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Article de presse: La mort de Kennedy : un meurtre encore mal expliqué

Publié le 22/02/2012

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kennedy
22 novembre 1963 - Vingt ans après l'assassinat du président Kennedy a Dallas les conditions et les raisons du drame restent peu claires. Jacques Amalric tente de faire le point. L'immense limousine décapotable glisse sans bruit. Comme pour mieux permettre à John Kennedy et à sa femme d'apprécier les applaudissements de la foule. Pour le gouverneur Connally, qui partage la voiture-paquebot avec le couple présidentiel, un tel accueil est inespéré. Le Texas, en effet, ne passe pas pour porter dans son coeur cet homme jeune béni des dieux, auquel tout a toujours réussi. On le soupçonne de ne rien comprendre à l'esprit de la frontière puisqu'il vient de Boston, on le sait libéral au point d'encourager les Noirs à exercer leur droit de vote et de prétendre qu'il est temps pour les Etats-Unis d'encourager des réformes sociales en Amérique latine et centrale. Enfin, il est catholique, et l'on dit qu'il ne serait pas opposé à une réforme du système fiscal qui avantage tant les pétroliers. Qu'un tel homme soit aussi bien accueilli à Dallas ne peut donc que réjouir le gouverneur Connally et le vice-président Johnson, caution sudiste et populiste de Kennedy. Le vice-président, que John Kennedy a plutôt tendance à mépriser-on raconte qu'il a du mal à faire deux choses à la fois, " comme par exemple marcher en mâchant du chewing-gum ? " -suit, quelques voitures en arrière. Tout comme Connally, il est dans son fief. Mais dans un fief quelque peu en effervescence. L'un des buts du voyage du président est d'ailleurs de remettre un peu d'ordre dans le parti démocrate local en proie à de violentes rivalités personnelles. Il n'empêche, tout s'est bien passé jusqu'à présent. Le soleil était déjà là à l'aéroport le 22 novembre et la foule était chaleureuse. A deux reprises d'ailleurs, John Kennedy fait arrêter sa voiture, au grand dam des agents des services secrets chargés de sa sécurité, pour saluer ici une famille nombreuse et là serrer la main d'une religieuse. Mme Connally, installée comme son mari sur les strapontins de la limousine, ne peut s'empêcher de se retourner et de lancer à l'adresse du président : " Vous ne pourrez plus dire qu'on ne vous aime pas à Dallas ! " Et lui de répondre : " Non, vraiment non ". Les mains à la gorge C'est quelques minutes plus tard que le cauchemar commence. Il est 12h30 le cortège roule à petite vitesse dans Elm Street, en direction d'un passage souterrain, lorsque plusieurs coups de feu claquent. Les images qui suivent appartiennent à la mémoire collective : John Kennedy portant les mains à la gorge, Connally s'effondrant, Kennedy tressautant encore avant de s'abattre sur la banquette, sa femme, vêtue de rose bonbon de pied en toque, se précipitant sur le capot arrière à la recherche d'on ne sait quoi, un agent des services secrets s'agrippant à la roue de secours... Le drame n'a duré que quelques secondes. Mais il ne s'agit que du premier acte. Le second va se dérouler à 6 où 7 kilomètres de là, à l'hôpital de Parkland, vers lequel le cortège à été dérouté à toute allure. En quelques instants, les médecins comprennent que la mort de John Kennedy n'est qu'une question de minutes. Aussitôt, les agents des services secrets prennent en charge Lyndon Johnson et décident de le ramener à Washington dans l'avion présidentiel Air Force One. Ce n'est que lorsque Lyndon Johnson sera à bord de l'appareil que la mort de John Kennedy sera annoncée au monde. Le plus puissant pays de la planète vient en effet de passer près de deux heures sans personne à sa tête et personne encore ne sait si l'assassinat du président n'est pas un prélude à un vaste complot international, à une attaque contre les Etats-Unis. Pour que l'Amérique ait un nouveau président, il faut que Lyndon Johnson prête serment. Ce sera fait dans l'avion présidentiel, avant le décollage pour Washington. C'est une femme, le juge Sarah Hugues, qui préside la cérémonie. Là encore, tout le monde se souvient de la photo : un Lyndon Johnson grave, une main levée, l'autre sur la Bible, entouré de sa femme et de Jackie, comme assommée de douleur. Ce que la photo ne montre pas : un cercueil à l'arrière de Air Force One dans lequel repose Kennedy. Sa femme n'a pas voulu regagner Washington sans lui, en dépit des récriminations de deux bureaucrates texans qui exigeait qu'une autopsie soit faite avant que le cadavre ne quitte l'Etat... Pendant que l'avion présidentiel vole vers la capitale fédérale, la tragédie se poursuit à Dallas. Dans les minutes qui suivent le drame, plusieurs témoins signalent à la police que les coups de feu qui ont atteint le président et le gouverneur-ce dernier se rétablira sans qu'on puisse dire si ses blessures sont à l'origine de sa reconversion ultérieure au républicanisme nixonien-ont été tirés du cinquième étage d'un immeuble qui abrite le dépôt des livres scolaires de la ville. Très vite, les soupçons se portent sur un employé de ce dépôt, qui a quitté l'immeuble deux ou trois minutes après l'attentat. Son signalement est diffusé par radio à la police. Lee Harvey Oswald, puisque c'est de lui qu'il s'agit, sera intercepté par un policier, J.D. Tippit, à quelques " blocs " de là et parviendra à s'enfuir après l'avoir tué à coups de revolver. Oswald, repéré par plusieurs témoins, se réfugie dans un cinéma voisin, le Texas Theatre, où il s'engouffre sans payer et où il est arrêté par plusieurs policiers après une brève bagarre. Une incroyable pagaille Amené au siège de la police municipale, Lee Harvey Oswald n'admettra jamais sa responsabilité dans les meurtres de John Kennedy et de l'agent Tippit. Il niera même avoir été le propriétaire de la carabine Mannlicher Carcano retrouvée au cinquième étage du dépôt des livres scolaires, ce qui a pourtant été prouvé sans l'ombre d'un doute. Son interrogatoire durera plus d'une dizaine d'heures, dans une pagaille difficilement imaginable, la presse occupant littéralement les lieux et campant dans les couloirs du siège de la police. Moins de deux jours plus tard, le 24 novembre, en fin de matinée, alors qu'il a été inculpé des meurtres de Kennedy et de Tippit et qu'il va être transféré à la prison du comté, Oswald est tué d'une balle par un certain Ruby, grassouillet propriétaire de plusieurs boîtes de nuit de la ville. Un homme qui compte de nombreux amis dans la police auxquels il offre généreusement à boire dans ses établissements. Ce meurtre, qui met un point final à la vie combien mystérieuse d'Oswald, est commis au milieu d'environ soixante-dix policiers et cent journalistes. Là encore, une photo l'immortalise, digne des meilleures séries B. Qui ne se souvient du corpulent Jack Ruby, de sombre vêtu, se précipiter l'arme au poing sur le freluquet Oswald encadré par deux inspecteurs caricaturaux ? Un " agent " peu convaincant Oswald mort, il reste au monde entier à faire sa connaissance. C'est un processus long, parfois contradictoire. Les enquêteurs, il est vrai, ont des excuses car la vie de ce " missfit " est assez exceptionnelle. Qu'on en juge : né en 1939 à La Nouvelle-Orléans, Oswald est très vite orphelin de père élevé par sa mère, il a une enfance difficile, de La Nouvelle-Orléans à New-York en passant par Dallas après une scolarité difficile, ponctuée par des problèmes psychiatriques, il s'engage dans les " marines " dont il se fait libérer en 1959 après avoir manifesté à plusieurs reprises et avec agressivité sa passion pour le marxisme. C'est en 1959 qu'il quitte les Etats-Unis pour l'URSS via Helsinki. A peine arrivé à Moscou, il demande à prendre la nationalité soviétique, ce qui lui est refusé menacé d'expulsion, il aurait tenté de se suicider. Le geste attendrit-il les autorités soviétiques ? Toujours est-il qu'il obtient un permis de séjour renouvelable tous les ans et qu'il est envoyé à Minsk, où on l'emploie dans une usine c'est là qu'il fait la connaissance de sa future femme, Marina, aujourd'hui toujours installée aux Etats-Unis où le couple est revenu, avec un enfant, en 1962. Oswald est manifestement déçu de son échec relatif en URSS. Il n'en est pas moins toujours hostile au système américain, ce qui va, semble-t-il, entraîner de vives tensions et une séparation du couple. Alors que Marina est recueillie par une famille de la banlieue de Dallas, Oswald est signalé à La Nouvelle-Orléans, distribuant des tracts au nom d'un " comité justice pour Cuba " dont il est le seul membre. Plus tard, à Mexico, il se rend à l'ambassade cubaine où il demande en vain un visa de transit pour retourner en URSS. Il est établi également qu'il a participé à une tentative d'assassinat du général Walker, chassé de l'armée pour ses opinions d'extrême droite. Alors ? Agent à la solde des services soviétiques ? Ou bien instable caractéristique comme on en compte tant aux Etats-Unis ? Aujourd'hui encore, la question est posée. Mais parmi combien d'autres ! Une chose est sûre en tout cas : Oswald n'avait guère le " profil " de l'agent soviétique et il est à peu près prouvé qu'il n'a jamais séjourné dans une " école " des services spéciaux. Il n'avait, d'autre part, jamais pris la peine de cacher et ses convictions et ses activités. Bref, il faisait partie de ces individus " potentiellement dangereux " que toute police digne de ce nom " neutralise " avant l'arrivée d'un haut responsable... La piste Oswald, effacée par Jack Ruby, reste Ruby lui-même. Là encore, tous les enquêteurs sont restés sur leur faim : fils de juifs polonais arrivés à Chicago à la fin du siècle précédent, l'homme n'apparaît que comme un médiocre entrepreneur de spectacles frelatés et rien, dans sa vie, ne désigne en lui le participant habité d'un complot chargé de faire disparaître l'exécutant. Les explications de Ruby, confirmées par tous les témoignages dont on dispose, sont d'ailleurs concordantes : cet être simple, émotif, quelque peu obsédé par l'extrême droite dont il se croyait la cible, aurait réagi comme dans un état second à l'assassinat de " son " président. Jugé pour le meurtre d'Oswald, il fut condamné à mort. Il fit appel. Tout serait aujourd'hui plus simple s'il n'était pas mort en prison d'un cancer généralisé, avant que son second procès n'ait pu avoir lieu. Très vite, des doutes furent émis en Europe et aux Etats-Unis quant à la crédibilité des explications fournies par la police de Dallas, manifestement dépassée par les événements mais seule compétente en vertu du fédéralisme américain. Une semaine après l'attentat, le tollé était tel qu'il ne restait plus qu'une solution à Lyndon Johnson : ordonner la création d'une commission d'enquête dont le travail consisterait à traquer toute la vérité et à la rendre publique. C'est ce qu'il fit, nommant à sa tête un homme moralement et professionnellement irréprochable. Earl Warren, président de la Cour suprême. La commission, qui se vit accorder des pouvoirs exorbitants, avait autorité sur le FBI et la CIA, dont les agents ne procédèrent pas à moins de vingt-cinq mille interrogatoires, vérifiant les innombrables pistes troublantes ou farfelues soulevées par des dizaines de détectives amateurs à la recherche d'un complot. Après dix mois de travail, la commission publia son rapport : neuf cents pages serrées plus vingt-six volumes de documents annexes. Ses conclusions confirmaient les premières versions du crime : Oswald avait bien assassiné John Kennedy il l'avait fait seul, n'était membre d'aucun complot soviétique ou castriste et avait été assassiné spontanément par Ruby qui, lui aussi, ne faisait partie d'aucun complot. La publication d'un rapport qui compare nombre de faiblesses et d'insuffisances malgré son volume, allait déchaîner de nouveau les policiers amateurs. S'accrochant à certaines invraisemblances, ils ont soutenu des thèses souvent totalement opposées : complot soviétique, castriste, anti-castriste-les opposants de Castro auraient voulu se venger de l'échec de la tentative d'invasion de la baie des Cochons,-raciste, pétrolier. L. Johnson lui-même fut soupçonné par certains d'avoir fait assassiner le président " pour lui succéder ". Les années ont passé mais aucune de ces thèses n'emporte l'adhésion. Aucun témoignage indiscutable, aucun fait avéré n'est venu démolir le rapport Warren qui demeure, avec ses insuffisances-notamment quant au nombre de coups de feu-l'enquête la plus monumentale jamais effectuée dans l'histoire. JACQUES AMALRIC Le Monde du 20-21 novembre 1983
kennedy

« Kennedy et de l'agent Tippit.

Il niera même avoir été le propriétaire de la carabine Mannlicher Carcano retrouvée au cinquièmeétage du dépôt des livres scolaires, ce qui a pourtant été prouvé sans l'ombre d'un doute.

Son interrogatoire durera plus d'unedizaine d'heures, dans une pagaille difficilement imaginable, la presse occupant littéralement les lieux et campant dans les couloirsdu siège de la police.

Moins de deux jours plus tard, le 24 novembre, en fin de matinée, alors qu'il a été inculpé des meurtres deKennedy et de Tippit et qu'il va être transféré à la prison du comté, Oswald est tué d'une balle par un certain Ruby, grassouilletpropriétaire de plusieurs boîtes de nuit de la ville.

Un homme qui compte de nombreux amis dans la police auxquels il offregénéreusement à boire dans ses établissements.

Ce meurtre, qui met un point final à la vie combien mystérieuse d'Oswald, estcommis au milieu d'environ soixante-dix policiers et cent journalistes.

Là encore, une photo l'immortalise, digne des meilleuresséries B.

Qui ne se souvient du corpulent Jack Ruby, de sombre vêtu, se précipiter l'arme au poing sur le freluquet Oswaldencadré par deux inspecteurs caricaturaux ? Un " agent " peu convaincant Oswald mort, il reste au monde entier à faire sa connaissance.

C'est un processus long, parfois contradictoire.

Les enquêteurs,il est vrai, ont des excuses car la vie de ce " missfit " est assez exceptionnelle.

Qu'on en juge : né en 1939 à La Nouvelle-Orléans,Oswald est très vite orphelin de père élevé par sa mère, il a une enfance difficile, de La Nouvelle-Orléans à New-York enpassant par Dallas après une scolarité difficile, ponctuée par des problèmes psychiatriques, il s'engage dans les " marines " dont ilse fait libérer en 1959 après avoir manifesté à plusieurs reprises et avec agressivité sa passion pour le marxisme.

C'est en 1959qu'il quitte les Etats-Unis pour l'URSS via Helsinki.

A peine arrivé à Moscou, il demande à prendre la nationalité soviétique, cequi lui est refusé menacé d'expulsion, il aurait tenté de se suicider.

Le geste attendrit-il les autorités soviétiques ? Toujours est-ilqu'il obtient un permis de séjour renouvelable tous les ans et qu'il est envoyé à Minsk, où on l'emploie dans une usine c'est là qu'ilfait la connaissance de sa future femme, Marina, aujourd'hui toujours installée aux Etats-Unis où le couple est revenu, avec unenfant, en 1962. Oswald est manifestement déçu de son échec relatif en URSS.

Il n'en est pas moins toujours hostile au système américain, cequi va, semble-t-il, entraîner de vives tensions et une séparation du couple. Alors que Marina est recueillie par une famille de la banlieue de Dallas, Oswald est signalé à La Nouvelle-Orléans, distribuantdes tracts au nom d'un " comité justice pour Cuba " dont il est le seul membre.

Plus tard, à Mexico, il se rend à l'ambassadecubaine où il demande en vain un visa de transit pour retourner en URSS.

Il est établi également qu'il a participé à une tentatived'assassinat du général Walker, chassé de l'armée pour ses opinions d'extrême droite. Alors ? Agent à la solde des services soviétiques ? Ou bien instable caractéristique comme on en compte tant aux Etats-Unis ?Aujourd'hui encore, la question est posée.

Mais parmi combien d'autres ! Une chose est sûre en tout cas : Oswald n'avait guèrele " profil " de l'agent soviétique et il est à peu près prouvé qu'il n'a jamais séjourné dans une " école " des services spéciaux.

Iln'avait, d'autre part, jamais pris la peine de cacher et ses convictions et ses activités.

Bref, il faisait partie de ces individus" potentiellement dangereux " que toute police digne de ce nom " neutralise " avant l'arrivée d'un haut responsable... La piste Oswald, effacée par Jack Ruby, reste Ruby lui-même.

Là encore, tous les enquêteurs sont restés sur leur faim : fils dejuifs polonais arrivés à Chicago à la fin du siècle précédent, l'homme n'apparaît que comme un médiocre entrepreneur despectacles frelatés et rien, dans sa vie, ne désigne en lui le participant habité d'un complot chargé de faire disparaître l'exécutant.Les explications de Ruby, confirmées par tous les témoignages dont on dispose, sont d'ailleurs concordantes : cet être simple,émotif, quelque peu obsédé par l'extrême droite dont il se croyait la cible, aurait réagi comme dans un état second à l'assassinatde " son " président.

Jugé pour le meurtre d'Oswald, il fut condamné à mort.

Il fit appel.

Tout serait aujourd'hui plus simple s'iln'était pas mort en prison d'un cancer généralisé, avant que son second procès n'ait pu avoir lieu. Très vite, des doutes furent émis en Europe et aux Etats-Unis quant à la crédibilité des explications fournies par la police deDallas, manifestement dépassée par les événements mais seule compétente en vertu du fédéralisme américain.

Une semaine aprèsl'attentat, le tollé était tel qu'il ne restait plus qu'une solution à Lyndon Johnson : ordonner la création d'une commission d'enquêtedont le travail consisterait à traquer toute la vérité et à la rendre publique.

C'est ce qu'il fit, nommant à sa tête un hommemoralement et professionnellement irréprochable.

Earl Warren, président de la Cour suprême.

La commission, qui se vit accorderdes pouvoirs exorbitants, avait autorité sur le FBI et la CIA, dont les agents ne procédèrent pas à moins de vingt-cinq milleinterrogatoires, vérifiant les innombrables pistes troublantes ou farfelues soulevées par des dizaines de détectives amateurs à larecherche d'un complot. Après dix mois de travail, la commission publia son rapport : neuf cents pages serrées plus vingt-six volumes de documentsannexes.

Ses conclusions confirmaient les premières versions du crime : Oswald avait bien assassiné John Kennedy il l'avait fait. »

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