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Article de presse: Le conseil de l'euro

Publié le 17/01/2022

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2 mai 1998 - Le 4 juin, à la veille du conseil des ministres des finances des Quinze prévu à Luxembourg, les ministres des onze pays de la zone euro se réuniront dans la soirée pour tenir la première réunion officielle du conseil de coordination de l'euro, l'Euro 11. Elle se passera sous la présidence de l'Autriche, qui assumera à partir du 1er juillet la présidence de l'Union européenne. La Grande-Bretagne, qui préside actuellement les travaux de l'Union, ne pourra pas prendre part à la réunion, ne participant pas au lancement de l'euro. Le conseil doit permettre aux ministres de la zone euro de " se réunir entre eux de façon informelle pour discuter de questions liées aux responsabilités spécifiques qu'ils partagent en matière de monnaie unique " . La Commission et, si nécessaire, la Banque centrale européenne seront représentées à ces réunions. Les articles 102 et 103 du traité de Maastricht énoncent bien des procédures de surveillance multilatérale pour s'assurer que les Etats coordonnent leurs politiques économiques, mais elles n'imposent à aucun des règles véritablement contraignantes, en dehors de celles librement consenties pour pouvoir faire partie de l'Union monétaire (critères de Maastricht). Les gouvernements ont toujours rechigné à être soumis à l'arbitrage de la Commission ou de leurs partenaires dans leurs choix macro-économiques. Le meilleur exemple en est le problème de l'harmonisation des politiques fiscales. Sa nécessité est régulièrement réaffirmée pour éviter les distorsions au sein du marché unique européen. Mais les efforts du commissaire Mario Monti n'ont abouti jusqu'à présent qu'à l'engagement des ministres des finances de respecter... un code de bonne conduite. Or on imagine mal que les pays de la zone euro puissent se permettre de fonctionner longtemps avec des taux d'imposition sur le revenu, l'épargne, les sociétés qui soient trop différents. Si la solution, comme le défend Jacques Creyssel, directeur général du CNPF, ne peut être à terme que la suppression du droit de veto des Etats en matière fiscale, l'Euro 11 pourrait d'ici là être un bon lieu de négociation pour sortir de l'impasse. Que va-t-il se passer le 4 juin ? Il va d'abord falloir se mettre d'accord sur un minimum de règles opérationnelles, comme de savoir qui représentera la zone euro dans les instances internationales comme le G 7. Les réunions se passeront en présence des ministres des finances et d'un collaborateur. Il est entendu que la présidence du groupe sera assurée en suivant au plus près les rotations de la présidence de l'Union, tous les six mois. Le souhait de certains responsables français de voir cette présidence s'exercer sur une période de deux à trois ans n'est pas aujourd'hui d'actualité. L'intendance sera assurée par la présidence du moment et les institutions européennes. La Commission devrait être chargée d'entamer d'urgence une réflexion sur la manière de bâtir des indicateurs de référence communs. Il n'existe pas encore vraiment d'indicateurs consolidés européens et l'Office européen des statistiques, Eurostat, travaille le plus souvent à partir de données statistiques fournies par les Etats membres. Il faut rendre le système plus fiable pour être sûr de pouvoir r ce qui est comparable. C'est un travail énorme qui va tester la volonté de transparence de gouvernements. La première réunion du conseil de l'euro va se dérouler au moment où les gouvernements s'apprêtent à transmettre à leurs Parlements nationaux leur projet de budget pour l'année suivante, en l'occurrence 1999. C'est le moment de s'assurer que les procédures budgétaires en cours dans les onze pays de la zone euro sont conformes avec les règles de discipline du pacte de stabilité budgétaire, mais aussi compatibles entre elles et avec la politique monétaire que conduira à partir de 1999 la BCE. " La question centrale [de la coordination en Union monétaire] est celle de l'élaboration d'un politicy mix (combinaison des instruments de la politique conjoncturelle) approprié à la situation économique de l'Union, entre une Banque centrale unique et des politiques budgétaires décentralisées " , écrit l'économiste Pierre Jacquet, membre du Conseil d'analyse économique du premier ministre, dans un rapport de janvier 1998. En clair, sera-t-il possible de faire accepter aux gouvernements, au nom de ce policy mix, des orientations dont ils tiendront compte dans l'élaboration de leurs budgets ? Actuellement, les pays de la zone euro se trouvent dans des positions différentes du cycle économique. Ne pourrait-on demander à ceux qui sont le plus en avance dans le cycle, comme l'Espagne ou les Pays-Bas, de faire des efforts de réduction budgétaire plus importants, en autorisant ceux qui le sont moins, comme la France et l'Allemagne, à attendre un peu, afin de consolider leur croissance ? Les susceptibilités risquent d'être mises rapidement à l'épreuve. " Les mentalités sont encore très nationales, résume un responsable français. Il va falloir voir dans quelle mesure les gouvernements vont être prêts à négocier leur budget en tenant compte à la fois des conseils de leurs partenaires et des souhaits de leurs parlementaires nationaux. " Il va falloir convaincre des administrations habituées à travailler seules d'expliquer leurs stratégies budgétaires le plus en amont possible pour que les partenaires puissent faire des remarques. Un comité de politique économique, réunissant les principales directions du ministère des finances, a été mis en place à Bercy pour réfléchir aux implications internes et externes du conseil de l'euro. Il faut s'attendre à voir surgir rapidement des difficultés, notamment entre Paris et Bonn, en raison d'appréciations différentes de la finalité de la coordination économique. Conseiller à Matignon, Pierre-Alain Muet voit dans l'Union monétaire la possibilité " d'une plus grande maîtrise de la politique économique d'un marché désormais unifié " . L'idée d'évoluer vers un gouvernement économique n'est jamais très loin dans les esprits à Paris. Ce n'est pas la vision de l'actuel gouvernement conservateur allemand, qui demande avant tout que les politiques nationales soient soumises à une stricte discipline commune. Les Allemands entendent utiliser le conseil pour veiller à ce que leurs partenaires respectent leurs engagements budgétaires. Les mécanismes de contrôle du pacte de stabilité ne concernent que les situations de déficit excessif, au-delà de 3 % du PIB, mais l'objectif que se sont fixé les Quinze est celui de l'équilibre budgétaire. Bonn entend bien le rappeler à ceux qui se montreraient insuffisamment empressés de faire les efforts nécessaires. HENRI DE BRESSON Le Monde du 4 mai 1998

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