).
Au début des années 80, la "cagnotte" du premier grand serviteur de l'Etat est considérée comme une des cinq plus grossesfortunes du monde.
A l'époque, le patrimoine personnel du "citoyen-président" équivaut, dit-on, au volume de la dette extérieuredu Zaïre.
Pendant ce temps, dans les bidonvilles surpeuplés de Kinshasa, les plus chanceux doivent se contenter d'un repas parjour.
L'aide internationale continue, cependant, de tomber à un rythme régulier.
Il faudra attendre 1990 avant que le Fonds monétaireinternational (FMI) et la Banque mondiale, impuissants à convaincre le Zaïre à faire preuve d'un minimum de rigueur et detransparence, se décident à couper les ponts.
La guerre du Golfe, durant laquelle le Zaïre présidera le Conseil de sécurité des Nations unies, n'offrira qu'un bref sursis aurégime du président Mobutu, dont le crédit s'effrite à une vitesse accélérée dans les capitales occidentales.
L'annonce dumultipartisme, en avril 1990, ne contribue en rien à calmer les esprits.
Le massacre des étudiants du campus de Lubumbashi, enmai 1990, et les polémiques que l'événement suscite en Belgique vont sceller la rupture entre Bruxelles et Kinshasa.
Finseptembre, le "coup de grâce" occidental est donné : à l'issue de la première grande vague d'émeutes qui ravage Kinshasa, laFrance et la Belgique évacuent leurs ressortissants.
L'extinction progressive des affrontements Est-Ouest, ajoutée au vent de démocratisation qui s'est mis à souffler sur l'Afrique,ne fait que renforcer l'isolement du chef de l'Etat zaïrois.
Durant la guerre civile angolaise, le pays a docilement servi de canal pourle transit des armes américaines destinées aux rebelles de l'Union pour l'indépendance totale de l'Angola (Unita), opposés aurégime prosoviétique de Luanda.
Les Etats-Unis s'étaient même vu accorder le droit d'installer une importante base militaire dansle sud du Zaïre.
De même, le président Mobutu avait gagné les bonnes grâces de la France et des Etats-Unis, lors du conflit entrele Tchad et la Libye, à la fin des années 80.
Avec la fin de la guerre froide, cette époque-là est révolue.
En octobre 1996, dans l'est du Zaïre, les rebelles tutsis, dirigés par Laurent-Désiré Kabila, le vétéran marxiste de la lutte contreMobutu, s'emparent de Goma, qui va rapidement devenir la base de leur avancée victorieuse.
Le 2 novembre, on apprend que lemaréchal, soigné à Lausanne, souffre d'un cancer généralisé.
Préférant la tranquillité de sa résidence de Gbadolite ou le confortde son luxueux yacht, le Kamanyola , aux bousculades de Kinshasa, le vieil homme à la toque de léopard était devenu, depuis longtemps, aux yeux des Zaïrois, une sorte de géant invisible.
Le 17 décembre, alors que la rébellion continue à gagner du terrain et que les réfugiés errent de camp en camp, le maréchal,après quarante-quatre jours de "convalescence" passés dans sa villa des environs de Nice, revient à Kinshasa.
Il est accueilli ensauveur par une population qui ressent comme une humiliation la dissidence du Kivu et attend une reprise en main d'une arméetransformée en bandes hétéroclites de pillards.
Progression des rebelles, impossibilité de mettre au point une quelconque contre-offensive : le 9 janvier, lorsqu'il retourne en France pour de nouveaux examens médicaux, son cortège est sifflé par la populationde Kinshasa.
Le 21 mars, alors que Mobutu revient en catimini dans la capitale zaïroise, Laurent-Désiré Kabila, lui, est accueilli en libérateurà Kisangani, la capitale du Haut-Zaïre, tombée sans coup férir le 15 mars.
Alors qu'à Kinshasa le pouvoir se délite (trois premiersministres en moins de trois semaines) la chute de Lubumbashi, la capitale du Shaba, le 9 avril semble sonner définitivement le glasde la carrière politique de Mobutu, le maréchal "Poussière".
CATHERINE SIMON Le Monde du 6 mai 1997.
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