Article de presse: La dictature des colonels grecs : fanatisme et amalgames
Publié le 22/02/2012
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Faute de parvenir à installer la droite au pouvoir, et dans la crainte que les élections prévues pour le 28 mai n'amènent letriomphe du centre et de la gauche, la même coalition a préféré liquider les dernières apparences de la démocratie.
Certes, le roiavait été mis devant le fait accompli, mais il s'y est rallié par la suite, tout comme les Américains.
Une variante de cette mêmethèse veut que ces derniers aient poussé à la roue : voyant poindre le conflit au Proche-Orient, et inquiets du déploiement de laflotte soviétique, ils auraient éprouvé plus que jamais le besoin d'avoir en Méditerranée orientale une base absolument sûre, qui nepouvait être que la Grèce.
Quoi qu'il en soit, les conclusions sont identiques derrière les nuances de détail: la démocratie était malade en Grèce, maisessentiellement à cause de la droite, à cause des intrigues des forces conservatrices ouvertes ou occultes incrustées dans le corpsde l'Etat.
L'autre analyse ne contredit pas forcément la première, mais lui apporte des nuances ou des additifs : nuances notamment sur lerôle des Américains car, fait-on valoir dans ce second groupe, s'il n'est pas exclu que certains agents de la CIA aient été " auparfum ", aucun indice sérieux ne permet de conclure que le gouvernement de Washington ait été au courant de l'affaire ou l'aitsouhaitée.
Il semble plus probable en tout cas que les représentants américains ont soutenu bien davantage le roi dans ses effortspour le retour aux " formes " et le grignotage des positions de la junte qu'ils n'ont encouragé les colonels à se maintenir aupouvoir.
D'autre part, ajoute-t-on, s'il est vrai que le palais s'est toujours placé par tradition en tête des forces de la " droiteclassique ", une autre de ses traditions consistait à mener la vie dure à tout gouvernement quel qu'il fût dès l'instant que sonautorité risque de porter ombrage à son pouvoir d'arbitrage.
M.
Papandréou en a fait l'expérience, mais avant lui aussi M.Caramanlis et même le dictateur d'avant-guerre, Metaxas.
Quant aux additifs, ils portent sur la situation particulière de la Grèce, pays qui doit beaucoup moins qu'on ne le croit à lasagesse antique et à la démocratie athénienne d'il y a deux mille ans, et beaucoup plus à l'environnement balkanique et proche-oriental dans lequel il baigne; que son produit national brut (deux fois moins élevé, par habitant, qu'en Italie, trois fois moins qu'enAllemagne occidentale) situe encore davantage dans cette frange méridionale et orientale de l'Europe, où les démocraties " àl'occidentale " ne sont pas monnaie courante.
Un pays enfin qui n'en est pas à son premier coup d'Etat militaire.
Tous ces facteursne font certes pas de la Grèce un pays " condamné " à la dictature, mais ils rendent plus difficile la consolidation d'un régimeparlementaire de type courant en Europe de l'Ouest.
Aussi les tenants de cette analyse " non linéaire " se demandent-ils si, enmême temps que la droite " de combat " et ses intrigues, un certain " gauchisme verbal ", mal adapté aux réalités locales, ne portepas lui aussi une part de responsabilité.
La junte qui prend le pouvoir au petit matin du 21 avril n'est pas précisément celle que l'on attendait.
Au lieu du coupperpétuellement menaçant de la " droite classique ", avec l'appui du trône, de l'état-major et des généraux, il s'agit d'une nouvellevariante, celle de colonels pratiquement inconnus.
Qui sont-ils ?
Selon des informations de sources sérieuses et concordantes, la junte siège chaque matin ou presque, sous le nom de " comitérévolutionnaire ", dans l'immeuble du Pentagone (ministère grec de la défense).
Tel un politburo, elle prendrait ses décisions à lamajorité.
Son noyau permanent se compose de douze ou treize officiers, selon qu'on y inclut ou non le " brigadier " Pattakos, seulgénéral du groupe, qui ne figurait pas à l'origine dans le complot d'avril, mais contribua tant à son succès par l'apport de sesblindés.
" Nous fascistes ? Une plaisanterie, nous dit le colonel Caridas.
Fascisme signifie une idéologie, alors que notre seul but est derétablir la démocratie.
Le fascisme signifie un parti, un Führer, et rien de cela n'existe chez nous ".
Il est vrai qu'il n'y a pas, du moins encore, de " parti de la junte ", ni même de Führer dans la mesure où le colonelPapadopoulos n'a pas encore cherché à établir son " image " dans l'opinion par une propagande appropriée.
Mais l'idéologieexiste, même primitive ou réduite à quelques traits.
Le principal de ceux-ci, sinon l'unique, c'est avant tout l'anticommunisme.
Unanticommunisme " viscéral ", comme on dit, institutionnel, planétaire et, partant, tout aussi totalitaire que l'épouvantail brandi.
Unhaut fonctionnaire nous déclare de même que si Andréas Papandréou était parvenu au pouvoir, " la flotte russe serait déjà auPirée aujourd'hui, en train de faire la navette avec Alexandrie ".
Et il conclut par ce jugement qui est aussi un aveu : " Mieux vautun gouvernement fasciste atlantique qu'une démocratie qui se tourne vers Moscou ".
Avant même de conduire au fascisme, un tel fanatisme conduit fort vite à une dangereuse " politique d'amalgame ".
Amalgamedes sympathies lorsque la presse officielle " réhabilite " Metaxas et sa dictature d'avant-guerre, ou encore, contrairement auxdéclarations des officiels qui affirment n'avoir aucune sympathie pour les pays de dictature, lorsque le journal Estia fait l'éloge duPortugal, " seul pays avec la Grèce qui ne condamne pas la politique américaine au Vietnam ".
Amalgame des antipathies lorsquequiconque entretient n'importe quelles relations avec le PC, voire avec un communiste ou un mouvement de gauche, est considéré.
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