Article de presse: L'accord entre l'OTAN et la Russie
Publié le 22/02/2012
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27 mai 1997 - Après quatre mois de négociations intensives, un sommet à Helsinki entre les présidents russe et américain, de multiples rencontres bilatérales et de tonitruantes déclarations russes sur les risques "de guerre en Europe", les deux principaux négociateurs de la future sécurité du Vieux Continent, le secrétaire général de l'OTAN, Javier Solana, et le ministre russe des affaires étrangères, Evgueni Primakov, se sont finalement mis "pleinement d'accord", le 14 mai 1997 à Moscou. Au terme d'une ultime discussion-marathon de près de vingt-quatre heures, les deux hommes ont accepté un "document" commun visant à redéfinir les relations entre la Russie et l'OTAN.
Baptisé "Acte fondateur sur les relations, la coopération et la sécurité mutuelles entre l'OTAN et la Fédération de Russie", le texte, qui ne doit pas être rendu public avant d'avoir été approuvé par les dirigeants des pays de l'OTAN et le chef de l'Etat russe, sera signé le 27 mai à Paris. "Prêt à 98 %", selon Boris Eltsine, depuis la visite à Moscou au début du mois du secrétaire d'Etat américain, Madeleine Albright, l'accord Russie-OTAN achoppait sur le cinquième et dernier chapitre consacré aux aspects militaires de l'extension aux pays de l'Est : l'éventuel déploiement de troupes et d'armements; la mise en place d'infrastructures pour les accueillir. A sa promesse de ne pas déployer d'armes nucléaires chez ses futurs adhérents, l'OTAN a ajouté qu'elle n'en avait pas non plus l'intention, mais toujours sans renoncer à son droit de le faire d'y construire des silos nucléaires pouvant recevoir de tels missiles. L'OTAN a aussi promis ne pas utiliser les infrastructures militaires héritées du défunt Pacte de Varsovie et s'est engagée à négocier une réduction des troupes et des armes dans la région lors de la révision des accords CFE (Forces conventionnelles en Europe).
Alors qu'à Bruxelles, le secrétaire de l'OTAN avait droit à une ovation des ambassadeurs de l'OTAN, Boris Eltsine a fait contre mauvaise fortune bon coeur. Répétant son opposition à l'extension de l'OTAN (habituellement qualifiée de "plus grave erreur de l'Occident depuis la fin de la guerre froide"), le président russe a expliqué qu'il avait fallu "tenir compte de certaines réalités malheureuses de l'histoire et de la vie" et se contenter de "réduire au minimum le danger pour la Russie" que constitue, selon lui, la progression de l'Alliance vers l'Est.
"Contraignant"
M. Eltsine a ensuite donné une interprétation personnelle de l'accord. D'abord il a estimé que le texte aurait un caractère "contraignant", bien qu'il ne sera signé que par les chefs d'Etat, sans devoir être ratifié par les Parlements, comme le sont les traités internationaux et comme le voulait Moscou à l'origine. Boris Eltsine a expliqué qu'en obtenant, mercredi matin, lors d'une ultime conservation téléphonique avec Javier Solana, que le texte s'appelle "Acte" et non pas "Charte", il avait en quelque sorte obtenu que ce document ait la même valeur que "l'Acte final d'Helsinki" de 1975. Ensuite, il a estimé que la Russie avait acquis une forme de veto sur les décisions de l'Alliance. "Le document dit qu'on prend les décisions uniquement par consensus (...). Si la Russie est contre une quelconque décision, cela signifie que cette décision ne passera pas. C'est d'une importance capitale", a déclaré le président russe.
A Washington, le porte-parole de la Maison Blanche a estimé que l'OTAN n'avait fait "aucune concession" de fond. Le président américain, Bill Clinton, a précisé que la Russie avait obtenu "une voix" au chapitre de l'OTAN "mais pas un veto", afin de rassurer les pays adhérents qui devront approuver l'entente de Moscou. L'accord met, certes, en place un "conseil conjoint permanent Russie-OTAN" doté d'une présidence commune et d'un secrétariat. Mais, malgré cette nouvelle instance de consultation, qui pourra aller jusqu'à décider d' "actions communes", notamment de maintien de la paix, le texte précise que chaque partie garde le droit d'agir librement, en cas de désaccord.
Cet accord, destiné à faire avaler l'amère pilule de l'élargissement de l'OTAN, n'est pas prêt d'être digéré à Moscou, où Boris Eltsine a déjà déclaré que la Russie s'efforcerait, à l'avenir, de bloquer toute extension de l'Alliance atlantique.
Un groupe d'experts du Conseil en politique extérieure et de défense, une organisation non-gouvernementale, avait, dès le 13 mai, dans les pages du quotidien Nezavissimaïa Gazeta, mis en garde la direction russe contre les conséquences de l'accord, qui pourrait entraîner "des affrontements" entre le Kremlin et le Parlement, compromettre la ratification de Start II et remettre en question "tout le système des accords sur les armements stratégiques auxquels Moscou et Washington sont parvenus depuis dix ans".
JEAN-BAPTISTE NAUDET
Le Monde du 16 mai 1997
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