Devoir de Philosophie

Article de presse: L'armée intervient à Little-Rock

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

24 septembre 1957 - L'intégration raciale dans les écoles provoque de graves incidents dans la ville de Little-Rock (Arkansas). Le président Eisenhower a lancé hier soir un ultime appel aux habitants de Little-Rock pour les inviter à obéir aux décisions des tribunaux fédéraux. Si la résistance cesse immédiatement, la présence des troupes fédérales ne sera plus nécessaire, la ville de Little-Rock reviendra à sa tradition de paix et d'ordre, et l'ombre qui entache la réputation et l'honneur de notre nation aura été effacée, a déclaré en substance le président. De toute évidence, il voulait expliquer et justifier une décision grosse de conséquences. Comment le Sud réagira-t-il en effet à cette démonstration de force ? Les souvenirs de la guerre de Sécession hantent toujours les esprits des Sudistes, qui accepteront mal de voir de nouveau les baïonnettes " yankees " maintenir l'ordre dans leurs rues. On s'explique mieux ainsi l'insistance avec laquelle le président a tenu à préciser que les troupes fédérales n'entendaient pas se substituer aux autorités locales, mais simplement empêcher toute nouvelle atteinte à la loi suprême du pays. La réaction des élus blancs du Sud ne s'est pas fait attendre : le sénateur Johnson (Caroline-du-Sud) conseille au gouverneur Faubus de se mettre en état d'insurrection le sénateur Talmadge (Georgie) compare l'intervention des troupes fédérales à celles des chars russes à Budapest, et le sénateur East-land (Mississippi) déclare que " même en Russie on n'est jamais allé aussi loin dans la destruction de l'ordre social existant ". Mais plus graves encore que ces explosions de politiciens seront la sourde rancune, la profonde amertume qu'éprouvera le Sud au spectacle des parachutistes de la fameuse 101e division aéroportée patrouillant aux abords de l'école et assurant de force l'intégration scolaire. Rien de tel ne s'était produit depuis 1865... En fait, le président aurait bien voulu éviter d'en venir là, mais il ne lui restait pas d'autre issue. Un climat de violence a été Cré, qui rendra encore plus difficile l'intégration scolaire. Un conflit local que quelques lances d'incendie braquées sur les manifestants auraient pu résoudre rapidement s'est transformé en une véritable crise nationale, exigeant la participation de mille parachutistes et la mobilisation de plusieurs milliers d'hommes de la garde nationale placés sous commandement fédéral. La mise en oeuvre de ces moyens militaires paraît un peu disproportionnée à la situation. Les dirigeants de l'organisation de défense des Noirs ont laissé entendre que si les troupes fédérales sont là pour défendre les enfants, les élèves noirs se rendront à l'école aujourd'hui. Les Blancs riposteront par un boycottage de l'école, tout au moins pendant un certain temps. La responsabilité du gouverneur Faubus est évidente dans cette affaire, qui affecte, comme l'a souligné le président, le prestige américain à l'étranger. Mais il faudrait y ajouter celle des éléments modérés et responsables du Sud, qui n'ont pas pu ou voulu élever la voix contre les extrémistes. HENRI PIERRE Le Monde du 26 septembre 1957

Liens utiles