Article de presse: La mort du maréchal Pétain
Publié le 22/02/2012
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soient laissé si longtemps abuser ?
Les explications, bien sûr, ne manquent pas; et les plus contradictoires ou les plus lointaines ne sont pas forcément dépourvuesde vérité.
Mais l'explication essentielle n'est-elle pas que pendant quatre ans le gouvernement de Vichy avait usé officiellement detout son crédit et de tous ses moyens pour empêcher les cadres naturels du pays d'être aussi ceux de la Résistance, d'unerésistance qu'ils auraient dès lors dominée et conduite ? Un fait parmi tant d'autres fut grave de conséquences.
Que se passa-t-il àpartir de juillet 1943 lorsque, pour fuir les réquisitions du STO, des milliers et des milliers de jeunes Français se jetèrent dans lesbois ou dans les montagnes ? Toute la France officielle était contre eux, y compris-compte tenu de remarquables exceptions-cesChantiers de jeunesse que le maréchal avait spécialement chargés d'assurer leur éducation patriotique, mais qui devaient aussifaciliter leur embarquement vers les camps de travail allemands.
Pense-t-on que les FTP aient négligé pareille occasion depropagande et de recrutement ?
Et, comme si ce n'était pas assez, toute la propagande officielle travaillait stupidement dans le même sens.
A lire les journaux, àécouter la radio, on pouvait se convaincre que toute désobéissance aux ordres de Vichy ne pouvait être qu'une manièred'adhésion, consciente ou non, aux factions " gaullo-communistes " et à l'ordre " judéo-marxiste ".
On cherchait inlassablement àconfondre dans le même opprobre l'esprit de résistance et l'obédience moscovite.
Il s'agissait bien sûr, suivant un mot du maréchal souvent cité, d'éviter à ce pays le sort de l'infortunée Pologne.
Fallait-il pourautant l'exposer à subir celui de la Roumanie ? Fallait-il en tout cas reporter en les aggravant terriblement des échéances que noussommes loin après cinq ans d'avoir achevé de payer ? En Belgique et au Danemark, où le roi refusait de gouverner, en Hollandeoù la reine et en Norvège où le roi avaient pris le chemin de l'exil et la tête de la résistance, les dégâts furent-ils tellement plusatroces ? L'âme nationale n'a pas été en tout cas empoisonnée à la même profondeur, et les communistes ne sont pas revenusplus forts qu'ils n'étaient avant la guerre, alors qu'ils doublaient leurs effectifs dans les Chambres françaises.
Plût au ciel que l'on ne pût enterrer ce débat avec l'homme qui voulut en assumer seul la pleine responsabilité! Mais la plaiesubsiste, et peut-être est-elle de celles qu'il faut débrider largement pour en atténuer la purulence.
Par-delà les aléas et leshorreurs de la guerre, l'héroïsme, la faiblesse ou la honte des options individuelles, ne croyait-on pas retrouver une lutte familièreentre la gauche et la droite, une alternance au pouvoir qui est de l'essence même du régime parlementaire ? La Chambre bleuhorizon a préparé le Cartel des gauches, et le gouvernement Laval en 1935 le triomphe du Front populaire l'année suivante.
Demême le régime fascisant instauré à Vichy sous le coup de la défaite abandonnait largement aux communistes les fruits de laLibération.
Mais cette fois les oscillations du pendule étaient trop fortes.
Elles n'offraient plus au-delà du régime communémentadmis qu'une option entre deux totalitarismes, et par conséquent entre deux servitudes.
Au bord de cette tombe, et alors quenous assistons à un nouveau retournement du pendule, les Français sauront-ils réfléchir honnêtement à leurs fautes passées ouprésentes, souvent fort lourdes de part et d'autre, pour mieux voir ensemble les dures conditions de leur avenir commun ?
SIRIUS Le Monde du 24 juillet 1951.
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