Article de presse: La rencontre des PC consacre leur diversité
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
29-30 juin 1976 - " Une conférence qui laissera une trace durable dans l'histoire de l'Europe. " C'est le jugement que porte Leonid Brejnev sur la réunion des PC européens. L'homme qui a voulu cette rencontre et qui a tourné de multiples obstacles pour parvenir à ses fins ne pouvait que se féliciter. Mais cette fête a dû lui laisser un goût d'amertume. La satisfaction rituelle affichée par le secrétaire général du parti soviétique contraste avec le diagnostic réservé porté par ceux que l'on appelle " eurocommunistes ". Enrico Berlinguer a indiqué qu'on avait perdu beaucoup trop de temps à préparer cette rencontre sans intérêt véritable. Georges Marchais a tenu le même langage : " Nous devons dire que des conférences comme celle-ci ne nous paraissent pas correspondre aux besoins de l'époque. " C'est la dernière couleuvre que la délégation soviétique a dû avaler.
Pourtant, elle avait fait bien des concessions. En février dernier, lors du XXVe congrès à Moscou, les orateurs prétendaient qu'on ne pouvait se proclamer communiste sans prendre l'engagement d'instaurer la dictature du prolétariat ni sans faire sa révérence à l'internationalisme prolétarien. Les dirigeants étrangers qui jugeaient périmées ces formules du dogme n'empruntaient-ils pas le chemin qui avait conduit à la trahison nombre de leurs prédécesseurs?
Mais, pour avoir une participation décente, les Soviétiques ont élagué le document final. Nulle part, il n'y est question de dictature du prolétariat ni d'internationalisme prolétarien. Les partis présents se disent prêts à développer la " solidarité internationale... tout en préservant l'indépendance souveraine de chaque parti et en respectant le libre choix de différentes voies dans la lutte pour des transformations sociales ". Satisfecit est ainsi donné aux PC qui, naguère, sentaient un peu le soufre.
A quoi s'engagent alors les participants? A rien. D'ailleurs, ils ont approuvé le texte mais ne l'ont pas signé. Il est vrai qu'ils n'auraient pu se mettre d'accord sur une position commune. La plupart des représentants de l'Est s'en tiennent aux vieux schémas : l'expérience soviétique est exemplaire, et le principe de non-ingérence n'empêche nullement les armées du pacte de Varsovie, comme ce fut le cas à Prague, d'intervenir " fraternellement " à la demande des " vrais " communistes. En revanche, le maréchal Tito reste opposé " à toutes les formes d'immixtion ", et Enrico Berlinguer met les points sur les i en condamnant une fois encore l'invasion de la Tchécoslovaquie. N'avait-il pas dit, pendant la campagne électorale en Italie, qu'il était plus facile de construire le socialisme en restant dans l'OTAN qu'en s'associant au groupe des pays de l'Est? Et l'expérience soviétique? Berlinguer, Santiago Carrillo et Georges Marchais ont répété qu'elle avait pour leur pays une valeur toute relative.
Les discours de Berlin-Est prennent du relief du fait de l'auditoire auquel s'adressaient les orateurs. A diverses reprises depuis la mort de Staline, les communistes avaient montré leurs divergences. Ils n'avaient pas encore eu l'occasion d'exercer avec autant d'éclat leur droit à la diversité.
Jadis, l'Union soviétique régnait sur le mouvement international sans même avoir besoin de convoquer des assemblées. Staline ordonnait, et il était obéi. Ensuite, il fallut manifester l'unité en organisant des rassemblements qui, finalement, célébraient les mérites incomparables du premier Etat socialiste du monde. Maintenant, des partis frères annoncent qu'ils sont venus au rendez-vous pour faire plaisir en quelque sorte à leurs compagnons, mais qu'ils ne sont pas prêts à renouveler l'expérience.
BULLETIN DE L'ETRANGER
Le Monde du 2 juillet 1976
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