Article de presse: L'armée péruvienne
Publié le 17/01/2022
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met fin à la prise d'otages de Lima
22 avril 1997 - "Nos soixante-douze otages sont sains et saufs; le Pérou est libre !", exulte le président Alberto Fujimori, en agitant le drapeau péruvien à bord du bus qui conduit une cinquantaine d'otages vers l'hôpital militaire. La plupart d'entre eux font le V de la victoire; deux s'effondrent en pleurs.
Après 126 jours, c'est le dénouement. Les membres du commando du Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (MRTA), quatorze selon les autorités, une vingtaine selon d'autres sources, qui avait pris d'assaut la résidence de l'ambassadeur du Japon à Lima, le 17 décembre 1996, ont tous été tués au cours de l'opération. Ils "sont morts. Je le regrette pour leurs parents, déclare quelques heures plus tard M. Fujimori, mais il n'y avait pas d'autre issue, car ils étaient armés jusqu'aux dents". Le président confirme également, en revenant sur ses premières déclarations, la mort d'un otage, Carlos Giusti Acuna, magistrat de la Cour suprême, et de deux militaires : un lieutenant et un commandant, membres de la sécurité présidentielle.
Deux heures à peine se sont écoulées depuis l'assaut, lancé par quelque 140 hommes des groupes d'élite de l'armée et de la police, à 15 h 20. L'opération a duré moins de quarante minutes, pas plus que celle conduite par le commando du MRTA lorsqu'il s'était emparé de la résidence, retenant en otages plus de 500 personnes, le 17 décembre 1996.
Une partie de "Fulbito"
Les programmes des radios et des télévisions ont été remplacés par la relation en direct des événements, avec en fond sonore des bruits d'armes automatiques. Dix minutes après le début de l'opération, les quatre premiers otages s'échappaient par une rue latérale de la résidence, alors que d'autres rampaient sur le toit, en file indienne, secourus par des soldats qui les aidaient ensuite à emprunter des escaliers dans une épaisse fumée noire.
Selon les premiers témoignages, un groupe de militaires a fait irruption par un tunnel, d'une longueur de 200 mètres, dont l'une des sorties aboutissait dans le jardin intérieur de la résidence. Pendant qu'avec grenades et bazooka certains s'attaquaient à la porte principale, d'autres ouvraient des brèches sur les flancs et le toit de la résidence nippone, sous la surveillance de tireurs d'élite postés sur les maisons voisines.
Une chaîne de télévision péruvienne assure que les membres du MRTA ont été surpris alors qu'une douzaine d'entre eux disputaient une partie de fulbito (football sur un petit terrain).
Trois heures après avoir été libéré, l'ambassadeur bolivien, Jorge Gumucio, a confirmé cette version de l'attaque par les forces armées péruviennes. "Ils étaient huit à jouer au fulbito, a déclaré le diplomate, parmi lesquels le chef du commando, Nestor Cerpa, et ses trois lieutenants. La sortie du tunnel était juste sous leur terrain de jeu. Après une explosion, tous les militaires sont sortis du tunnel et sont partis de tous les côtés."
Les otages prévenus
M. Gumucio a également affirmé que les otages avaient été prévenus quelques minutes avant le déclenchement de l'opération. "Nous étions, a-t-il raconté, dans la chambre de l'ambassadeur japonais, M. Aoki, et, dix minutes avant l'opération, nous avons reçu l'ordre de nous coucher par terre, parce qu'on allait venir nous délivrer." L'ambassadeur n'a pas voulu révéler ses sources, laissant ses interlocuteurs spéculer sur le rôle qu'aurait pu jouer l'ambassadeur canadien, Anthony Vincent, présent dans la résidence quelques minutes avant que l'assaut ne soit donné. "Quinze minutes après le lancement de l'opération, a ajouté M. Gumucio, nous nous sommes identifiés, puis nous sommes sortis en rampant."
Avant que le gros des otages libérés ne prenne place dans le bus, M. Fujimori, en bras de chemise, portant un gilet pare-balles et des bottes militaires, les a rejoints devant la porte principale de la résidence. En présence des militaires ayant participé à l'incursion, ils ont chanté l'hymne national, lancé des vivats et ont vigoureusement applaudi. Portant toujours son gilet pare-balles, le président Alberto Fujimori s'est alors hissé sur le toit d'une des voitures de la police, devant la résidence, et a improvisé une conférence de presse face à la foule des journalistes.
"Je n'ai pas hésité"
Le chef de l'Etat a justifié sa décision de donner l'assaut après les déclarations, dimanche, du chef du commando, Nestor Cerpa, de réduire les visites des médecins de la Croix-Rouge à une seule par semaine. "En aucune manière nous n'allions l'accepter, a déclaré M. Fujimori. Nous l'avions dit de manière claire à Mgr Cipriani, membre de la commission des garants chargée de la médiation. Pour cette raison, nous avons pris notre décision avant qu'un otage ne se trouve en mauvais état de santé, ce que nous aurions tous déploré."
Il a également dénoncé la position très dure du MRTA, qui maintenait ses exigences de libération de prisonniers et ne laissait pas d'autre issue qu'une solution militaire. "Nous nous étions mis d'accord avec le premier ministre du Japon pour ne pas céder au chantage terroriste... Nous avions épuisé tous les moyens possibles... La terreur prétendait s'imposer. Et en aucune façon nous ne pouvions l'accepter."
Le président Fujimori a enfin justifié son choix de ne pas prévenir, avant l'assaut, les autorités japonaises en soulignant la nécessité de surprendre pour donner les meilleures chances de succès à l'opération. "Grâce aux informations des services secrets, je n'ai pas hésité un instant à donner l'ordre de l'attaque, à 15 h 17." Il a ensuite remercié les membres de la commission des garants, tout particulièrement Mgr Cipriani, les parents, et surtout le gouvernement bolivien, qui a su l'encourager à faire preuve de fermeté. "Nous sortirons plus forts de cette expérience, a-t-il déclaré, affirmant que le Pérou avait donné l' "exemple à la communauté internationale" en ne cédant pas "au chantage terroriste."
NICOLE BONNET
Le Monde du 24 avril 1997
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