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Article de presse: La Hongrie, la Pologne et la République tchèque entrent dans l'OTAN

Publié le 22/02/2012

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8 juillet 1997 - Depuis que les Américains avaient annoncé leur décision de n'accepter que trois nouveaux membres dans l'OTAN lors du sommet de Madrid, l'issue ne faisait plus de doute. La Hongrie, la Pologne et la République tchèque seraient invitées à rejoindre l'Alliance atlantique, créée en 1949 pour faire face à la menace soviétique. La Roumanie et la Slovénie, qui bénéficiaient du soutien d'une majorité des seize pays de l'OTAN, devraient patienter. La France avait pris la tête du mouvement en faveur de la Roumanie, tandis que les Italiens se faisaient les champions de leur voisin slovène. Au cours de la séance plénière de mardi, Jacques Chirac a encore prononcé un vibrant plaidoyer en faveur de Bucarest : "La Roumanie, sur laquelle certains s'interrogent, a fait un choix clair en faveur de la démocratie et de l'économie de marché. Le peuple roumain aspire dans son immense majorité, la plus forte de tous les pays candidats, à rejoindre notre Alliance", a affirmé le président de la République. Il a, d'autre part, souligné que ce pays avait réglé "les contentieux séculaires" avec la Hongrie et l'Ukraine, qu'il avait modernisé une armée jamais intégrée dans le Pacte de Varsovie et que son adhésion "évitera que ne soit créé un clivage entre le nord et le sud de l'Europe". Les Américains, suivis notamment des Britanniques, n'ont pas été impressionnés par ces arguments et ont maintenu leur opposition à un élargissement touchant cinq pays. Invoquant des raisons financières, la Maison blanche craint l'opposition d'une forte minorité du Sénat tentée par l'isolationnisme. Toute la question était alors pour la France d'obtenir que les perspectives et le calendrier de l'adhésion de la Roumanie et de la Slovénie soient mentionnés explicitement dans la déclaration finale. Jacques Chirac a, jusqu'au dernier moment, fait corriger une copie qui lui paraissait insatisfaisante. Provocation Les diplomates des Seize avaient passé la nuit de lundi à mardi à rechercher un compromis entre les partisans d'un élargissement restreint et ceux qui réclamaient en faveur des exclus de la première vague, des engagements plus précis. En vain. En séance plénière, le premier tour de table entre les chefs d'Etat et de gouvernement fut "vigoureux" (l'expression est de Catherine Colonna, porte-parole de l'Elysée). La France et quelques-uns de ses alliés insistèrent pour qu'une échéance soit fixée à la Roumanie et à la Slovénie. La délégation allemande proposa alors que la liste du deuxième groupe d'adhésion, si liste il devait y avoir, inclue les trois pays baltes qui sont aussi candidats. Du côté français, cette idée fut perçue comme une provocation à l'égard de la Russie. Les ministres des affaires étrangères furent alors chargés de trouver la formule magique. Ils eurent "bien du mal et du mérite" (selon le mot de Jacques Chirac à l'intention du chef de la diplomatie française, Hubert Védrine). Au début de l'après-midi, ils pensaient avoir réussi. Le projet de déclaration mentionnait bien la Roumanie et la Slovénie comme les candidats les mieux placés pour la deuxième vague d'adhésion; plus loin, la date de 1999 était bien évoquée mais dans le contexte général du 50e anniversaire de l'Alliance; quant aux trois Etats baltes, ils étaient englobés dans une "région baltique" dont les mérites étaient salués. Tout semblait joué, tandis que les chefs de délégations déjeunaient à la table du président du gouvernement espagnol, José Maria Aznar. Mais le retour en séance fut plus animé que ne l'avaient soupçonné les ministres. Emmenées par Jacques Chirac, plusieurs délégations européennes, notamment les Italiens, demandaient en termes vifs au secrétaire général de l'OTAN, Javier Solana, de réexaminer le projet dans un sens plus conforme aux positions du groupe majoritaire. "Un pas non négligeable" Sans que la rédaction du texte ne soit modifiée, de subtils déplacements de phrases et de paragraphes allaient enfin permettre au président de la République de juger, à l'issue des travaux, que "cette réunion au total s'est bien passée". La France a obtenu que la date de 1999 et les noms de la Roumanie et de la Slovénie, et elles seules, soient présentes dans le même paragraphe "Un paragraphe isolé, spécifique", a souligné Jacques Chirac alors que le cas des Baltes était disjoint. "Les autorités françaises" formule qui recouvre désormais l'Elysée et le gouvernement ont-elles lieu de se déclarer satisfaites ? Il est clair que la déclaration sera sujette à des interprétations divergentes, certains insistant sur le quasi-engagement de l'Alliance à accueillir deux nouveaux membres avant la fin du siècle, d'autres mettant l'accent sur le fait que, lors du prochain sommet de l'OTAN en 1999, tout pourra être remis en cause. Toutefois, la France ne pouvait guère espérer arracher beaucoup plus étant donné la fermeté des Etats-Unis et le soutien à éclipses de ses alliés européens. Aucun d'eux n'était disposé à aller jusqu'à la crise et, du côté français, on avait exclu de "prendre en otage" le sommet en bloquant l'adhésion des trois pays faisant l'objet d'un consensus. Le président de la République ne se faisait pas d'illusion sur l'issue de la discussion relative à l'autre sujet à l'ordre du jour de ce sommet : l'adaptation interne de l'Alliance en faveur d'un rééquilibrage des responsabilités entre l'Europe et les Etats-Unis. Il s'est néanmoins félicité qu' "un pas non négligeable ait été confirmé" dans cette direction sans que "l'européanisation" de l'OTAN qui "aux yeux de la France ne va jamais assez vite et jamais assez loin" soit suffisamment avancée pour permettre son retour dans les institutions intégrées. On ne reviendra pas en arrière. On se réjouit des progrès accomplis depuis 1995, on prend acte de la mise en place d'une chaîne européenne de commandements à l'intérieur de l'OTAN, mais la France n'y participera pas aussi longtemps que le partage des commandements ne lui donnera pas entière satisfaction. Cette position d'attente, sur laquelle se sont retrouvés la présidence de la République et le gouvernement, était le gage d'un fonctionnement plutôt placide de la cohabitation. En l'absence du premier ministre, qui a jugé inutile le déplacement à Madrid, le ministre des affaires étrangères a accompagné le chef de l'Etat dans toutes les négociations, y compris lors des entretiens bilatéraux avec le président Clinton, puis avec le président roumain, Emil Constantinescu. Officiellement, la France a parlé d'une seule voix; seules les questions de préséance dans l'expression d'une position commune rappelait l'existence du "domaine partagé". LUC ROSENZWEIG et DANIEL VERNET Le Monde du 10 juillet 1997

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