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Article de presse: La nuit des barricades

Publié le 22/02/2012

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10 mai 1968 - Peu avant 19 h 30, un cortège, évalué à plus de dix mille personnes, se forme et s'engage boulevard Arago avec l'intention de se grouper devant la prison de la Santé où, pensent les manifestants, se trouvent emprisonnés les étudiants dont ils réclament la libération-en fait ils sont à Fresnes. Un très important service d'ordre ceinture la maison d'arrêt et empêche par sa seule présence le rassemblement projeté à cet endroit. La foule, qui poursuit son avance, scande : " Liberté, liberté ", tandis qu'à travers les barreaux des fenêtres des bras se tendent et applaudissent. Quelques pierres sont lancées en direction des CRS, qui ne réagissent pas. Il n'est pas encore 20 heures lorsque, coude à coude, étudiants, enseignants, lycéens aussi, s'engagent rue Monge, pour gagner le boulevard Saint-Germain. D'autres jeunes gens se mêlent au cortège que l'on peut évaluer, à ce moment-là, à plus de vingt mille personnes. Le service d'ordre de l'UNEF encadre très étroitement les manifestants et fait une haie lorsque la masse passe devant des détachements casqués et armés de boucliers. Ainsi, tout incident est évité. A 20 h 20, les jeunes coiffés de casques, qui se tiennent au premier rang du défilé, arrivent au carrefour des boulevards Saint-Germain et Saint-Michel. Une seule issue leur est offerte, et qui leur convient : remonter le boulevard Saint-Michel, sur lequel aucun barrage n'est disposé. L'accord semble donc à ce moment-là tacite, et c'est sans appréhension, en relatif bon ordre, que le cortège investit le boulevard Saint-Michel jusqu'aux abords de la place Edmond-Rostand. Il est 20 h 40. Les responsables de la manifestation, notamment MM. Alain Geismar (SNE Sup.) et Jacques Sauvageot (UNEF), se réunissent pour donner une suite au rassemblement. Assez rapidement, des consignes sont lancées, parmi lesquelles : " Il faut occuper le Quartier coûte que coûte. " C'est-à-dire, fractionner la manifestation de manière que dans chaque rue tenue par les policiers un groupe vienne prendre place. Il est 21 h 15, rue Le Goff, quand la première barricade est dressée : quelques voitures, des panneaux d'affichage, des grilles d'arbres, des pavés. Le barrage, qui a surgi subitement, va donner l'exemple. Les jeunes gens qui " montent en ligne " prendre position en face des policiers, disposés tout autour du Panthéon et de la Sorbonne, vont trouver là un point de référence et une manière de meubler une attente qui se prolonge, aussi bien que de rendre tangible leur désir d' " occuper " le coeur du quartier Latin. Très vite, des barricades se dressent rue Royer-Collard, rue Saint-Jacques, rue des Irlandais, rue de l'Estrapade, à l'angle des rues Claude-Bernard et Gay-Lussac, au carrefour des rues Saint-Jacques et des Fossés-Saint-Jacques. A 22 h 05, le recteur Roche fait savoir qu'il est disposé à recevoir les représentants des étudiants. A mesure que se multiplient maintenant un peu partout, mais dans un périmètre restreint, les barricades, les forces de l'ordre reçoivent des renforts des unités disposées jusque-là à l'extérieur du quartier Latin, et bouclent les lieux, qui prennent, de minute en minute, un aspect insurrectionnel. Cette première opération des forces de l'ordre va créer une certaine inquiétude chez de nombreux étudiants qui commencent à se retirer. D'autres, au contraire, multiplient les barricades, qui surgissent plus nombreuses encore et qui finiront par donner l'image d'un camp retranché. C'est une soixantaine de barrages qui seront ainsi dressés et continuellement fortifiés. Beaucoup d'entre eux dépassent largement les 2 mètres. Quelques minutes plus tard, sur les ondes de Radio-Luxembourg, un dialogue s'engage entre le vice-recteur Chalin et Alain Geismar, secrétaire général du SNE Sup. Le vice-recteur se déclare prêt à rencontrer Alain Geismar pour discuter directement avec lui. Mais celui-ci précise qu'avant toute discussion il s'agit d'obtenir l'amnistie des étudiants incarcérés. A 0 h 15, apparaît l'espoir de voir tout finir dans l'apaisement quand on apprend que Daniel Cohn-Bendit, ainsi que plusieurs autres étudiants et des professeurs, sont reçus par le recteur Roche, qui, disait-on, avait été jusque-là en contact téléphonique avec Alain Peyrefitte, ministre de l'éducation nationale. Il ne fait que reprendre les propositions antérieures : rouvrir la Sorbonne le matin " examiner avec bienveillance " les cas des étudiants arrêtés. Tandis que Daniel Cohn-Bendit et les autres personnes qui l'accompagnent étaient toujours dans le bureau du recteur, dans la rue on se préparait à passer la nuit. Des fenêtres, des riverains leur jettent de la nourriture, on leur apporte à boire. Une visible sympathie, malgré les déprédations de tous ordres et surtout les voitures défoncées ou renversées, semble s'être installée entre les irréductibles des barricades et leurs spectateurs. A 1 h 45, Daniel Cohn-Bendit sort du rectorat et déclare notamment : " Nous n'avons pas engagé de négociations, nous avons dit au recteur : " Ce qui se passe ce soir dans la rue est que toute une jeunesse s'exprime contre une certaine société " . Nous lui avons dit que pour qu'il n'y ait pas d'effusion de sang, il faut que toutes les forces de police quittent le quartier Latin et que, tant que nos trois exigences ne seront pas satisfaites, nous savons que les manifestants resteront derrière leurs barricades ". Sur les ondes, des étudiants viennent affirmer leur entière solidarité avec ces propos. L'assaut des forces de police Après l'échec de ces négociations, et la présence des barricades, le rétablissement de l'ordre posait un problème délicat dont Maurice Grimaud, préfet de police, fit part au ministre de l'intérieur. A 2 h 15, l'ordre était donné, après les sommations d'usage, aux forces de police de supprimer les barricades et de disperser les manifestants. Cinq cents CRS, bouclier d'une main, matraque de l'autre, se mettent en mouvement rue Auguste-Comte, et avancent sur le boulevard Saint-Michel en refoulant les étudiants devant eux. Très vite, les CRS qui avaient quitté la rue Auguste-Comte lancent des grenades lacrymogènes. Les manifestants, qui chantent l'Internationale ou la Marseillaise, répliquent par des jets de pierres et de projectiles divers. Les forces de l'ordre, dans cette première phase de leur action, ne cherchent pas le contact rapproché qui aurait pu être meurtrier, mais restent à distance, en lançant sans arrêt des grenades lacrymogènes à l'aide de leurs fusils. Bientôt l'air devient irrespirable du côté des premières barricades de la rue Gay-Lussac et les manifestants sont obligés de reculer et d'abandonner un ou deux de leurs refuges pour se replier derrière d'autres. Une première barricade tombe boulevard Saint-Michel, à 2 h 40. Pour retarder l'avance lente, mais qui semble déjà inéluctable, des forces de l'ordre, les étudiants enflamment leurs barricades avec de l'essence ou mettent le feu à des automobiles de tourisme, qu'ils poussent au milieu de la chaussée. Devant l'acharnement des manifestants, les policiers utiliseront bientôt des grenades offensives. Il y a de nombreux blessés de part et d'autre. En raison de la présence des barricades, des combats et du bouclage du quartier, l'évacuation des personnes atteintes ou indisposées par les gaz est extrêmement difficile. Des centres de secours sont installés un peu partout dans les zones encore à l'abri, d'où les blessés seront transportés plus tard. A 3 heures, alors que déjà depuis plus d'une heure les étudiants scandent : " de Gaulle, assassin ! ", les charges de police se multiplient et enlèvent les barricades les unes après les autres après une très forte résistance. Des fenêtres, de nombreuses personnes jettent de l'eau sur les étudiants pour les protéger contre l'effet des gaz lacrymogènes. De temps à autre, les policiers tirent des grenades à l'intérieur de l'appartement de ces personnes pour les obliger à se retirer, parfois jusqu'aux étages élevés. Les combats les plus acharnés se dérouleront dans le secteur des rues Gay-Lussac, Royer-Collard, d'Ulm et Saint-Jacques. Les manifestants n'abandonnent leurs positions qu'après être sûrs qu'ils ne peuvent plus rien tenter. Et pourtant tout aura été tenté durant cette nuit d'émeute : cocktails Molotov, voitures incendiées, projections de sable avec des compresseurs trouvés sur les chantiers de ravalement. A 4 heures, des noyaux résistent encore, notamment rue Thouin, où une section de CRS est attaquée aux cocktails Molotov, que des étudiants jettent des toits. Les derniers combattants se réfugient dans les locaux de l'Ecole normale supérieure, rue d'Ulm, sur laquelle seront effectués plusieurs tirs de grenades. Le quartier Mouffetard, dernière poche de résistance, est " nettoyé " à 5 h 30. Vers 5 h 30, M. Cohn-Bendit lance à la radio un appel à la dispersion et à partir de 6 heures des patrouilles vont quadriller le quartier, arrêter des manifestants épars ou en petits groupes qui ressortaient des immeubles où bien souvent les habitants les avaient abrités. KOSTA CHRISTITCH, BERTRAND GIROD DE L'AIN, JEAN-PIERRE QUELIN Le Monde du 12-13 mai 1968

« avons dit que pour qu'il n'y ait pas d'effusion de sang, il faut que toutes les forces de police quittent le quartier Latin et que, tantque nos trois exigences ne seront pas satisfaites, nous savons que les manifestants resteront derrière leurs barricades ".

Sur lesondes, des étudiants viennent affirmer leur entière solidarité avec ces propos. L'assaut des forces de police Après l'échec de ces négociations, et la présence des barricades, le rétablissement de l'ordre posait un problème délicat dontMaurice Grimaud, préfet de police, fit part au ministre de l'intérieur. A 2 h 15, l'ordre était donné, après les sommations d'usage, aux forces de police de supprimer les barricades et de disperserles manifestants.

Cinq cents CRS, bouclier d'une main, matraque de l'autre, se mettent en mouvement rue Auguste-Comte, etavancent sur le boulevard Saint-Michel en refoulant les étudiants devant eux. Très vite, les CRS qui avaient quitté la rue Auguste-Comte lancent des grenades lacrymogènes.

Les manifestants, qui chantentl'Internationale ou la Marseillaise, répliquent par des jets de pierres et de projectiles divers.

Les forces de l'ordre, dans cettepremière phase de leur action, ne cherchent pas le contact rapproché qui aurait pu être meurtrier, mais restent à distance, enlançant sans arrêt des grenades lacrymogènes à l'aide de leurs fusils. Bientôt l'air devient irrespirable du côté des premières barricades de la rue Gay-Lussac et les manifestants sont obligés dereculer et d'abandonner un ou deux de leurs refuges pour se replier derrière d'autres.

Une première barricade tombe boulevardSaint-Michel, à 2 h 40.

Pour retarder l'avance lente, mais qui semble déjà inéluctable, des forces de l'ordre, les étudiantsenflamment leurs barricades avec de l'essence ou mettent le feu à des automobiles de tourisme, qu'ils poussent au milieu de lachaussée. Devant l'acharnement des manifestants, les policiers utiliseront bientôt des grenades offensives.

Il y a de nombreux blessés depart et d'autre.

En raison de la présence des barricades, des combats et du bouclage du quartier, l'évacuation des personnesatteintes ou indisposées par les gaz est extrêmement difficile.

Des centres de secours sont installés un peu partout dans les zonesencore à l'abri, d'où les blessés seront transportés plus tard. A 3 heures, alors que déjà depuis plus d'une heure les étudiants scandent : " de Gaulle, assassin ! ", les charges de police semultiplient et enlèvent les barricades les unes après les autres après une très forte résistance.

Des fenêtres, de nombreusespersonnes jettent de l'eau sur les étudiants pour les protéger contre l'effet des gaz lacrymogènes.

De temps à autre, les policierstirent des grenades à l'intérieur de l'appartement de ces personnes pour les obliger à se retirer, parfois jusqu'aux étages élevés. Les combats les plus acharnés se dérouleront dans le secteur des rues Gay-Lussac, Royer-Collard, d'Ulm et Saint-Jacques.Les manifestants n'abandonnent leurs positions qu'après être sûrs qu'ils ne peuvent plus rien tenter.

Et pourtant tout aura été tentédurant cette nuit d'émeute : cocktails Molotov, voitures incendiées, projections de sable avec des compresseurs trouvés sur leschantiers de ravalement. A 4 heures, des noyaux résistent encore, notamment rue Thouin, où une section de CRS est attaquée aux cocktails Molotov,que des étudiants jettent des toits.

Les derniers combattants se réfugient dans les locaux de l'Ecole normale supérieure, rued'Ulm, sur laquelle seront effectués plusieurs tirs de grenades.

Le quartier Mouffetard, dernière poche de résistance, est" nettoyé " à 5 h 30. Vers 5 h 30, M.

Cohn-Bendit lance à la radio un appel à la dispersion et à partir de 6 heures des patrouilles vont quadriller lequartier, arrêter des manifestants épars ou en petits groupes qui ressortaient des immeubles où bien souvent les habitants lesavaient abrités. KOSTA CHRISTITCH, BERTRAND GIROD DE L'AIN, JEAN-PIERRE QUELIN Le Monde du 12-13 mai 1968. »

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