Article de presse: La présidence de Georges Pompidou
Publié le 17/01/2022
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Son sort est, dès lors, scellé.
Le président de la République, qui a décidément repris les leviers de commande, est préoccupépar l'approche des élections législatives.
La majorité écrasante de juin 1968 ne saurait se perpétuer.
Il décide un référendum dontle thème surprend : l'admission de la Grande-Bretagne dans la Communauté européenne.
Diviser l'opposition en contraignant les" européens " à se démarquer des communistes, rassembler et élargir la majorité, c'est, dit-on, " bien joué ".
Si la partie estgagnée, les élections législatives pourront avoir lieu " dans la foulée ", à la faveur des nouvelles solidarités et des nouveauxclivages apparus sur le thème de l'Europe.
La campagne, morne et mal conduite, ne mord pas sur l'opinion.
Certes, communistes et socialistes ne donnent pas la mêmeréponse à la question posée, les premiers optent pour le " non " et les seconds recommandent le refus de vote.
Pourtant, au soirdu 23 avril 1972, il apparaît que la bataille du référendum, si elle est gagnée au plan formel puisqu'on dénombre une majorité de" oui ", est perdue comme manoeuvre stratégique.
Deux électeurs inscrits sur cinq ont choisi d'aller à la pêche, près d'un sur cinqde glisser dans l'urne un bulletin portant le mot " non " et moins de deux sur cinq seulement ont voté " oui ".
Avec près de 40 %d'abstentions et près de 7 % de bulletins blancs ou nuls, chiffres jamais atteints dans une consultation à l'échelle nationale, lesFrançais ont moins répondu " oui à Pompidou " qu'ils n'ont manifesté leur indifférence à sa personne, à sa politique, à soninitiative.
C'est le premier grand échec du président.
Le premier ministre, rendu responsable de l'échec de l'opération, dont il n'a été que l'exécutant docile, insiste pour être autoriséà engager la responsabilité de son gouvernement devant l'Assemblée.
Jacques Chaban-Delmas obtient le 23 mai la confiance des députés par 368 voix contre 96.
Il n'en est pas moins, six semainesplus tard, prié de se retirer.
C'est un gaulliste de bon aloi, intègre et froid, qui lui succède le 5 juillet.
Pierre Messmer ne se souciera pas, lui, d'obtenirl'approbation des députés puisqu'il ne se présentera devant l'Assemblée que trois mois après sa nomination, à la rentréed'octobre.
Le " retour aux sources " gaulliennes du régime se manifeste sous différentes formes, dans le vocabulaire, le choix deshommes, le réveil des mythes.
Du côté de l'opposition aussi, on s'organise et se mobilise un accord sur le " programme commun de gouvernement " des deuxformations a été conclu le 27 juin.
L'entente et la satisfaction se manifestent avec éclat dans la gauche dont les chefs se retrouvent,en particulier le 1 er décembre au Palais des Sports de Paris, sur les estrades de meetings unitaires et les sondages enregistrent une montée lente mais constante des voix de l'opposition.
Dans le pays cependant on manifeste pour la défense de l'environnement, contre l'agrandissement du camp militaire du Larzac,pour la libéralisation de l'avortement, contre le racisme, plus ardemment encore que, pour ou contre l'UDR et l'union de lagauche.
La contestation, essoufflée, semble parfois renaître dans la jeunesse, chez les lycéens en particulier.
Mais de tout cela, leprésident n'a cure : l'ordre prime tout, il doit être maintenu, et voilà.
A grand renfort de visites d'Etat, de voyages privés et de consultations réciproques, il a noué des liens personnels avec seshomologues étrangers, les chefs d'Etat et de gouvernement.
Il s'entend bien avec Edward Heath et Leonid Brejnev, moinsaisément avec le chancelier Willy Brandt et le président Richard Nixon.
Il ne croit pas à la construction européenne, pas plusd'ailleurs qu'à la paix mondiale, mais il semble jouer le jeu et, à l'automne 1972, il s'efforce de se placer au centre des débatsd'ailleurs décevants de la conférence au sommet des Neuf réunie à Paris.
En 1973, c'est plutôt la diplomatie planétaire quil'occupe, à travers maintes rencontres avec ses quatre grands interlocuteurs et quelques personnages de moindre importance cette année-là aussi, il réalise une vieille ambition de son prédécesseur en visitant la Chine et en rencontrant Mao.
Peut-on dire que sa politique extérieure demeure gaulliste ? La réponse est plutôt négative en ce qui concerne l'Europe,douteuse pour ce qui concerne la détente avec l'Est et plutôt positive sur tous les autres terrains, y compris et surtout le Proche-Orient.
De toute façon, la France n'a pas de politique extérieure : c'est Georges Pompidou et lui seul qui, dans ce domaine, meten oeuvre une pratique toute personnelle.
Sans vergogne, il intervient dans la campagne électorale de février-mars 1973, grossit les éléments du choix qui, à l'entendre,serait entre le totalitarisme et la misère d'une part, la liberté, le progrès, le bonheur d'autre part, entre la république populaire et ladémocratie.
Il orchestre la campagne de la majorité, réveille les ministres, secoue les candidats, cogne de toutes ses forces surl'opposition avec des ahans de bûcheron.
Et il gagne.
Effacé le demi-échec du référendum, évanouies les craintes d'une accessionde la gauche au pouvoir, dissipés les nuages qui obscurcissaient l'avenir de la majorité : avec quarante sièges de plus qu'uneopposition certes considérablement renforcée, l'UDR, et ses alliés giscardiens et centristes conservent une marge suffisante pourgouverner..
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