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ARTICLE DE PRESSE: L'accord de partenariat pour la paix

Publié le 22/02/2012

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22 juin 1994 - " Nous ne sommes pas à Yalta mais à Bruxelles. Il ne peut y avoir de confusion. " Ainsi Andreï Kozyrev a-t-il voulu rassurer le journaliste d'un pays balte qui lui posait une question dans laquelle perçait le soupçon d'un nouveau partage du monde après la signature de l'accord-cadre sur le " partenariat pour la paix " par la Russie, mercredi 22 juin au siège de l'OTAN. Rehaussé par la présence du secrétaire d'Etat Warren Christopher, l'événement aurait paru historique s'il n'y avait pas eu au préalable tant de mois de tergiversations et de finasseries de nature à faire douter de la pleine adhésion de Moscou à l'idéal de coopération que l'Alliance atlantique propose à ses anciens ennemis de la guerre froide. Loyalement, le ministre russe des affaires étrangères a d'ailleurs prévenu la presse : " Il ne serait pas réaliste de penser qu'il n'y aura pas de difficultés. " Finalement, la Russie a dû renoncer à l'accord complémentaire distinct qu'elle voulait signer en même temps que l'accord-cadre identique pour les vingt pays (dont dix-sept anciens alliés de Moscou dans le bloc communiste) qui avaient déjà adhéré au " partenariat pour la paix ". Simplement, peu après la signature de l'accord-cadre, l'OTAN a diffusé un " relevé des conclusions découlant des discussions tenues entre le conseil de l'Atlantique Nord et le ministre des affaires étrangères de la Russie ", document non signé par les parties, mais que M. Kozyrev n'a pas pu s'empêcher d'appeler " protocole spécial " dans son allocution devant le conseil. La nature juridique de ce document, qui a tant agité les diplomates pendant plusieurs semaines, est importante, dans la mesure où les autres partenaires de l'OTAN ne voulaient pas de traitement de faveur pour Moscou. Quelque peu redondant, le contenu est presque aussi alambiqué que l'intitulé. C'était un mal nécessaire pour en finir avec d'ultimes tractations commencées quarante-huit heures plus tôt à Bruxelles entre Vitali Tchourkine, ministre adjoint des affaires étrangères en Russie, et Gebhardt von Moltke, assistant du secrétaire général de l'OTAN pour les affaires politiques. Le " relevé de conclusions " indique notamment : " L'Alliance et la Russie sont convenues de développer un vaste programme de partenariat individuel correspondant à la dimension, à l'importance et au potentiel de la Russie. Elles sont convenues de mettre en route le développement de relations de coopération d'une grande portée entre l'OTAN et la Russie, à l'intérieur et à l'extérieur du " partenariat pour la paix " ". " Ces relations, qui visent à accroître la confiance et l'ouverture mutuelles, seront développées d'une façon qui rende compte des objectifs communs et qui complète et renforce les relations avec tous les autres Etats, sans menacer les intérêts de pays tiers, et dans la transparence pour tous. L'Alliance et la Russie sont convenues de poursuivre sur la voie d'un dialogue et d'une coopération larges et renforcées dans les domaines où la Russie a des contributions uniques et importantes à apporter, à la mesure de son poids et de sa responsabilité de puissance européenne, internationale et nucléaire majeure ". Figurent au programme : " L'échange d'informations sur des questions relatives à des problèmes de politique et de sécurité ayant une dimension européenne des consultations politiques, en tant que de besoin, sur des questions d'intérêt commun une coopération dans toute une gamme de domaines liés à la sécurité, y compris, en tant que de besoin, dans celui du maintien de la paix ". Outre la prise en compte du poids particulier de Moscou, on retrouve là le principe " ni veto ni surprise " énoncé dès qu'il a été question de l'entrée de la Russie dans le " partenariat pour la paix ". En clair, Moscou devrait renoncer à bloquer certaines décisions de l'OTAN qui ne lui conviendraient pas, par exemple l'adhésion à l'Alliance atlantique d'un ancien membre du pacte de Varsovie. L'OTAN, pour sa part, semble s'engager à informer la Russie de ses initiatives les plus importantes. Moscou lui avait reproché de ne pas l'avoir averti, en février, de son ultimatum aux Serbes de Bosnie pour la levée du siège de Sarajevo. Lors de la conférence de presse finale, une journaliste polonaise a demandé à M. Kozyrev si la Russie s'opposerait à une adhésion de son pays à l'OTAN. " En tant que partenaires égaux au sein de l'OTAN, nous aurons le même droit de dire ce que nous pensons ", s'est contenté de répondre le ministre russe, qui a fait allusion à une prochaine rencontre avec son homologue polonais pour évoquer cette question. Reprenant à son compte une question déjà posée par son gouvernement, un journaliste a demandé perfidement si la petite Lituanie pourrait prétendre à une " relation spéciale " avec l'OTAN dans le cadre du " partenariat pour la paix ", à l'image du " précédent " créé avec la Russie. Sergio Balanzino, secrétaire général délégué de l'OTAN, qui remplaçait Manfred Werner, toujours empêché par des ennuis de santé, ne lui a pas laissé beaucoup d'illusions... JEAN DE LA GUERIVIERE Le Monde du 24 juin 1994

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