Article de presse: La " vache folle ", chronique d'une négligence d'Etat
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
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Le comité prend néanmoins une première recommandation de bon sens : la destruction des carcasses d'animaux infectés.Proposition adoptée par le gouvernement, qui offre de compenser auprès des malheureux éleveurs 50 % du prix des animauxdétruits.
Non content d'avoir déjà laissé recycler au moins six cents carcasses d'animaux déclarés malades sans parler des autres, le ministre de l'agriculture, avare de ses deniers, dissuade les fermiers de rapporter scrupuleusement le moindre cas de maladiesurvenu dans leur ferme.
Le ministre voulait des économies (la pression des organisations agricoles le contraindra, un an et demi plus tard, à porterl'indemnisation à 100 %).
Il a été servi.
Le consommateur, lui, a continué de manger de l'alimentation infectée.
Ce n'est plus lecas, en théorie, des animaux ruminants qui se voient interdire la fameuse farine carnée.
En 1988, 2 185 bovins malades ont été recensés
Lorsque le comité Southwood publie son rapport, en février 1989, le gouvernement sera aux anges.
Personne n'a plus deraisons de craindre vraiment la maladie.
Le bétail, affirme le comité, sera son " dead-end host ", c'est-à-dire son hôte ultime,puisqu'elle n'est transmissible ni de vache à vache, ni de vache à veau.
Et comme la nourriture infectée en a été la cause (jusqu'enjuillet 1988), l'interdiction de celle-ci en sonnera le glas.
Quand ? Le calcul est facile : autour de 1996, si l'on prend en compte lapériode assez longue d'incubation de la maladie qui, avec un maximum de 400 cas par mois, ne devrait pas excéder un total de20 000 victimes.
A quoi bon procéder aux abattages massifs que réclament quelques esprits chagrins ? Attendre l'extinctionnaturelle de la maladie est la meilleure solution.
Des risques pour la population ? Invérifiables avant au moins une décennie, mais apparemment infimes, pour ne pas dire nuls.
Ase demander pourquoi le rapport recommande aux bouchers des procédures particulières pour se saisir des animaux malades etle rejet des abats dans les produits pour bébés...
Mais le gouvernement exulte.
D'autant que la fin du rapport salue, sans ironie, sarapidité à agir ainsi que la bonne volonté du monde des agriculteurs et de l'agroalimentaire.
Naïveté ? Comédie ? On hésite.
Car les prévisions concernant l'extension de la maladie se révéleront bientôt si erronées qu'iln'y aura d'autres solutions, pour expliquer la contamination de 11 000 bovins nés après la suppression théorique de la nourritureinfectée, que de dénoncer la malhonnêteté de certains éleveurs et industriels qui auraient continué de la vendre et de s'en servir.C'est en tout cas ce que proclameront sans honte les porte-parole du ministère de l'agriculture en 1994, estimant à 80 % laproportion de récalcitrants !
Un autre comité, présidé par le docteur Tyrell, affichera plus d'audace en s'interrogeant plus ouvertement sur les possibilités detransmission verticale et horizontale de la maladie.
Car il faut bien expliquer la multiplication des chiffres ! Il ira même suggérerque l'on examine le cerveau d'animaux supposés sains et conduits à l'abattoir.
L'étude, bien sûr, ne sera pas faite.
Trop chère, ont dit les officiels.
" Non sens ! crie l'infatigable professeur Lacey.
Trop cherpour connaître enfin l'étendue du problème ? Trop cher pour connaître l'ampleur du risque couru par le public britannique ? " Oui,tabou, ce chiffre effrayant que Stephen Dealler n'a eu de cesse d'estimer.
A peine 60 % des vaches malades étaient clairementidentifiées, en 1992.
40 % seulement en 1993 et 1994.
En 1995, dit-il, les Britanniques auront consommé environ 1,5 million devaches infectées...
La conséquence ? Le comité Tyrell s'en inquiète, c'est vrai, dès 1989.
Il déclare même " urgent " de s'assurer que la maladie dela vache folle ne se transmet pas à l'homme.
Fort bien.
Mais le meilleur moyen, dit-il, est d'étudier tous les cas de maladie deCreutzfeldt- Jakob signalés en Grande-Bretagne dans les vingt prochaines années.
Vingt ans ! Les chercheurs ne peuvent ycroire.
Ne faudrait-il pas d'urgence un vaste programme national de recherche ? Non.
Cela ferait de l'étude un sujet de santépublique.
Or c'est impossible.
Selon le gouvernement anglais, la maladie va s'éteindre d'elle-même.
Elle n'est pas transmissible àl'homme.
Et le gouvernement allemand, qui interdit en novembre l'importation des abats de boeuf anglais réputés extrêmementnocifs - le gouvernement britannique les interdit aussitôt de consommation - ne peut agir que pour des raisons mesquines etpolitiques.
Fin 1989, 7 136 cas de maladie ont été confirmés
C'est alors que, dans la ville de Bristol, meurt un chat siamois.
Un chat devenu fou, comme les vaches, les moutons, les visons,les élans et autres antilopes déjà répertoriés comme sensibles aux infections spongiformes.
Et, cette fois, le sang des Anglais n'afait qu'un tour.
Un chat ! C'était comme la famille ! On était donc cerné ? L'association des producteurs d'aliments pour animauxdomestiques s'est sentie visée.
Ce serait pourtant injuste, dit-elle, en annonçant que, depuis près d'un an, elle a exclu de sesproduits cervelle et autres abats bovins et précédé ainsi une décision similaire du gouvernement concernant la nourriture deshommes....
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