Article de presse: Le compromis d'Amsterdam
Publié le 22/02/2012
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16-17 juin 1997 - Les ministres des finances des Quinze réunis à Amsterdam, lundi 16 juin, sont parvenus à un compromis sur le fonctionnement de l'Union économique et monétaire (UEM) à partir du 1er janvier 1999, date retenue pour l'entrée en vigueur de la monnaie unique. Au soulagement général, les menaces de crise qui, en raison des exigences françaises, pesaient depuis une semaine sur la marche vers l'euro se sont trouvées ainsi écartées.
Le pacte de stabilité, conclu après de laborieuses négociations en décembre à Dublin et dont l'objet est d'encadrer la politique budgétaire des pays de la zone euro afin d'éviter tout dérapage pouvant mettre en cause la viabilité de l'UEM, a été formellement adopté. C'est ce que réclamaient avec force les partenaires de la France et, plus que d'autres, l'Allemagne, à l'origine du pacte.
Potentialités inexplorées
Le texte approuvé par les ministres des finances et avalisé ensuite par les chefs d'Etat et de gouvernement donne satisfaction à la France. Il réunit sur le même plan, donc à égalité d'importance, deux résolutions, l'une sur la "croissance et l'emploi", la seconde sur le pacte de stabilité. Un court "chapeau" souligne la cohérence des deux résolutions, faisant valoir que "des politiques macro-économiques et budgétaires saines vont la main dans la main avec une croissance forte et durable de la production et de l'emploi". Jacques Chirac s'est félicité de l'accord ainsi intervenu.
La résolution sur la croissance et l'emploi comprend deux parties : l'une, la plus importante aux yeux de Dominique Strauss-Kahn, porte sur la coordination des politiques économiques autres que budgétaires. Il s'agit en réalité de mettre en oeuvre l'ensemble des potentialités offertes par le traité de Maastricht (article 102 A et 103), mais jusque-là inexplorées.
Que peuvent en attendre les Européens, souvent déçus par une politique abstraite orientée exclusivement vers la mise en place de la monnaie unique et indifférente à leurs difficultés quotidiennes ? fut-il demandé à M. Strauss-Kahn : "D'abord la volonté manifestée par les Quinze de recentrer une bonne part de leurs travaux à venir sur l'emploi; ensuite de constater que l'Union monétaire en 1999 ne se développera pas dans un vide politique, mais que nous vivrons dans un système où, face à une banque centrale indépendante, existera un pôle économique", a-t-il répondu.
Le texte adopté puise largement dans un mémorandum qui avait été transmis voici quelques jours par Gordon Brown, le nouveau chancelier de l'Echiquier : on y met l'accent sur les thèmes chers à la nouvelle équipe travailliste la formation et l'éducation, l'efficacité du marché du travail, la compétitivité, une fiscalité favorable à l'emploi... Des procédures sont prévues afin d'encadrer et de rendre le plus opérationnel possible la concertation et la surveillance mutuelle que l'on cherche ainsi à instaurer. Pour faire le point et donner si possible un élan supplémentaire à l'exercice, il a été entendu qu'un Conseil européen extraordinaire consacré à l'emploi se tiendrait à l'automne sous présidence luxembourgeoise.
La résolution sur la croissance et l'emploi comprend également une série de dispositions de nature plus conjoncturelle. L'idée est de mobiliser quelques crédits, essentiellement par l'intermédiaire de la Banque européenne d'investissement (BEI) pour prendre des participations dans des PME de haute technologie (création de richesses nouvelles et d'emplois) ou encore pour faciliter le financement de divers projets dont on imagine qu'ils auront un impact favorable sur l'emploi : depuis les réseaux transeuropéens d'infrastructure identifiés en 1994 à l'occasion des débats sur le Livre blanc de Jacques Delors, jusqu'à des interventions dans des domaines inexplorés par la BEI, telles l'éducation, la ville, la santé.
Cette énième tentative pour trouver des crédits ne doit toutefois pas faire illusion. Parce que d'abord la BEI est évidemment très consciente, et depuis longtemps, de la priorité à donner à la lutte contre le chômage et "cible" déjà largement ses interventions dans ce sens. Par ailleurs, Theo Waigel, le ministre allemand, a été parfaitement clair : "Il n'y aura pas de moyens nouveaux pour une politique européenne de l'emploi; il n'y aura pas non plus de compétences additionnelles pour la Commission. Quant à la BEI, elle ne modifiera pas ses statuts, elle interviendra dans le cadre existant, et il ne faut pas compter sur des volumes de prêts supplémentaires." Les Anglais, les Néerlandais et d'autres se sont montrés également réticents à ce qui, de près ou de loin, pourrait ressembler à des financements communautaires nouveaux.
Outre les deux résolutions, un mandat est donné à la Commission et aux ministres des finances pour qu'ils étudient la mise en oeuvre de l'article 109 du traité, autrement dit la politique de change de l'UEM. Il s'agit des relations extérieures de l'euro, de l'équilibre à établir avec les autres grandes monnaies : un exercice où il faudra trouver un dosage efficace entre l'action de la Banque centrale européenne et celle du conseil des ministres de l'économie.
PHILIPPE LEMAITRE
Le Monde du 18 juin 1997
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